Retour à la moyenne

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

Le rééquilibrage des portefeuilles de fin d’année profite aux actifs risqués et aux taux longs… avant un rappel à l’ordre des Banques centrales?

La semaine de Thanksgiving est souvent propice aux réajustements de portefeuille, qui, compte tenu des volumes étriqués, induisent parfois des mouvements significatifs sur les marchés. Le mot d’ordre semble être la prise de profits sur les expositions gagnantes de l’année. Il s’agit par exemple de racheter les sous-expositions en actifs risqués (actions, crédit, obligations à long terme…) et de réduire la surexposition concomitante au dollar au profit de toutes les autres devises… tout en restant à l’écart de l’effondrement des cryptomonnaies. Ainsi, le rebond des marchés d’actions peut s’étendre à +12% sur le S&P 500 depuis le point bas d’octobre à la veille de Thanksgiving. La volatilité implicite ou réalisée s’écrase de sorte que l’indice VIX revient vers 20%. La récession s’éloigne selon les publications européennes mais l’inversion des courbes de taux semble préfigurer un revirement anticipé des Banques centrales, qui laisse perplexe en raison de la persistance du risque inflationniste. Certes, le pétrole baisse avec la résurgence de l’épidémie en Chine et les atermoiements européens sur le mécanisme de plafonnement des prix du pétrole russe sensé entrer en vigueur le 6 décembre. Le rendement du 10 ans américain replonge sous 3,70% accentuant encore l’inversion de la courbe sur le segment 2-10 ans à près de -80 pb. La zone euro n’est pas en reste de sorte que seul le Schatz offre un rendement supérieur à 2%. L’euro repasse le seuil de 1,04 dollar alors que le cable tutoie les 1,21 dollar.

La politique zéro-covid ne peut pas être compensée par davantage de crédit bancaire.

Les dernières publications laissent perplexes quant au risque de récession agité depuis des mois. L’IFO s’est stabilisé comme l’indice de confiance de l’INSEE. Les plans de soutien budgétaire se succèdent en France, en Italie et en Allemagne où la facture énergétique sera épongée à hauteur de 83 milliards d’euros l’an prochain. Son financement passera par l’imposition des surprofits des producteurs d’électricité, y compris dans les énergies renouvelables. Le seuil de taxation des surprofits fixé à 130 euros/MWh dans le solaire ou l’éolien semble trop bas pour ne pas entraver la transition énergétique (la Commission européenne recommandait 180 euros/MWh). Le PIB allemand du troisième trimestre 2022 ressort à 0,4%T avec une contribution plus forte qu’attendu de la consommation et de l’investissement productif. Parallèlement, Pékin est de nouveau sous cloche ce qui met en doute une reprise de l’activité en Chine. La politique zéro-covid ne peut pas être compensée par davantage de crédit bancaire. C’est pourtant l’option retenue par la PBoC qui annonce une réduction du taux de réserves obligatoires après plusieurs mesures visant à stabiliser le secteur immobilier. La reprise chinoise est d’ailleurs à double-tranchant compte tenu de l’effet immédiat d’un espoir de redressement sur les prix des matières premières (le cuivre se traite au-dessus de 8000 dollars la tonne). Aux Etats-Unis, les mauvais PMI de novembre sont invalidés par les surprises haussières sur les ventes de maisons neuves et les commandes de biens d’équipement. Les minutes du FOMC confirment un changement de braquet dans le resserrement monétaire, préfigurant une hausse de 50 pb en décembre.

La baisse des rendements obligataires et l’inversion des courbes de taux s’amplifient encore. Le T-note s’échange sous 3,70% avec un spread 2-10 ans proche de -80 pb. Les rachats de positions vendeuses jouent un rôle majeur dans ce mouvement accentué en retour par la faible profondeur du marché cette semaine. L’inflation probablement autour de 7,5% en novembre favorisera cette tendance jusqu’au prochain FOMC et l’actualisation des perspectives de taux des Fed funds. Comme au cours de l’été dernier, la Fed est confrontée à une détente précoce des conditions financières. L’enjeu est plus important encore pour la BCE, qui est confrontée à un risque d’inflation persistante en raison des choix budgétaires et des pressions salariales. L’accord d’IG Metall prévoit ainsi 8,5% d’augmentation sur deux ans. Isabel Schnabel laisse entendre que la politique budgétaire expansionniste requerra une politique monétaire plus restrictive. L’inversion de la courbe (-22 pb) sera difficile à maintenir avec un taux de dépôt à 2% dès décembre et probablement 3% au printemps. Le Bund s’échange autour d’1,95%. La tendance baissière des taux sans risque a fait tache d’huile sur les spreads souverains bien orientés. L’OAT à 10 ans se traite à 44 pb, les dettes ibériques sous 100 pb et l’Italie autour de 190 pb. Au Royaume-Uni, la BoE cèdera 12 milliards de livres de gilts achetés dans l’urgence en octobre à partir du 29 novembre. Ces opérations s’ajoutent aux ventes au titre du resserrement monétaire (6 milliards de livres en 2022). L’emprunt britannique est proche de 3%.

L’embellie se poursuit sur le crédit grâce à la réduction des rachats sur les fonds et le rééquilibrage des portefeuilles en vue de la fin d’année. Les couvertures sur les indices de CDS se débouclent portant l’IG sous 90 pb et le Crossover sous 450 pb. Le marché primaire a repris entre la fin de la période de publication et la prochaine trêve des confiseurs. Les trois-quarts des nouvelles émissions de novembre se sont resserrés ensuite. Les spreads sur le crédit européen ressortent autour de 110 pb contre swap. Le resserrement est moins net sur les dettes d’agence et supranationales confrontées à une pause dans la réduction des swap spreads. Il est trop tôt pour écarter le risque de tensions de fin d’année sur la disponibilité du collatéral. Le high yield retrouve les faveurs des investisseurs alors que le marché primaire reste atone. Les spreads s’inscrivent en baisse de 20 pb environ sur la semaine écoulée (528 pb).

Le billet vert est sujet aux prises de bénéfices au motif d’une inflexion dans le resserrement monétaire de la Fed. Cela étant, chaque retournement du Nasdaq déclenche immédiatement un repli vers le dollar. Le sterling poursuit sa remontée vers 1,21 dollar après le Krach d’octobre vers 1,035 dollar.

A lire aussi...