Le problème posé par l’inflation reste entier

Axel Botte, Ostrum AM

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Les marchés plongent, la BCE se réunit en urgence et la Fed est incapable de prendre la mesure de la hausse des prix.

©Keystone

Les marchés de taux mondiaux connaissent une volatilité inouïe. L’amplitude des variations journalières sur les obligations du Trésor à 10 ans a dépassé le seuil de 15 points de base durant cinq séances consécutives. Le lendemain du comité fédéral open market (FOMC), le T-note s’est échangé à 3,48% avant de plonger à 3,19% en clôture, accompagnant l’effondrement des marchés boursiers. Loin d’avoir rassuré les intervenants, la Fed semble toujours à la remorque des anticipations des marchés.

Un sentiment de panique s’est installé, de sorte que la Banque centrale européenne a convoqué une réunion en urgence une semaine seulement après le Conseil des gouverneurs du 9 juin. Le communiqué liminaire n’a apporté aucune information nouvelle avant que le gouverneur de la Banque d’Italie, Ignazio Visco, ne jette un pavé dans la mare en évoquant un niveau d’équilibre de 150 pb sur le spread italien à 10 ans. Les tractations vont bon train au sein du Conseil pour ménager les marchés les plus fragiles, tout en procédant au resserrement requis pour atténuer l’inflation. La liquidité a disparu des marchés du crédit et les rachats s’accumulent. En Suisse, la BNS relève, par surprise, son taux directeur de 50 pb pour la première fois en 15 ans. A l’inverse, la Banque du Japon choisit de résister à la pression vendeuse et se résout à augmenter chaque jour ses achats. Son action n’a fait que déplacer la pression vendeuse des marchés obligataires vers la devise nippone.

Panique à bord

La décision de la Fed de relever les taux de 75 pb apparaît comme un coup d’épée dans l’eau. De fait, le niveau d’1,75% sur les Fed funds reste sous la neutralité supposée, alors que l’inflation atteint 8,6% et le chômage est à 3,6%. Il conviendrait de reformuler la neutralité en un taux réel de 0,5%. En outre, la taille du bilan actuelle augmente la neutralité des taux. Le retour à la réalité espéré s’est noyé dans la projection d’une inflation à 2% en 2024. Le débat sur la nécessité d’une récession pour faire baisser l’inflation n’est pas encore ouvert. Si les marchés financiers doutent, de leur côté, les ménages ne croient pas à une décrue. Toutes les enquêtes pointent vers une dérive des craintes d’inflation des ménages.

La BCE n’est pas en reste. La réunion d’urgence, à quelques heures du FOMC, a débouché sur un communiqué aride nécessitant des interventions de Christine Lagarde et d’Ignazio Visco pour contrecarrer un début de panique sur la dette italienne. Les hausses des taux prévues cet été, dont l’ampleur reste à déterminer, serviront de monnaie d’échange pour la mise en œuvre d’un outil anti-fragmentation. Le travail d’équilibriste consistera à ménager les spreads pour compenser la hausse des taux, tout en maintenant un bilan inchangé. Les flux du programme d’achat d’urgence face à la pandémie seront réalloués. La transmission de la politique monétaire évoque aussi le risque bancaire. Les banques italiennes sont dépendantes de la BCE à hauteur de 450 milliards d’euros.

L’action des prix est dantesque. Le Bund s’est envolé pour s’approcher des 2%, alors que le spread italien tutoyait les 240 pb. Les positions en spreads périphériques avaient pourtant diminué, mais la pression vendeuse est réapparue jusqu’à l’intervention verbale des banquiers centraux. Le BTP s’est ainsi resserré jusqu’à 190 pb. Les comptes institutionnels profitent néanmoins de la baisse des obligations assimilables du Trésor ou du Bonos, notamment, atténuant ainsi la hausse des rendements longs. Dans le même temps, le T-note flirtait avec les 3,5% avant de retomber vers 3,2% vendredi. La courbe des taux est plate. Le consensus baissier dans la communauté des hedge funds s’exprime sur les contrats courts. La courbe monétaire intègre un revirement en 2024. La sensibilité du Nasdaq au taux long n’est plus à démontrer, de sorte que l’indice technologique plonge de près de 10% sur la semaine. La baisse est homogène aux Etats-Unis hormis le décrochage des valeurs pétrolières sous pression de l’administration pour baisser les prix. La menace d’une taxe sur les profits exceptionnels fait son chemin dans les rangs démocrates. Les élections de mi-mandat sont dans toutes les têtes.

Le marché du crédit enregistre une nouvelle semaine de rachats intenses, sur l’investment grade comme sur le high yield. Les spreads s’élargissent respectivement de 30 pb et 63 pb depuis le début du mois. Les mouvements sont similaires aux Etats-Unis, avec une plus forte sous-performance du high yield. L’absence de liquidité s’accroît à mesure que le marché s’ajuste à une nouvelle réalité sans le soutien de la BCE. Les flux à redéployer s’élèvent à 23 milliards d’euros sur 12 mois sur le Corporate Sector Purchase Programme (CSPP). Les primes à l’émission réapparaissent à mesure que la demande se réduit.

Le marché des changes est tout aussi animé. L’euro oscille autour de 1,05 dollar, l’engagement à contenir les spreads rassurant quelque peu les intervenants. Le dollar reste le baromètre de l’aversion pour le risque. Le yen a repris le chemin de la baisse, l’inertie de la Banque du Japon impliquant un assouplissement forcené de la liquidité en yen.

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