La Fed insiste sur l’inflation

Axel Botte, Ostrum AM

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Les bons du Trésor retrouvent leur statut de valeur refuge alors que la volatilité des actions s’envole.

©Keystone

La volatilité boursière ne faiblit pas. L’amplitude journalière des cours dépasse régulièrement 3%, sans réelle tendance. Un élément nouveau apparaît néanmoins: le réflexe vendeur sur les actions n’est plus accompagné systématiquement d’une hausse du dollar. Le message de la Fed s’est pourtant durci. Esther George, Présidente de la Fed de Kansas City, insiste sur la nécessité de faire diminuer l’inflation; le resserrement des conditions financières est inévitable. Le Put de la Fed s’éloigne. La chute du dollar suit le repli des rendements obligataires sous 2,80%, au plus bas de la semaine sur le T-note. L’obligataire retrouve quelque peu son rôle de valeur refuge lors des phases d’accélération baissière sur les actions.

Les marchés financiers s’inquiètent davantage des perspectives de croissance que les banquiers centraux, qui privilégient le retour à la stabilité des prix. Le bras de fer entre la Fed et les marchés va sans doute durer. Les indices de crédit (CDS) et les spreads sur les dettes d’entreprise traduisent la même anxiété, le crossover s’approchant du seuil des 500 points de base. La tendance à l’élargissement des marges reprend sur les souverains périphériques. La France et les dettes les mieux notées sont cependant épargnées.

L’effet «Pigou» d’encaisses réelles ne semble pas freiner la demande au niveau macroéconomique.
Stabiliser à tout prix

Aux Etats-Unis, la croissance reste inflationniste, en raison des multiples contraintes pesant sur l’offre. Outre les tensions sur le marché du travail (le chômage est à 3,6%), le taux d’utilisation des capacités manufacturières poursuit sa hausse à 79%. La production industrielle est en croissance de plus de 12% en termes annualisés, entre janvier et avril. La production minière et pétrolière profite de l’environnement de prix élevés. Du côté de la demande, les ventes au détail progressent rapidement (+16% en termes annualisés). L’effet «Pigou» d’encaisses réelles ne semble pas freiner la demande au niveau macroéconomique. L’inflation reste néanmoins la principale source d’inquiétude des ménages. La stabilité des prix s’impose ainsi comme l’objectif principal de la Fed à court terme.

Jerome Powell comme Esther George ne font pas mystère de la volonté des banquiers centraux de durcir les conditions financières. C’est le seul moyen dont dispose la Fed pour réduire l’excès de demande agrégée. La remontée des taux hypothécaires, par suite des relèvements des taux directeurs et de l’annonce du resserrement quantitatif à partir de juin, a déjà un effet sur le trafic des acheteurs prospectifs sur le marché immobilier et le nombre de transactions. Le coût du logement explique en effet une part significative de l’accélération des prix des services. En Chine, l’activité reste déprimée, malgré les perspectives de déconfinement à l’horizon d’un mois. L’objectif de 5% de croissance en 2022 est hors d’atteinte. Le taux de référence à 5 ans a été abaissé par la Banque Populaire de Chine dans l’espoir de redresser une demande de crédit en berne (faible demande immobilière, excès d’épargne involontaire). L’arme monétaire risque de ne pas fonctionner. Un plan de soutien budgétaire pourrait s’avérer nécessaire dans la perspective du renouvellement du mandat de Xi Jinping à l’automne.

Les investisseurs aux aguets

Les craintes liées à la croissance économique provoquent des sorties sur les actifs risqués au profit des Treasuries et des dettes souveraines. Le crédit et les actions sont vendus. En outre, la volatilité ne profite plus au billet vert. L’appréciation du dollar cette année laisse désormais peu de place à une nouvelle jambe haussière. Certes la parité sur l’euro peut constituer un objectif technique tentant, mais le retour en grâce du yen (128) indique un changement de tendance. La pression sur le yuan s’atténue aussi avec le maintien à 3,70% du taux à 1 an de la Banque Populaire de Chine. Dans l’univers obligataire, le T-note s’est échangé sous 2,80% au plus fort de l’accélération baissière sur les actions. L’ancrage des taux courts implique une pression à l’aplatissement du spread 2-10 ans. La réactivité du 10 ans explique la tension du spread 10-30 ans. La demande de sécurité et une adjudication de TIPS sans relief concourent à un resserrement des points morts d’inflation (qui découlent aussi d’effets techniques liés au portage mensuel). Le pétrole n’est pas en cause, puisque le baril WTI s’échange au-delà de 112 dollars et les marges de raffinage sont au sommet.

L’aversion pour le risque persistante revient hanter les spreads périphériques.

En zone euro, la courbe s’aplatit à mesure que les banquiers centraux réaffirment la nécessité de sortir des taux négatifs. Le Bund oscille entre 0,90% et 1,10%. L’aversion pour le risque persistante revient hanter les spreads périphériques. L’emprunt italien à 10 ans se rapproche des 200 points de base. Après la réduction des surexpositions, l’imminence de la fin du quantitative easing suscite la mise en place de nouvelles positions vendeuses. En revanche, les dettes core sont épargnées. Les obligations assimilables du Trésor à 10 ans s’échange à 50 points de base. Le crédit européen continue de s’ajuster. Malgré des primes à l’émission plus élevées, près des deux-tiers des émissions de mai voient leurs valorisations se dégrader depuis leur lancement. Le spread moyen sur le crédit en euros (169 pb) se tend de 18 points de base depuis le début du mois. L’écartement du high yield est conforme à l’élasticité de 3 fois par rapport à la variation de l’IG.

La volatilité des actions est considérable. Les investisseurs guettent les signaux de capitulation. Le nombre de titres au- dessus de leur moyenne sur 200 jours a diminué, mais n’est pas encore au plus bas. La baisse des stars de la cote américaine et la hausse des corrélations entre les actions témoignent de l’ampleur de la correction. Le Nasdaq perd 8% en mai. Les résultats catastrophiques des sociétés de distribution (Walmart, Target), incapables de maintenir les marges, semblent contredire les chiffres de ventes au détail. En Europe, les pertes sont moindres (2%). Les valeurs décotées «value» avec de hauts rendements offrent la seule échappatoire.

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