Des marchés financiers déboussolés

Axel Botte, Ostrum AM

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La nervosité des places boursières est le reflet des craintes d’inflation et de récession.

©Keystone

Le narratif sur les marchés financiers évolue au gré des craintes d’inflation, du ralentissement attendu de la croissance et de l’appréciation de ces risques par les autorités monétaires. Il est rarissime d’observer simultanément grâce aux données hebdomadaires d’EPFR les rachats sur les fonds d’actions, d’obligations, de trésorerie et sur l’or. C’est sans aucun doute le signe d’un marché désorienté. Parallèlement, les effets de positionnement engendrent une volatilité considérable sur les taux comme sur les actions. Récemment, le 10 ans américain fluctue entre 2,80% et 3,20%. L’Euro Stoxx 50 cote de façon erratique entre 3’520 et 3’680.

Le marché des changes s’anime également avec la quasi-parité euro-dollar et dollar-franc suisse, qui sont des objectifs techniques pour les intervenants. Le rebond du yen vers 128 est évocateur des changements psychologiques des investisseurs. Les spreads de crédit et de high yield restent orientés à la hausse. A l’inverse, les positions vendeuses de dette souveraine, italienne en particulier, s’estompent. Les swap spreads en euros semblent enfin se stabiliser. Autour de 80 points de base à 10 ans, cette mesure du risque systémique (pourtant censé avoir été réduit par le recours aux chambres de compensation pour les opérations de swap) se situe à un niveau extrême comparable aux sommets des crises bancaires de 2008 et 2011.

Les appels de marge force la liquidation de positions sur un nombre croissant de matières premières.

Les revirements se succèdent sur les marchés actions malgré une saison des résultats trimestrielle de bonne facture finalement. Le risque de récession et la dynamique baissière des cours boursiers se traduisent par des rachats sur les fonds actions et des rotations sectorielles défavorables à la technologie et aux bancaires. Enfin, les appels de marge force la liquidation de positions sur un nombre croissant de matières premières.

Au sujet des politiques monétaires, la Fed martèle son discours. Les prochaines hausses de 50 pb sont désormais attendues de pied ferme par le marché. Jerome Powell a répété que des hausses de 75 pb ne sont toujours pas à l’étude. Cependant, la publication de l’IPC américain à 8,3% en avril esquisse un ralentissement des prix moins rapide qu’espéré. L’effet de la hausse du dollar sur les prix importés est limité à quelques catégories dont l’habillement. L’inflation accélère dans les services à 5,4%, ce qui, compte tenu de son inertie, invalide l’hypothèse d’un retour rapide vers la cible de 2%...et d’une posture moins restrictive de la Fed?

En zone euro, les banquiers centraux se succèdent pour annoncer une hausse des taux en juillet, immédiatement après l’arrêt des achats d’actifs. Quelques voix s’élèvent pour pointer les risques associés à la faiblesse de l’euro. La fin des taux négatifs fait consensus. La dynamique du cycle est des plus incertaine. Les enquêtes conjoncturelles sont incohérentes avec la stagnation de la production industrielle dans l’union monétaire.

La croissance chinoise suscite aussi des interrogations. Le durcissement de la politique interne de Xi Jinping motivé par un objectif de «prospérité commune», les difficultés financières des promoteurs immobiliers et la politique zéro covid aboutissant au confinement de 465 millions de personnes ont largement affaibli la croissance. Les sorties de capitaux provoquent une baisse du yuan, à laquelle la Banque Populaire de Chine ne compte pas s’opposer. La correction de 7% depuis février efface l’appréciation du yuan en termes effectifs depuis le quatrième trimestre 2021. Si la fuite de capitaux s’accélérait, la Banque Populaire de Chine pourrait limiter les ventes à terme de yuan des banques chinoises.

Un repli des marchés en prévision du resserrement monétaire.

Sur les marchés financiers, la prudence est de mise. Les enquêtes auprès des investisseurs individuels affichent un pessimisme inédit au sujet du marché actions. La volatilité implicite se maintient aux alentours de 30% et la volatilité intra-journalière réalisée peut atteindre 4-5% sur les indices. L’ampleur du marché baissier sur le Nasdaq est saisissante, la moitié de la cote est en baisse de plus de 50% par rapport au sommet. L’aversion pour le risque se traduit par des rachats sur les actions européennes et émergentes et, sectoriellement, sur la technologie et les financières. Le repli vers le marché américain est aussi symptomatique d’une allocation en actions internationale sur la défensive. La saison des résultats s’est soldée aux Etats-Unis par une moyenne à la hausse de 5% pour une croissance annuelle de 10%. En Europe, la croissance agrégée des bénéfices est similaire mais les différences sectorielles sont plus marquées.

Sur les marchés de taux, la plupart des intervenants spéculatifs ont réduit leurs positions vendeuses avant la publication de l’IPC. Les prises de profit initiales ont déclenché des rachats et amplifié la rechute des taux de 3,20% au sommet lundi dernier à 2,80% en séance de mercredi. Les rachats sur l’obligataire américain ne concernent pas les bons du Trésor. Ainsi, à l’instar des comptes spéculatifs, les investisseurs finaux ont réalloué vers les taux américains. Des fonds de pension cherchent aussi à couvrir le risque d’une rechute brutale des taux longs.

En zone euro, le Bund n’échappe pas à ce revirement passant de 1,15% au plus haut à 0,95% en fin de semaine. L’aplatissement du 2-10 ans témoigne des risques du resserrement monétaire. La flexibilité défendue par Christine Lagarde atténue aussi la pression vendeuse sur les dettes périphériques. Le spread italien à 10 ans est revenu ainsi de 205 points de base à 185 points de base. Les marchés du crédit peinent toujours à se stabiliser. Les transactions sur le marché primaire se soldent par des primes plus élevées. Le spread moyen sur le crédit européen oscille autour de 170 points de base. La nervosité est palpable sur les indices de CDS qui concentrent la liquidité et la demande de protection. Le marché du high yield subit des flux vendeurs qui tendent les spreads au-delà de 500 pb.

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