Tous aux abris!

Axel Botte, Ostrum AM

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L’inflation américaine appelle un resserrement et la BCE durcit le ton. Les marchés chutent.

©Keystone

La réunion de la BCE était attendue. La communication de la banque ne laisse aucune place au doute quant aux restrictions à venir. Le rendement du Bund à 10 ans remonte de 10pb vers 1,5% ravivant les tensions sur les spreads périphériques. Le spread sur le BTP italien à 10 ans casse le plafond de 220pb. Les actions européennes rechutent immédiatement avant qu’une accélération baissière à New York n’assombrisse encore l’horizon des marchés d’actions. Le crédit s’élargit dans le sillage des marchés d’actions alimentant la demande de protection. Et la réaction baissière du taux de change, malgré les perspectives de taux d’intérêt en zone euro, ce qui est problématique pour la Banque centrale européenne. De fait, le dollar reste la seule valeur refuge.

Un risque de fragmentation

Le communiqué de la BCE est sans ambiguïté. Elle s’est rarement montrée aussi explicite au sujet des perspectives de politique monétaire. Ainsi, Il y aura une hausse de 25pb en juillet immédiatement après la fin du programme d’assouplissement quantitatif au 1er juillet. L’ampleur de la deuxième hausse des taux, déjà prévue en septembre, est conditionnée à la persistance du risque inflationniste. La probabilité d’une hausse de 50pb demeure très forte compte tenu de l’inertie des prix et de la remontée actuelle des prix du brut. Christine Lagarde parle même de «périple» de la trajectoire des taux d’intérêt, ce qui préfigure une série de relèvements. Ceux-ci concerneront les trois taux directeurs.

Au sujet des opérations ciblées de refinancement à long terme (TLTRO), celles-ci deviendront moins favorables aux banques emprunteuses à partir de juin avec l’arrêt du taux bonifié (-50pb par rapport au taux de dépôt). Ces emprunts ne sont plus éligibles au ratio prudentiel du ratio de financement net stable (NSFR) lorsque la maturité résiduelle est inférieure à un an. Ce qui expliquerais les nombreuses émissions d’obligations sécurisées cette année et pourrait favoriser les remboursements anticipés malgré l’avantage financier des TLTRO. En revanche, la BCE reste sibylline sur la question de la stabilité financière et des risques asymétriques de fragmentation de l’union monétaire. Une transmission uniforme de la politique monétaire requerra sans doute une intervention de la BCE en cas de crise. En l’absence d’un plan explicite, la flexibilité offerte par la diminution du programme d’achat d’urgence face à la pandémie (PEPP) sera la première ligne de défense. On peut imaginer des réinvestissements en amont de la diminution du PEPP ou s’affranchissant de la répartition géographique actuelle.

L’inflation ravive les débats

Aux Etats-Unis, l’inflation est à un niveau «inacceptable» selon les propres termes de Janet Yellen. L’indice des prix à la consommation marque un nouveau sommet à 8,6% en mai. La hausse mensuelle des prix atteint 1%. L’énergie reste un sujet majeur mais les pressions sont largement diffusées dans l’économie et le dollar fort ne semble rien changer. L’indice sous-jacent ralentit à peine à 6%. Et la composante logement continue d’alimenter l’inflation.

Le Bund s’est rapidement rapproché de 1,46% au plus haut de la séance de jeudi 9 juin de la BCE et les maturités courtes s’ajustaient même davantage. L’aplatissement indique la surprise des intervenants à l’évocation de hausses de 50pb. Par ailleurs, l’arme «anti-fragmentation» tant espérée par les intervenants n’a pas été explicitement définie. La BCE ne voulait pas offrir d’ancrage concret sur le spread italien par exemple. Dans l’incertitude, le réflexe du marché cherche à déterminer le «seuil de tolérance» de la BCE. Cependant, la question du niveau des spreads déclenchant une intervention ne semble pas être la plus pertinente. Pareillement au scénario de crise de 2011, le critère primordial sera l’accès au marché. Aux Etats-Unis, l’inflation toujours plus élevée ravivera le débat sur des hausses de 75pb. Le bon à 2 ans américain s’envolait à 3%. Les points morts, à 2,78% à 10 ans, témoignent d’un environnement d’inflation persistante. Les ménages anticipent désormais une inflation médiane de 3,3% à l’horizon de 5 à 10 ans.

Le crédit souffre à l’instar de l’ensemble des actifs risqués. Depuis le début de l’année, l’euro IG perd 11%. Le primaire reste peu animé. Les primes à l’émission ne tiennent pas sur le secondaire. La liquidité supérieure des indices de swap sur défaut de crédit permet de plus forts mouvements motivés par le besoin de couverture. L’iTraxx Crossover se tend de près de 50pb sur la semaine, le resserrement monétaire favorisant la tendance à la décompression. Le marché high yield, malgré un marché primaire toujours déserté, repartait à la baisse. Quant aux actions, elles ont replongé avec le resserrement monétaire annoncé. Les bénéfices anticipés sont bien orientés mais rien ne semble enrayer la baisse des cours. Tous les secteurs sont concernés, y compris l’énergie malgré un baril à 120 dollars. L’homogénéité du plongeon traduit une forme de capitulation des marchés d’autant que les indicateurs de sentiment sont extrêmement baissiers.

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