Le pire n’est jamais certain

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

2 minutes de lecture

Quelles perspectives pour les marchés financiers européens face à la détérioration du contexte géopolitique?

Depuis le 24 février et le début du conflit en Ukraine, l’Europe traverse l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Sur le plan humain tout d’abord, puisque la guerre en Ukraine a déjà fait de nombreuses victimes civiles et entrainé le déplacement de plus de 10 millions de réfugiés. Sur le plan géopolitique ensuite, puisque ce conflit nous replonge dans les heures les plus sombres de la guerre froide.

A l’heure d’écrire ces lignes, les efforts diplomatiques se multiplient et bien que la situation demeure dramatique sur le terrain, les négociateurs évoquent de timides avancées laissant entrevoir une petite lueur d’espoir pour qu’une solution diplomatique puisse être trouvée à ce conflit.

Ainsi, comme le dit l’adage, «le pire n’est jamais certain» et c’est à cette perspective que semblent se raccrocher les marchés financiers ces derniers jours puisqu’après avoir perdu jusqu’à 20% depuis le début de l’année, l’indice MSCI EMU a rebondi de près1 de 10% au mois de mars. La volatilité n’en demeure pas moins élevée2 et devrait le rester tant que les marchés financiers seront dans l’incertitude quant à l’évolution du conflit et à son coût humain, économique et financier.

Dans ce contexte il convient de rester prudent quant à son exposition aux marchés d’actions européens même si le mouvement de vente indiscriminé observé au début du conflit fut sans doute exagéré tandis que les politiques budgétaires et monétaires déployées actuellement devraient soutenir l’activité économique en général et certains secteurs en particulier.

Des secteurs comme l’industrie, l’énergie ou les soins de santé sont parmi les rares à afficher une performance positive cette année.

Notons ainsi que le conflit en Ukraine a particulièrement pesé sur les cours des valeurs bancaires européennes, qui après avoir affiché jusqu’à 15% de progression cette année, ont perdu près de 14% depuis le 23 février. Les investisseurs s’inquiètent en effet de l’exposition du secteur bancaire à la Russie et de l’impact d’un éventuel ralentissement économique en zone euro sur l’activité des banques. Si ces questions sont légitimes, elles ne doivent pas cependant jeter l’opprobre sur l’ensemble du secteur. En effet, celui-ci a réduit son exposition à la Russie de 60% depuis l’annexion de la Crimée3 en 2014 tandis que le maintien de politiques budgétaires accommodantes devrait amortir le choc conjoncturel et que l’arrêt progressif des rachats d’actifs de la BCE devrait soutenir les taux d’intérêt et donc les marges des banques européennes.

Bien que les termes «récession» et «stagflation» soient de plus en plus évoqués par les économistes dans leurs perspectives économiques pour la zone euro, nous n’en sommes pas encore là. En effet, toutes choses étant égales par ailleurs, les mesures budgétaires déployées par les gouvernements et la Commission européenne, a l’instar du plan RePowerEU, devraient permettre d’amortir l’impact économique de la crise énergétique et d’accélérer la transition énergétique en zone euro. Les investisseurs ne s’y trompent d’ailleurs pas, puisque depuis le 24 février, le secteur européen de l’électricité renouvelable a rebondi de plus de 30%4.

Le rebond de ce secteur de croissance est d’autant plus remarquable, qu’il s’est fait dans un contexte de remontée des taux (+55 points de base pour le taux allemand a 10 ans depuis le début de l’année) qui a été exacerbé par la hausse de l’inflation et la volonté de la BCE d’accélérer la réduction de ces rachats d’actifs.

Au cours des prochains mois, la hausse des taux devrait vraisemblablement se poursuivre dans un contexte d’inflation toujours élevée en raison de la crise énergétique que nous traversons. Ceci devrait favoriser, comme au début l’année, les actions «value» relativement aux actions de «croissance». On observe ainsi que des secteurs comme l’industrie, l’énergie ou les soins de santé sont parmi les rares à afficher une performance positive cette année.

En conclusion, la guerre en Ukraine est dramatique sur le plan humain et géopolitique et son évolution ainsi que son impact économique et financier demeurent incertains. Cependant, le pire n’est jamais certain et bien que la volatilité devrait demeurer importante sur les marchés financiers, la panique est généralement mauvaise conseillère pour les investisseurs. Si à court terme, la prudence reste de mise, à moyen et long terme, le projet européen devrait sortir «renforcé» par la crise en Ukraine, comme ce fut le cas après la crise du Covid. En outre, la vigilance de la BCE face à l’inflation et le déploiement massif d’investissements pour accélérer la transition énergétique sont autant de facteurs qui devraient soutenir les marchés européens et singulièrement, le secteur des énergies renouvelables ainsi que les secteurs «value» qui profiteront davantage de la hausse des taux et du mouvement de rattrapage qui s’opèrera le jour où, espérons-le, le conflit en Ukraine touchera à sa fin.

 

1 Source: Refinitiv Datastream, MSCI EMU, données au 18/03/2022
2 29,9 pour le VSTOXX 50
3 Source: La Banque des règlements internationaux
4 Source: Refinitiv Datastream, MSCI EMU Renewable electrical, données au 18/03/2022

A lire aussi...