Etre ou ne pas être transitoire

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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Il est clé de monitorer l’évolution des sources durables d’inflation: prix immobiliers et salaires.

Etre ou ne pas être transitoire, telle est la question existentielle qui agite les marchés financiers au sujet de l’inflation, et ce particulièrement aux Etats-Unis. En effet, depuis que l’économie américaine est sortie de sa léthargie, imposée par la pandémie, le rattrapage de la demande conjugué aux contraintes logistiques et humaines en termes d’offre, a entrainé un fort rebond de l’inflation. En juillet, l’indice des prix à la consommation s’est ainsi envolé de 5,4% sur un an tandis que l’inflation sous-jacente enregistrait une progression de 4,5%, ce qui n’était pas arrivé depuis plus de 25 ans. 

Le fait que l’inflation dépasse aussi largement l’objectif d’une inflation moyenne de 2% fixé par la Fed n’est en soi pas problématique dans la mesure où cette envolée s’explique d’une part, par des effets de base et d’autre part, par un certain nombre de déséquilibres temporaires entre offre et demande. Ainsi, si comme l’estime la Fed, ces éléments s’estompent au cours des prochains mois, celle-ci pourra normaliser sa politique monétaire graduellement et donc de manière indolore pour les marchés. 

Le rapport Case-Shiller du mois de mai faisait état d’une augmentation moyenne de 17% du prix moyen d’une maison, ce qui est significatif.

Dans le cas contraire, elle serait en revanche contrainte de remonter ses taux directeurs plus haut et plus rapidement, ce qui serait bien entendu indigeste pour les marchés financiers et les investisseurs, qui sont donc plus que jamais attentifs aux prévisions inflationnistes. Malheureusement, si une certaine marge d’erreur entoure généralement les prévisions macro-économiques, le caractère exceptionnel de la crise sanitaire et économique que nous venons de traverser rend celles-ci plus incertaines que jamais. En effet, différents facteurs, tantôt inflationnistes tantôt déflationnistes s’opposent actuellement et bien que la balance penche en faveur d’un retour à une inflation plus élevée que ces dernières années, la question est de savoir si elle sera structurellement plus élevée dans le futur.

Au-delà, des facteurs transitoires, comme les effets de base et le déséquilibre en offre et demande, il est donc important de monitorer l’évolution de sources plus durables d’inflation, à l’instar des prix immobiliers et des salaires. En effet, les prix de l’immobilier représentent 30% de l’indice des prix à la consommation et peuvent avoir un impact durable sur celle-ci en entrainant notamment des hausses des loyers. A cet égard, notons que le rapport Case-Shiller du mois de mai faisait état d’une augmentation moyenne de 17% du prix moyen d’une maison, ce qui est significatif. En ce qui concerne les salaires, ceux-ci sont déjà remontés de plus de 4,6% par rapport à leurs niveaux pré-pandémie, ce qui est important aussi. Ce n’est d’ailleurs probablement qu’un début car la réouverture de l’économie entraine une forte demande en ressources humaines et comme près de la moitié des petites et moyennes entreprises peinent à recruter, celles-ci se voient contraintes d’augmenter les salaires. 

Les risques d’une remontée durable de l’inflation sont donc bien présents mais pour autant, peuvent-ils faire contrepoids face aux les éléments qui pèsent sur l’inflation depuis de nombreuses années, à l’instar de la globalisation, du vieillissement de la population et de l’accélération des développements technologiques? Nous ne le pensons pas. 

Le vieillissement de la population devrait continuer à entrainer un glissement de la demande vers les services au détriment des biens.

La globalisation de l’économie mondiale, qui contrairement à ce que certains craignaient a bien résisté à la guerre commerciale sino-américaine et à la crise sanitaire, devrait continuer à faire baisser globalement les prix d’un grand nombre de biens et services grâce, à la spécialisation de certains pays et/ou à leurs couts de production et de main d’œuvre moins élevés. Le vieillissement de la population devrait quant à lui continuer à entrainer un glissement de la demande vers les services au détriment des biens, qui sont plus intensifs en matières premières et donc davantage générateurs d’inflation. Enfin l’accélération des développements technologiques, et l’accélération de leur adoption par le grand public suite à la pandémie, est peut-être l’une des forces déflationnistes les plus importantes. En effet, l’importance croissante de la consommation en ligne améliore la transparence et la compétition en termes de prix. En outre, l’automatisation et la robotisation de nombre de fonctions dans les entreprises permet de réduire les pressions salariales tandis que l’utilisation de ces technologies par les ressources humaines augmente leur productivité, ce qui concoure également à réduire les pressions inflationnistes. 

Enfin, la Fed elle-même devrait annoncer en septembre l’arrêt prochain (tapering) de ses rachats d’obligations, à commencer par ses rachats de titres de créances adossés à des prêts hypothécaires (MBS) ce qui devrait éviter une surchauffe du marché immobilier et contenir les pressions inflationnistes que celui-ci exerce. 

Compte tenu de ces éléments, il nous semble donc que le scenario d’une hausse transitoire de l’inflation suivi d’une normalisation autour de l’objectif de la Fed est le plus vraisemblable. Dans ce contexte, nous nous attendons à une normalisation graduelle de l’environnement de taux, suffisante toutefois pour sous-pondérer notre exposition aux obligations souveraines au profit des marchés d’actions qui en plus d’être portés par une forte croissance bénéficiaire, ont également l’avantage d’offrir une bonne protection face à l’inflation. 

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