Le début d’année des cryptos en 7 points

Charles-Henry Monchau, Banque Syz

4 minutes de lecture

Le bitcoin qui flirte avec les 30'000 dollars, la mise à jour de l’Ethereum, le volume sur les NFT qui repart à la hausse: 2023 démarre en trombe pour les cryptos.

#1: Le rebond des crypto-actifs au premier trimestre

Après la forte baisse subie en 2022, le marché des cryptos a rebondi en ce début d’année, le bitcoin (BTC) testant les 30'000 dollars et terminant le premier trimestre en hausse de 72%. Ce rebond s’inscrit dans un contexte de plus grande appétence au risque de la part des investisseurs, le Nasdaq affichant une hausse de 17% sur la même période.

Outre l’amélioration du sentiment du marché, notons également l’émergence de nouvelles thématiques porteuses au sein de l’écosystème crypto: l'intelligence artificielle, le «Bitcoin Ordinals» (cf. point 7) ainsi que l'intérêt croissant pour les crypto-monnaies chinoises.

La capitalisation boursière des actifs numériques a atteint les 1200 milliards de dollars, soit son plus haut niveau depuis l'été 2022.

Parmi les performances les plus spectaculaires au premier trimestre, citons notamment:

  • FlexCoin (FLEX; +5064%; capitalisation d’environ $400 millions) est le jeton natif de CoinFLEX, une plateforme d’échange de dérivés de crypto-monnaies, avec des offres de finance décentralisée (DeFi) comprenant des produits de «staking»;
  • Conflux (CFX; +1726%; capitalisation boursière d’environ $600 millions),  une blockchain de couche 1 (Layer 1) dont la mission est de résoudre le trilemme de la blockchain, à savoir la décentralisation, la sécurité et l'évolutivité;
  • SingularityNET (AGIX; +812%; capitalisation boursière d’environ $400 millions) est le jeton natif de la bourse SingularityNET, une place de marché décentralisée pour l'intelligence artificielle (IA).
Capitalisation boursière des crypto-actifs depuis juin 2022

Sources: Coin Metrics datonomy, Coin Metrics Network Data
#2: Un changement intéressant dans le comportement du bitcoin

Bien que le BTC, l'ETH et de nombreux crypto-actifs à plus petite capitalisation restent bien en deçà de leurs sommets de 2021, le rebond des cryptos s'est accompagné d'un changement dans son comportement par rapport aux actifs traditionnels.

Alors que les actions ont également rebondi au premier trimestre, les cryptos ont commencé à se décorréler des actifs traditionnels, comme en témoigne la baisse de la corrélation entre le BTC et l'indice S&P 500.

Corrélation du Bitcoin vs. S&P 500 (90 jours)

Source: Coin Metrics Correlation Chart
#3: Le bitcoin en tant qu'actif anti-fragile

La crise bancaire et le sauvetage du Crédit Suisse ont joué un rôle non-négligeable dans le mouvement de decorrelation du bitcoin par rapport aux actifs traditionnels.

Graphique: Evolution du prix du bitcoin par rapport aux banques Silvergate, Silicon Valley Bank, Signature et Crédit Suisse tout au long du mois de mars

Source: TradingView

La dichotomie entre le prix du bitcoin et celui des titres mentionnés ci-avant interpelle sur la propension du bitcoin à se comporter en tant qu’actif anti-fragile. L’«antifragilité» est un concept qui a été développé en 2013 par Nassim Nicholas Taleb, l’auteur du best-seller Le Cygne Noir. La thèse développée est que le contraire de fragile n’est pas solide ou robuste, comme on pourrait le penser intuitivement, mais «antifragile». Est fragile tout ce qui ne résiste pas à l’épreuve. Est solide tout ce qui résiste à un grand nombre d’épreuves. Est antifragile tout ce qui se bonifie avec les épreuves. En finance, l’anti-fragile aime la volatilité, l’incertitude, les chocs, les crises financières, etc.

Le Bitcoin est souvent considéré comme «l’or numérique». En effet, son offre limitée dans le temps est l’une de ses principales similitudes avec les métaux précieux. Le bitcoin est apparu au moment de la grande crise financière de 2008. Depuis son lancement, la politique monétaire du bitcoin en fait la monnaie la plus robuste et la plus rare de la planète. Le bitcoin a survécu à de nombreuses erreurs, à des chocs et même à ce qu’on appelle des «hard fork». Le bitcoin a été déclaré pour mort à de nombreuses reprises. Le minage de bitcoin a été interdit dans plusieurs pays. Tous ces événements et attaques n’ont pas arrêté le développement et l’adoption du bitcoin. La cryptomonnaie devient plus forte avec chaque bloc déposé.

En ces temps de crise bancaire, les caractéristiques d’anti-fragilité du bitcoin semblent s’être rappelées à la mémoire des investisseurs.

#4: La mise à jour Shapella d'Ethereum

Une nouvelle mise à jour de la blockchain Ethereum – appelée «Shapella» – s’est déroulée avec succès le 12 avril. Il s’agit du plus important «upgrade» depuis «The Merge» l'année dernière.

Avec «The Merge», l’Ethereum a changé son protocole de consensus. Il a abandonné un modèle de Proof-Of-Work (POW) comme utilisé sur le Bitcoin pour adopter celui de la Proof-Of-Stake (POS), un modèle beaucoup moins énergivore.

La blockchain Ethereum possède deux couches. Il y une couche d’exécution (la principale) et celle de consensus. La mise à jour «Shanghai» s’applique sur la couche d’exécution. La mise à jour similaire qui s’applique sur l’autre couche est appelée Capella. Pour parler de cette mise à jour au sens global, les développeurs ont contracté les deux noms pour donner naissance à… Shapella (Shanghai + Capella).

L’une des principales modifications apportées par Shapella concerne le staking de jetons ETH. Le passage au protocole POS a changé la façon de participer à la validation des blocs. Avec la POS, les utilisateurs qui font du staking d’ETH participent à la validation des blocs. Cela leur permet donc d’être rémunérés via les frais de transaction notamment. Par contre, les jetons placés en staking sont bloqués. La mise à jour Shapella va changer cela puisque les utilisateurs peuvent désormais retirer leurs tokens ETH bloqués jusqu’à lors.

Les semaines qui ont précédé la mise à jour ont vu le cours de l’ether (ETH) être sous pression et sous-performer le bitcoin (BTC). La raison? De nombreux investisseurs s’attendaient à d’importantes demandes de retrait («unstaking») d’ether juste après Shapella. Ainsi, Coinbase avait averti sur Twitter que les demandes de retrait d’ETH risquent de s’étaler pendant «des semaines voire des mois».

A la surprise de nombreux observateurs, les jours qui ont suivi Shapella n’ont pas été caractérisés par d’importants retraits, ce qui a engendré un fort rebond de l’ether (ETH). Comme le montre le graphique ci-dessous, l’ether a sous-performé le bitcoin avant la mise à jour mais a sur-performé le bitcoin les jours qui ont suivi le «hard fork» Shapella.

Source: Bloomberg
#5: Secousses sur le marché des stablecoins

Le marché des stablecoins pèse 120 milliards de dollars. D'importants mouvements ont eu lieu au sein de l'écosystème des stablecoins au cours du premier trimestre.

Le premier événement majeur s'est produit le 13 février, lorsque l'opérateur de stablecoins et société d'infrastructure Paxos a annoncé ne plus vouloir émettre des jetons Binance USD (BUSD). Paxos a également annoncé qu'elle avait reçu un avis de la SEC qui envisage de classifier le BUSD en tant que valeur mobilière. Dans ce climat d'incertitude réglementaire, l'offre de BUSD en circulation s'est rapidement effondrée, passant de 16 milliards de dollars à 8 milliards de dollars à la fin du trimestre.

Début mars, la fermeture soudaine de la Silicon Valley Bank a eu des impacts négatifs sur le USDC, le deuxième plus important stablecoin. Pendant un bref instant, nous avons assisté à un désancreage (de-pegging) de l'USDC avec le dollar (jusqu’à 88 cents le 11 mars). En effet, Circle, la société mère de l’USDC, avait 3,3 milliards de dollars en dépôt auprès de SVB. Le prix de l'USDC est ensuite remonté jusqu’à parité grâce à l'assurance donnée par la FDIC, le Trésor américain et la Réserve fédérale que tous les déposants seraient entièrement protégés.

Malgré la réputation sulfureuse de Tether, le plus important stablecoin, il semblerait que certains acteurs du marché se soient «réfugiés» sur le Tether lors de cette période d’incertitude.

#6: Les plateformes d’échange de cryptos font l'objet d'une surveillance réglementaire

Le trimestre a également été marqué par une série de nouvelles mesures réglementaires aux États-Unis à l'encontre des bourses de crypto-monnaies. Début février, Kraken a conclu un accord avec la SEC, acceptant de payer 30 millions de dollars d’amende et de mettre fin aux services de «staking» pour les clients américains.

La société Coinbase (COIN) a annoncé le 22 mars qu'elle avait reçu un avis de la SEC indiquant que le régulateur américain avait pris la «décision préliminaire de recommander à la SEC d'engager une action contre la société». Puis, le 27 mars, la CFTC a déposé une plainte civile contre Binance et son PDG «CZ» pour avoir prétendument «manqué de diligence dans la supervision des activités de Binance», ainsi que pour une série d'autres chefs d'accusation.

Bien que ces deux événements soient de nature très différente, ils touchent deux acteurs majeurs du secteur des actifs numériques: la plus grande bourse basée aux États-Unis et la plus grande bourse internationale en termes de volume au comptant.

#7: Le volume des transactions sur les NFT repart à la hausse

Le volume des échanges de jetons non fongibles (NFT) a rebondi au premier trimestre 2023, atteignant 4,5 milliards de dollars soit une hausse de 68% par rapport au quatrième trimestre 2022. Blur, nouveau venu sur la place de marché des NFT, représente la majorité du volume d'échange des NFT depuis son lancement en octobre 2022, soit 71,8% de la part de marché des NFT en mars 2023.

Un développement très important concernant les NFT a eu lieu au cours du trimestre passé: il est désormais possible de «frapper» (mint) des NFTs sur des blockchains Bitcoin dites «layer-2». En effet, le protocole Ordinals permet d’inscrire de manière permanente et immuable des données sur la blockchain Bitcoin. Voici comment cela fonctionne: chaque bitcoin est divisible en 100 millions d’unités appelées satoshis (ou sats). Ce sont ces satoshis qui sont utilisés comme supports pour les inscriptions sur Ordinals. Comme pour les NFT, les inscriptions sur Ordinals permettent de stocker des images, du texte, des clips audio, mais aussi des security tokens, des stablecoins, des smart contracts, etc.

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