Le creux de la vague est-il atteint?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Une vue neutre des choses signifierait un retour à des rendements de longue durée. Des évaluations plus favorables sont toutefois une condition nécessaire pour que cela se réalise.

Un éclaircissement en juillet

Les actions de croissance, les petites capitalisations et les obligations à haut rendement ont affiché de solides performances en juillet. Les rendements des obligations d'État de référence, et de celles indexées sur l'inflation, sont restés stables, ou ont même légèrement augmenté, alors que les marchés émergents ont sous-performé. À noter que les actions chinoises ont une nouvelle fois démontré leurs qualités de diversification (en ayant reculé alors que d'autres marchés ont progressé). Pour ce qui est des obligations d'entreprises, l’humeur s'est améliorée avec une activité plus soutenue sur le plan des nouvelles émissions et des indices de ‘credit default swap’ (CDS) qui se sont remis de leurs plus hauts niveaux. Nous n'avons pas encore atteint le pic de l'inflation. La Banque centrale européenne (BCE) a relevé son taux directeur en le faisant passer directement de -50 points de base (pb) à zéro pour cent. La Réserve fédérale américaine (Fed) est sur le point de relever à nouveau ses taux d'intérêt alors que la publication des résultats du deuxième trimestre ne fait que commencer.

Quitter le marché en baisse

Après plus de six mois de marché en baisse, il se peut que les investisseurs estiment: maintenant, ça suffit. Les liquidités doivent être investies, et toute une série de classes d'actifs sont 15 à 20 % moins chères, voire plus, qu'au début de l'année. Les valorisations sont plus attrayantes et les attentes pour la suite du cycle, sans être franchement empreintes d’optimisme, ont eu le temps de mûrir. Le marché revient à une vision macroéconomique qui permet d’envisager un atterrissage en douceur. Partout, le taux de chômage est bas, et on s’attend à ce que l’inflation, qui se trouve actuellement à un niveau très élevé, recule pour s’aligner sur la base annuelle. Les anticipations de taux d'intérêt se sont stabilisées, les banques centrales n'ont pas signalé que leurs anticipations finales en matière de taux d'intérêt seraient plus élevées, et sur les marchés du crédit et des actions, les facteurs de risque pourraient indiquer que les bilans et les flux de trésorerie des entreprises ne seront pas affectés aussi durement que lors des cycles précédents.

Pourquoi des titres de croissance?

Le rapport entre les actions «growth» et les actions «value» est intéressant. Après avoir sous-performé par rapport aux titres de valeur depuis le début de l'année, les titres de croissance tirent mieux leur épingle du jeu ce mois-ci. Les investisseurs optent en effet pour ‘growth’ parce que ces actions offrent une qualité supérieure en termes de croissance des bénéfices à longue échéance, de même que sur le plan de la résilience des revenus. Un faible endettement, des marges bénéficiaires saines, des chiffres d'affaires en hausse et des innovations technologiques appuient cette tendance. C’est pourquoi ces titres sont relativement chers par rapport au marché. Le produit de la croissance des bénéfices est soit distribué aux actionnaires sous forme de dividendes ou de rachats d'actions, soit, en règle générale, réinvesti pour soutenir les efforts de croissance future. Cela se traduit dans le cours des actions.

En 2020, les titres de croissance se sont appréciés parce que la Fed et d'autres banques centrales avaient ramené les taux d'intérêt à des niveaux très bas. Le taux d'actualisation plus faible a augmenté la valeur actuelle des revenus futurs et, plus le taux de croissance était élevé, plus cela faisait grimper le cours des actions. Depuis fin 2021, on assiste à un mouvement inverse: les taux d’intérêt ont augmenté et les perspectives de croissance se sont assombries. Les multiples de valorisation des titres de croissance et de qualité sont tombés à leur niveau d'avant le Covid rejoignant, dans certains cas, des moyennes historiques du long terme.

Des multiples d'évaluation plus faibles

Sur le marché américain, les multiples ont récemment chuté dans des secteurs tels que les technologies de l'information, les services aux consommateurs et le système de santé publique, du moins dans certains de ses domaines. Mais avons-nous là des circonstances suffisamment propices pour y revenir à un engagement accru? Peuvent-ils s’épanouir dans un monde où l'inflation sera probablement plus élevée qu'avant la pandémie et où les taux d'intérêt seront par conséquent plus proches de leur niveau d'avant la grande crise financière? La réponse devrait être oui, car les entreprises de qualité sont capables de résister à différentes conditions macroéconomiques. Il s'agit en effet de secteurs qui affichent depuis longtemps une croissance forte et stable des revenus - les secteurs de la technologie et de la santé présentant notamment de telles caractéristiques. Lors des précédents ralentissements cycliques, ces entreprises ont enregistré des baisses de bénéfices somme toute limitées.

Rotation dans le comportement des dépenses

En fin de compte, tout dépend de ce que les consommateurs achètent. Le revenu sert d’abord à affronter les prix majorés de l’énergie et de l’alimentation, de même que des intérêts de créance plus importants. C’est pourquoi les compagnies d’énergie et les banques enregistrent des bénéfices si élevés. Ces coûts ne peuvent toutefois pas continuer à augmenter indéfiniment au rythme actuel, sinon l’on ira au-devant d’une grave récession qui conduira de nombreux consommateurs et bien des entreprises à la ruine. Certains signes font penser que les prix de l'énergie pourraient avoir atteint leur point culminant aux États-Unis, alors que les prix des denrées alimentaires sont en baisse. Pour les consommateurs, le coût du crédit n'a peut-être pas encore atteint son pic, mais il le fera peu après les taux d'intérêt du marché. Dans le même temps, les revenus nominaux augmentent, ce qui permet d’espérer qu'à un moment donné, la consommation se portera à nouveau plus sur les dépenses discrétionnaires. Finalement, les consommateurs continuent de changer régulièrement de téléphone portable, de télécharger des films à la demande ou de regarder des shows télévisés. Et les entreprises n’ont pas cessé de pousser plus avant la numérisation de leurs activités opérationnelles. Ces thèmes s'inscrivent dans la durée et soutiennent les perspectives de rendement à plus long terme.

L'importance du momentum

Certains investisseurs aiment la croissance, d'autres la valeur. Mais en fin de compte, les investisseurs aiment les actions de sociétés qui leur sont familières - Apple, Microsoft, Netflix etc. De plus, les marchés ne sont pas efficaces, ce qui rend fous ceux qui abordent les cours des actions en partant d'un point de vue purement fondamental. Au cours des dernières années, le nombre d'actions Apple a en effet diminué sur le marché. Cela est également vrai pour bon nombre d’autres titres américains très en vogue. Or, la quantité d’argent à la recherche de ces actions a augmenté. Le momentum est donc très important - les primes de valorisation pour ce type d'entreprises sont axées sur le long terme. Lorsque les primes diminuent, ces actions semblent avoir plus de valeur. En partant du niveau actuel, on estime que pour les douze prochains mois, le ratio cours/bénéfices de sociétés telles que Apple, Adobe, PayPal ou Salesforce sera inférieur ou proche de celui de février 2020. Entre-temps, elles ont toutefois augmenté leurs bénéfices.

Il nous faudra éventuellement adopter un point de vue différent, plus prudent, lorsque les résultats complets du deuxième trimestre seront disponibles ou si l'inflation et la situation énergétique en Europe nous réservent des nouvelles macroéconomiques encore plus mauvaises. Dans son commentaire accompagnant le relèvement du taux directeur de -0,5 pour cent à zéro pour cent, la BCE a brossé un tableau inquiétant des perspectives pour la zone euro. Mais les marchés en ont conscience. Ils ne pensent pas que les banques centrales pourront relever les taux d’intérêt de façon aussi drastique. En la matière, leurs attentes ont donc atteint leur point culminant. D’une part, cela contribue à rééquilibrer les marchés boursiers, et les obligations d'entreprises commencent à offrir des rendements positifs. D'autre part, certains secteurs d'actions se sont bien tirés d’affaire, en parallèle à une forte reprise cyclique des bénéfices. Cette dernière sera toutefois difficile à maintenir si la croissance ralentit. Il serait surprenant que le secteur de l'énergie puisse maintenir sa performance, alors que le secteur plus étendu de l'industrie et des matières premières est lui aussi davantage menacé par la baisse des bénéfices.

Il semble que les marchés soient désormais las de courir après le marché baissier. Les obligations ont rebondi après la réunion de la BCE, car les données américaines, plus faibles, indiquent la direction que prendra l'économie. Un ralentissement cyclique est garanti, mais il semble régner une confiance accrue dans un atterrissage en douceur. Après des baisses de 15, 20, voire 25 pour cent dans différentes classes d'actifs, il se pourrait que nous ayons effectivement atteint le creux de la vague. Certes, il ne s'agit pas d'une reprise justifiée par de meilleures perspectives macroéconomiques, mais l’argent liquide pourrait bien se rallier à l’avis selon lequel les choses ne vont du moins pas empirer!

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