Ce qu’une récession pourrait signifier pour les actions et les crédits

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Si l’inflation continue de décevoir, il pourrait y avoir une augmentation supplémentaire des attentes en matière de taux.

  • La crainte grandissante d’une récession a entraîné la stabilisation des taux d’intérêt alors que la vente des titres à haut risque s’est accélérée. Si l’inflation continue de décevoir, il pourrait y avoir une augmentation supplémentaire des attentes en matière de taux.
  • Les placements à risque pourraient s’adapter afin de refléter le développement vers une tendance inférieure des rendements pour les actions ou l’expansion habituelle des Credit Spreads.
  • Certes, une récession imminente est douloureuse, mais elle offre aussi des possibilités aux investisseurs. Si la reprise arrive, les actions orientées vers la qualité et la croissance ainsi que les obligations à haut risque constitueront les placements au meilleur bêta.
  • Les actions de qualité affichent une forte croissance et continueront de le faire. Cette part du marché a été rabaissée, mais si la croissance générale des rendements est inférieure pendant une récession, ces actions vont de nouveau offrir une prime supérieure.
  • Les obligations à haut risque ont encore un long chemin à parcourir avant de redevenir attrayantes, mais les rendements et les cours actuels laissent espérer de meilleurs résultats.
Annonce de la récession

Le risque d’une récession augmente. Les prix des valeurs patrimoniales à risque ont fortement chuté la semaine dernière, et comme l’ont déclaré les dirigeants de la Banque centrale européenne qui se sont réunis récemment à Sintra, il est clair qu’il n’y aura pas de chevalier blanc pour soutenir les marchés. Les spécialistes de la banque centrale se concentrent sur l’inflation. Le fait que les investisseurs perdent de l’argent figure tout en bas de la liste. Parallèlement, en matière de taux et d’inflation, les marchés partent du principe que le durcissement de la politique monétaire annoncé va suffire pour rabaisser l’inflation. Mais le prix à payer devra être une baisse de la croissance. Ceci n’apparaît pas encore clairement dans les données économiques actuelles, mais il existe un risque de ralentissement rapide de la croissance, de diminution des rendements des entreprises et d’augmentation des défauts de paiement.

Une récession, ce n’est pas une bonne nouvelle pour les entreprises

Les pertes enregistrées sur les marchés des obligations et des actions depuis leurs pics en 2021 sont en grande partie dues à l’adaptation des taux (réels et attendus). Ceci a des conséquences sur les liquidités et l’évaluation des entreprises. La baisse des obligations globales est la plus haute depuis le début des années 1970. Pourtant, les Credit Spreads sont moins importants qu’avant. Ceci complique les choses. Les rendements absolus sont fortement négatifs, mais la sous-performance relative des entreprises comparée aux obligations souveraines est inférieure à celle des marchés du crédit baissiers d’antan. Le marché des Etats-Unis à haut risque est un bon exemple. La baisse absolue des rendements globaux depuis le pic du marché enregistré au mois de décembre s’élève à 13 pour cent. Depuis le milieu des années 1990, il y a eu deux phases au cours desquelles la baisse était encore plus haute – la crise financière mondiale et la brève panique pour cause de manque de liquidités pendant le premier confinement. Le marché baissier actuel est plus grave qu’en 2002, 2012 et 2016.

Le planning

Dans la plupart des cycles, la performance relative des obligations d’entreprise est inférieure au développement absolu des valeurs. Autrement dit, les portefeuilles de crédit affichent de moindres résultats que les portefeuilles d’obligations souveraines. Ceci est dû au fait que les marchés à la baisse des obligations d’entreprise sont généralement liés à des récessions ou à des phases marquées par une faible croissance du PIB. Le risque de solvabilité augmente si bien que les Credit Spreads s’agrandissent. Ensuite, les taux d’intérêt qui servent de base au calcul chutent en réaction au ralentissement de la croissance, ce qui renforce la sous-performance des crédits. Jusqu’à présent, il s’agit avant tout d’une augmentation des taux. La performance absolue était donc mauvaise, mais le développement relatif des valeurs était jusqu’à présent moins négatif (6,4 pour cent pour les obligations des Etats-Unis à haut risque). Le problème est que la situation peut encore s’aggraver. Ceci serait lié à une expansion des Credit Spreads, à une augmentation des défaillances et à des révisions à la baisse. Au cours des semaines passées, la sous-performance des obligations d’entreprise s’est accélérée et les niveaux de liquidités se sont aggravés sur les marchés des obligations. Ceci pourrait annoncer un été long et dur pour les investisseurs des obligations d’entreprise.

Obligations d’entreprise et actions

Nous nous sommes dernièrement exprimés positivement sur les taux, et comme les soucis en matière de récession commencent à dominer parmi les investisseurs, les marchés de taux d’intérêt ont affiché une forte performance la semaine dernière. Dans le secteur du crédit, nous devons tenir compte d’un environnement plus large pour les risques. Les sur-rendements des obligations d’entreprise affichent une corrélation positive avec les rendements des actions. Si les marchés des actions continuent de chuter, les Credit Spreads vont très probablement continuer d’augmenter.

Retour à la tendance?

Jusqu’où ceci va-t-il aller? Nous avons déjà indiqué que la première phase du marché baissier des actions constituait une réaction au décalage des attentes en matière de politique monétaire, de l’urgence à surmonter la pandémie à la lutte contre l’inflation. Désormais, il s’agit des rendements. A partir des données des rendements du S&P 500 recueillies jusqu’à 1985, nous avons évalué la tendance pour cette période. Grâce à une évaluation logarithmique (qui, au regard de la part croissante des valeurs technologiques dans l’indice enregistrée au cours des décennies précédentes, devrait englober certains changements structurels dans la croissance des rendements), le niveau du rendement prévisionnel pour le S&P est d’environ 190 dollars par action. Au cours du dernier trimestre, le rendement par action (BPA) s’élevait à 200 dollars selon Bloomberg. Un retour à la tendance (qui, en général apparaît en cas de ralentissement conjoncturel) signifierait une baisse de cinq pour cent des rendements (et non le consensus bottom-up de dix pour cent pour la croissance BPA dans les douze mois à venir).

Evaluation inférieure à la moyenne

Les évaluations se sont fortement adaptées sur les marchés des actions, mais les Etats-Unis n’ont pas encore atteint la moyenne de 17,5 x sur le long terme. Pour ce multiplicateur, un niveau BPA de 190 dollars signifie un indice de 3325 points (onze pour cent de moins que lors de la rédaction de ce commentaire). Cette valeur pourrait encore diminuer – il suffit d’imaginer la réaction des marchés si la Russie coupe entièrement les livraisons de gaz vers l’Allemagne. Si le ratio cours sur bénéfices passait à un écart standard par rapport à la moyenne, ceci correspondrait à une évaluation au facteur 14 et, par rapport à la tendance des rendements, à un niveau implicite du S&P 500 de 2660 points.

Soyez prêt

Il ne s’agit pas d’un pronostic ou d’une attente. Il s’agit uniquement de réfléchir à ce qui pourrait arriver si l’économie mondiale devait glisser dans la récession. Cette évaluation est en ligne avec l’attitude plus radicale, affirmant que le monde se distancie rapidement des contraintes de désinflation des 20 dernières années. La pandémie a entraîné une augmentation extrême des évaluations des valeurs patrimoniales à longue duration. Désormais, elles s’adaptent à un monde marqué par davantage d’incertitudes et une inflation qui, sur le moyen terme, sera probablement supérieure à deux pour cent. Ceci signifie qu’il existe un écart important entre le dernier niveau BPA et la tendance BPA évaluée. A ceci s’ajoute des pronostics qui n’ont été que faiblement revus à la baisse. L’écart entre les Credit Spreads actuels et les pics antérieurs est également important, même en laissant de côté la crise financière mondiale et la pandémie. Au regard du bêta entre les deux, une baisse supplémentaire des actions de dix pour cent diminuerait le rendement global des obligations à haut risque d’environ cinq pour cent. Mis à part le carry trade, ceci pourrait entraîner une expansion supplémentaire des spreads de 100 points de base.

Tout ceci concerne avant tout les Etats-Unis, mais les thèmes sont les mêmes dans la plupart des pays industriels, même si l’évaluation diffère au départ. En Europe, aux risques d’inflation globaux s’ajoutent des risques géopolitiques et des faiblesses structurelles dans l’union monétaire. Même si les actions européennes sont comparativement moins chères qu’aux Etats-Unis, il existe encore un risque de dégradation de la situation. Les défauts de paiement pourraient augmenter en Europe si les entreprises sont contraintes de diminuer fortement leur consommation d’énergie. Moins d’énergie signifie une baisse de la production et donc des recettes.

Léger assouplissement du côté du taux d’intérêt

Dans les trimestres à venir, il faudra compter sur une baisse séquentielle des bénéfices enregistrés. Ils risquent de diminuer pour correspondre à la tendance évaluée sur le long terme et même au-dessous. Les multiplicateurs pourraient s’adapter encore davantage et baisser car la prime de risque sur les actions augmente. La bonne nouvelle est que les taux d’intérêt devraient se stabiliser - pas nécessairement parce que l’inflation diminue, mais parce que les marchés partent du principe que les banques centrales attachent davantage d’importance à la croissance et à la stabilité qu’à un retour rapide à un taux d’inflation de deux pour cent. Il ne faut pas oublier le fait qu’ils ne peuvent rien faire contre une grande partie des facteurs qui influencent l’inflation. Notre évaluation concernant la valeur minimum des obligations souveraines au début du mois de juin, reste inchangée. Cette semaine, les rendements et les taux d’inflation break-even ont continué à diminuer. Ceci devrait limiter les pertes absolues sur les marchés des obligations. Mais en ce qui concerne les obligations d’entreprise, le développement relatif des valeurs devrait rester négatif pendant encore un certain temps. Même les marchés des capitaux ont des aspects positifs: Les cours moyens des obligations sont très bas, et le carry s’est amélioré. Les obligations sont remboursées ou résiliées à la valeur nominale ou presque. Si elles sont aujourd’hui à un taux de 90 cent, c’est un bon rendement. Comme nous l’avons constaté récemment, les obligations récemment émises (il en existe un certain nombre) auront des coupons plus attrayants et constitueront une source de revenu pour les investisseurs.

Risque constant jusqu’à ce qu’il y ait de bonnes nouvelles

Les marchés baissiers ont généralement besoin d’un catalyseur pour changer l’atmosphère. Cette tendance est actuellement difficile à reconnaître. Tous sont déçus car l’inflation n’a pas encore atteint son pic, ce qui contraint les banques centrales à maintenir leur rhétorique agressive. La situation en Ulkraine semble s’aggraver car l’ONU affiche une attitude plus rigoureuse face aux agissements des forces armées de Vladimir Poutine. Tant que cette situation persiste, le sentiment négatif va dominer. Certes, nous essayons toujours d’être optimistes. Mais la réalité montre que seules les évaluations apportent actuellement un certain calme aux investisseurs, et tant que le choc de l’inflation/des taux d’intérêt/de la croissance n’aura pas atteint son summum, nous devrions être prêts à assumer de plus grandes pertes.

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