Les actifs britanniques ont-ils de bonnes chances dans l’après-Johnson?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Depuis la négociation d’un Brexit relativement dur sous le gouvernement actuel, les signes de tensions sur le commerce et le marché du travail britannique se sont multipliés.

  • Aux difficultés économiques sont venus s’ajouter le Covid-19 et la crise énergétique. Avec une charge fiscale record et des dépenses publiques généreuses, le gouvernement de Boris Johnson s'est écarté de la politique conservatrice traditionnelle.
  • Mais pour Johnson, c’est désormais fini, et pour l’aile conservatrice, les choses pourraient également s’arrêter là pour ce qui est de définir le nouvel l’agenda.
  • Une relation plus constructive avec l'UE et une gestion plus saine de la politique fiscale renforceraient la confiance dans les actifs britanniques. Il pourrait en résulter une livre sterling plus forte et des rendements améliorés pour les actions britanniques.
Profonde division

En 2016, le Parti conservateur au pouvoir était divisé sur la question même de savoir si le Brexit était réellement un objectif souhaitable (le Premier ministre de l'époque, David Cameron, s'était prononcé en faveur du maintien). Après le référendum, les divisions internes du parti se sont encore accrues, Boris Johnson ayant réussi à faire renverser le successeur de Cameron, Theresa May, avec le soutien considérable des partisans du Brexit au sein du parti. May avait tenté de proposer un Brexit moins dur que celui qui devait finalement être signé. Cet été, ces divisions vont sans doute se manifester à nouveau de façon prononcée.

Un Brexit souple?

Au Parlement, il n’existe pas de majorité bipartisane en faveur d'une nouvelle adhésion de la Grande-Bretagne à l'Union européenne (UE). D’ailleurs, les sondages indiquent que sur la question de l’appartenance à l’UE, l'opinion publique n'a guère changé depuis 2016 – elle reste autour de 50/50. Cela ne signifie pas pour autant la prolongation du statu quo. Un gouvernement conservateur plus modéré pourrait s'attaquer à quelques-uns des problèmes liés au Brexit qui, depuis 2018, ont eu un impact négatif sur l'économie. Il est évident que les échanges commerciaux avec l'UE sont devenus plus difficiles pour les sociétés britanniques, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME). Le commerce est loin de se dérouler sans entrave comme le montrent les longues files de camions en attente dans le port de Douvres. À cela s’ajoute le blocage du protocole sur l'Irlande du Nord. La pénurie de main-d’œuvre dans l’hôtellerie et l’agriculture est également une conséquence de la fin de la libre circulation. Or, le nouveau gouvernement pourrait être disposé à se pencher sur un certain nombre de ces problèmes. Les cris de joie entendus à Bruxelles à l'annonce du départ de Boris Johnson indiquent que pour sa part, l'UE est prête à s'efforcer d'établir des relations plus constructives avec le Royaume-Uni.

Aborder activement la stabilité fiscale

Des progrès dans les relations avec l’UE seraient tout à fait opportuns. La légère appréciation de la livre sterling enregistrée récemment sur les marchés des changes laisse présager que les marchés réagiraient favorablement à un changement de cap de la politique britannique. La pandémie de Covid-19 a fait qu’en règle générale, la politique fiscale britannique s’est cantonnée dans un rôle réactif au cours de ces dernières années. Il n’y a guère eu de plan fiscal élaboré, conçu pour le long terme. En mars, le service britannique de la responsabilité budgétaire («Office for Budget Responsibility») a estimé que la dette publique atteindrait 3,9 pour cent du produit intérieur brut pour l'exercice budgétaire en cours. Une croissance plus lente et des paiements d'intérêts plus élevés risquent de nous forcer à revoir cette estimation à la hausse. L'un des principaux défis du successeur de Boris Johnson sera de maîtriser la détérioration des finances publiques tout en trouvant un équilibre permettant de tenir les promesses politiques faites, notamment en termes de relèvement du niveau du système de santé publique et de son soutien.

De meilleures relations avec l’UE?

Un accord commercial plus constructif avec l'UE et l'abandon d'idées ridicules (et coûteuses) telles que le rétablissement du système de mesure impérial pourraient s’avérer bénéfiques pour les performances économiques du Royaume-Uni. En dépit du cycle actuel de durcissement de la politique monétaire, les taux d’intérêt resteront probablement à un bas niveau. La Grande-Bretagne a déjà fait des progrès impressionnants dans le développement des énergies renouvelables, ce qui devrait favoriser l'innovation dans le domaine des technologies propres. Il serait également bon de revenir sur certaines décisions prises suite au Brexit et ayant entraîné un recul de la coopération internationale en matière de recherche scientifique.

Un marché boursier britannique avantageux

Par rapport à d’autres marchés d’actions des pays développés, le marché britannique présente un niveau de prix intéressant. On peut en dire autant de la livre sterling qui se maintient au-dessous de la barre des 1,20 dollars US. Si la politique du Royaume-Uni devait prendre un tournant positif, les investisseurs en actions opérant à l’échelon international pourraient être tentés par une monnaie et un marché boursier avantageux. Bien entendu, le climat reste maussade quant aux placements à risque. Avec nos équipes de gestion de portefeuille, nous venons de terminer l'évaluation trimestrielle des perspectives concernant les obligations et les actions, en utilisant notre cadre «macro-valuation-sentiment-technical» (MVST) dans lequel il est tenu compte de plusieurs facteurs. Les obligations d'entreprises et les actions ont enregistré des résultats négatifs plutôt cohérents compte tenu de l'environnement macroéconomique, mais également des résultats positifs relativement cohérents sur le plan des valorisations. Les marchés actuels de plus en plus avantageux laissent présager de meilleurs rendements à l'avenir, mais les investisseurs sont encore à la recherche d'un catalyseur susceptible de déclencher une évolution plus positive.

Comme à l’accoutumée, les événements majeurs jouent un rôle important. On attend la prochaine série de données sur l'inflation américaine, une nouvelle décision de la Réserve fédérale (Fed) sur les taux d'intérêt, ainsi que le début de la période de publication des résultats du deuxième trimestre et, en ce qui concerne la Grande-Bretagne, un possible nouveau départ politique. Tout cela peut avoir une incidence négative sur les marchés. La profonde scission qui traverse la Grande-Bretagne dans son ensemble, et le Parti conservateur en particulier, signifie que les événements politiques pourraient prendre une tournure encore plus préoccupante. Les investisseurs espèrent qu'il en émergera un leadership plus pragmatique qui saura réellement se concentrer sur les enjeux économiques de la Grande-Bretagne dans le long terme. L'économie du pays n'est pas faible: on y trouve des entreprises leaders mondiaux sur leur marché, un secteur des services financiers robuste et une main-d'œvre bien formée. Si les responsables politiques parviennent à favoriser la mise en œuvre de ce potentiel, les marchés britanniques pourront offrir bien plus d'opportunités aux futurs investisseurs.

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