Les emprunts obligataires offrent à nouveau des rendements positifs

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Cela fait déjà un bon moment que le marché obligataire est d’avis que la Fed saura faire le nécessaire pour faire baisser l'inflation.

  • Depuis le 14 juin, le cours de l'obligation d'État américaine à 30 ans a augmenté de 6,8%.
  • Mais même après l'annonce des chiffres de l'inflation pour le mois de juin, à 9,1%, et la probabilité accrue d'une hausse des taux d'intérêt d'un point de pourcentage complet de la part de la Réserve fédérale (Fed), le cours n'a pas baissé.
  • À court terme, le rendement des emprunts obligataires dépasse ainsi le niveau de l’inflation.
  • Quand arrivera la phase de baisse du cycle d'inflation, les investisseurs auront sans doute davantage d'opportunités. Ce sera une question de timing, de patience et de compréhension de l'endroit où se positionner en vue du retour de rendements réels positifs dans le long terme.
Le pic de l’inflation n’est pas encore atteint

Pour ceux qui espéraient voir se confirmer un éventuel pic dans le cycle de l'inflation, les chiffres du mois de juin sur l'inflation affectant les prix à la consommation aux États-Unis ont été une déception. En effet, son taux annuel global se situait à 9,1%, contre 8,6% en mai. Aux États-Unis, l'inflation de base s'établissait à 5,9%, soit en-dessous du pic de 6,5% atteint en mars. La différence provient évidemment du niveau des prix pour l’alimentation et l’énergie.

Sa présence se fait sentir de toute part

L'inflation s’avère plus tenace que prévu et affecte l'ensemble des comportements économiques. Des coûts plus élevés pour les matières premières, l’énergie, le transport et les salaires réduisent la marge bénéficiaire des entreprises. Les sociétés qui doivent faire face à des coûts plus importants tentent d’augmenter leurs prix de vente. Cette dynamique apparaît le plus clairement dans les biens que les consommateurs achètent le plus souvent, ce qui peut donner l'impression que le coût de la vie est devenu incontrôlable. Pour contrer cet effet, du moins perçu comme tel sur le plan politique, on demande des augmentations de salaires. L'insistance avec laquelle certains syndicats de travailleurs réclament des salaires plus élevés risque de déclencher une spirale ascendante prix-salaires.

Répercussions à court ou long terme sur la prospérité

Combattre l’inflation est un processus qui demandera du temps. Les banquiers centraux – qui sont des experts en matière de lutte contre l'inflation – augmentent les taux d'intérêt pour faire baisser la demande globale. Ils sont en mesure de le faire parce que la dette est une composante si importante des économies modernes que la plupart des acteurs économiques doivent consacrer une partie de leur flux de trésorerie au paiement des intérêts. Pour les responsables politiques, le conflit d'objectifs consiste à devoir opter entre la création d’une situation à relativement court terme dans laquelle le revenu réel souffre dans l'ensemble de l'économie (croissance plus lente de la demande globale avec les pertes d'emplois qui en découlent) et l’acceptation d’une situation dans laquelle, à long terme, l'inflation réduira durablement le revenu réel. Autrement dit: soit on accepte d’avance de subir rapidement des pertes de revenus et de patrimoine, soit on accepte une dégradation de longue durée de la prospérité.

La massue de calibre 100

Pour briser la spirale de l'inflation, il semble de plus en plus probable que les taux d'intérêt devront être relevés encore plus fortement que jusqu’à présent. Cette semaine, la Banque du Canada a ouvert la voie en relevant son taux directeur de 100 points de base (pb), donc de manière massive. Sur le marché, la combinaison de cette mesure et des chiffres publiés sur l'inflation a fait naître l’espoir que la Fed puisse faire de même lors de sa réunion du 27 juillet. Cela porterait son taux directeur à 2,75%. Concernant le pic des taux d'intérêt de ce cycle, une nouvelle hausse des taux, attendue en septembre, serait conforme aux attentes de la plupart des économistes et des acteurs du marché.

Bénéfices plus faibles des entreprises

Un taux d’intérêt de 3,5% freinerait l’économie des États-Unis. Et des prix globaux moins élevés des matières premières mettraient un frein à l’inflation. Cela revient un peu à se cramponner à une bouée de sauvetage, mais notons que la hausse mensuelle moyenne de l'inflation sous-jacente au deuxième trimestre de 2022 a été inférieure à celle du deuxième trimestre 2021 (0,63% contre 0,8%). Or, l’expérience nous enseigne que les hausses de prix mensuelles sont normalement moins importantes au troisième trimestre. Il reste cependant d’autres éléments à prendre en compte: une hausse moins forte des prix de l’immobilier et des loyers associés, un réel recul du prix de l'essence, une capacité réduite à fixer les prix dans le commerce de détail et une nouvelle atténuation des pénuries d'approvisionnement au niveau mondial. L'inconvénient est que tout cela entraîne une baisse des bénéfices des entreprises.

Comment se positionner dans l’attente d’un recul de l’inflation

Au début du cycle d'inflation, les investisseurs devraient idéalement détenir des matières premières et des obligations indexées sur l'inflation. Les choses deviennent plus compliquées quand s’amorce la phase descendante du cycle de l’inflation. Les entreprises qui auront eu moins recours à l'emprunt éviteront les conséquences les plus néfastes d'une hausse des taux d'intérêt. Par ailleurs, les entreprises disposant de solides parts de marché dans des secteurs moins cycliques devraient mieux s'en sortir en termes d’augmentation du chiffre d'affaires et des bénéfices. Sur le marché des actions, les entreprises les plus performantes au niveau du chiffre d'affaires et du rendement des capitaux propres ont déjà dû massivement réajuster leur évaluation à la baisse. Si leur modèle d'entreprise reste solide, elles devraient mieux pouvoir évoluer dans un monde où la croissance est limitée. De manière générale, les prix des actifs s'ajustent négativement lorsque l'inflation augmente, de sorte que les entreprises de haute qualité, moins chères et à faible effet de levier se retrouvent en bonne position lorsque la spirale de l'inflation est brisée. Cela pourrait bientôt être le cas.

Amélioration effective des rendements obligataires

Pour ce qui est des obligations, la perspective d'une hausse des taux de 100 pb n'a guère provoqué de remous. Cela fait déjà un bon moment que le marché obligataire est d’avis que la Fed saura faire le nécessaire pour faire baisser l'inflation. Aux États-Unis, des baisses de taux d'intérêt sont prévues plus tard en 2023, ce qui laisse présager une récession imminente, même si celle-ci ne sera pas munie de l’étiquette correspondante. Les points morts d'inflation n'ont jamais été aussi bas depuis septembre dernier et ont retrouvé un niveau qui correspond au précédent objectif d'inflation de la Fed. Le point le plus bas de l'indice de rendement total du Trésor américain correspond toujours au niveau du 14 juin et, depuis, le rendement total se situe pratiquement à 3%. Nous estimons que les rendements des obligations à dix ans vont baisser d'ici la fin de l'année, avec une inflation de base qui se rapprochera de 4%, puis continuera à baisser en 2023. Depuis le pic des rendements, l'indice des obligations d'entreprises américaines a affiché 2,5% et même le marché des obligations à haut rendement a évolué latéralement. Le mois dernier, le marché obligataire des pays développés n’a pas enregistré partout de bonnes nouvelles. Il semble néanmoins que les titres à revenu fixe de haute qualité aient réussi à renverser la vapeur (obligations d'État européennes +4,7%, gilts britanniques +2,4%, obligations d'entreprises «investment grade» en euros +2,6%).

Les taux d'inflation actuels sont révélateurs des tourments traversés par les prix au cours de l'année écoulée. L’inflation est très dynamique, ce qui nous indique que son recul sera lent. Il existe toutefois également des éléments volatils, et ce qui se passe dans le domaine de l'alimentation et de l'énergie est important. La phase de baisse du cycle d'inflation devrait offrir des opportunités aux investisseurs, car le prix de nombreux actifs a chuté (déflation des prix des actifs par rapport à l'inflation des prix des biens). Nous nous concentrons sur les obligations à duration plus longue et les obligations américaines à haut rendement - où le spread est actuellement de 550 pb et où des spreads supérieurs à 500 pb ont, par le passé, laissé présager de solides rendements totaux et de robustes rendements relatifs - ainsi que sur les sociétés de grande qualité présentant une forte croissance des bénéfices. Cependant, notre message est avant tout: il faut savoir faire preuve de patience. L'édition 2022 de l'étude annuelle ‘Barclays Equity-Gilt’ a été publiée cette semaine. Les archives historiques présentées dans ce rapport montrent que les rendements réels sont généralement positifs à long terme. Il convient sans doute de considérer les années 2021 et 2022 comme des cas à part, représentant des valeurs statistiquement aberrantes.

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