La nature, notre alliée

Harry Ashman, BMO GAM (EMEA)

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La lutte contre le changement climatique et la protection de la nature sont deux revers de la même médaille.

Le changement climatique et le déclin de la biodiversité constituent deux des principaux défis auxquels la planète et la société sont aujourd’hui confrontées. L’action en faveur du climat a bénéficié d’un soutien massif ces dernières années, les décideurs politiques et chefs d’entreprise du monde entier s’efforçant de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius. Le déclin de la biodiversité, en revanche, est longtemps resté dans l’ombre du changement climatique en tant que sujet de préoccupation en termes de politique et d’échanges commerciaux.

Nature et biodiversité: un sujet inévitable

Le changement climatique et le déclin de la biodiversité doivent être traités comme des problèmes interconnectés et interdépendants plutôt que comme deux défis distincts. La nature doit être considérée comme notre alliée dans la lutte contre le changement climatique et l’atténuation de ce changement ne doit pas se faire au détriment de la nature.

Pour pouvoir limiter le réchauffement de notre planète à 1,5 degré, il est fondamental d’augmenter la séquestration naturelle de carbone. La réduction et la dégradation des forêts sont responsables à elles seules de l’émission de 5 à 10 gigatonnes de CO2 par an, émissions qui se rajoutent à celles résultant de la dégradation d’autres habitats terrestres et aquatiques par les activités humaines. Le changement d’utilisation des terres et l’agriculture moderne sont également des facteurs clés de la perte de nature de par leur destruction des habitats, leur dégradation des sols, leur utilisation de pesticides et la pollution qu’elles engrangent. Les avantages liés à une transformation de notre système alimentaire et à la prévention de réaffectations des terres apparaissent ainsi comme une évidence. Peu importe que les actions visant à préserver les habitats ou à évoluer vers une agriculture régénératrice soient motivés par le désir de protéger la nature, de réduire les émissions ou de s’adapter aux risques physiques actuels; leurs effets ne peuvent qu’être positifs et servir les ambitions, en matière d’objectif Net Zéro notamment.

Faire de la nature une alliée dans l’amélioration de sa propre résilience devrait être une considération clé pour les entreprises.

Tout comme les gouvernements sont actuellement en train de prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique, il faut désormais s’attendre à une accélération des actions en faveur de la biodiversité, leurs co-bénéfices étant de plus en plus reconnus. Il est également probable que l’impact potentiel sur la biodiversité de mesures, mal planifiées, d’atténuation du changement climatique attirent davantage les regards. Les entreprises opérant dans des secteurs à fort impact doivent anticiper une attention accrue et prendre des mesures dès aujourd’hui.

Savoir éviter certains pièges

Certaines organisations ont déjà commencé à intégrer la nature, et sa protection, à leurs stratégies climatiques et sont ainsi bien placées pour en récolter les fruits. La stratégie Net Zéro de Nestlé, par exemple, inclut des actions en matière de santé des sols, de déforestation et de restauration des habitats. Ces mesures présentent toutes un avantage explicite en termes de biodiversité, ce que souligne par ailleurs l’entreprise, et devraient permettre de réduire les émissions de CO2 de quelques 14 mégatonnes d’ici 2030. Suzano, un géant brésilien du papier et de la pâte à papier, a développé une «biostratégie» en parallèle de son approche durable de la gestion des forêts qui permet de séquestrer le carbone et de protéger la biodiversité. Dans le cadre de cette stratégie, Suzano développe des produits à partir de matériaux dérivés du bois qui ont le potentiel de réduire les émissions ou l’impact sur la nature d’autres produits, en remplaçant les plastiques ou les composants polluants par des alternatives naturelles et à plus faible teneur en carbone.

Certains pièges sont pourtant à mettre en évidence, et à éviter, dans le cadre de l’engagement des investisseurs auprès des entreprises. La dépendance excessive à l’égard des compensations carbone est une thématique prioritaire. De nombreuses entreprises, du secteur énergétique en particulier, cherchent à atteindre les objectifs de réduction des émissions en augmentant de manière significative leur recours à des solutions fondées sur la nature (SFN). Mais tous les projets SFN ne se valent pas et il faut éviter, en favorisant une action contre la perte de biodiversité, de créer une fausse incitation qui pousserait les entreprises à opter pour des mesures de compensation peu efficaces, voire contreproductives. Les plantations en monoculture à grande échelle, par exemple, croissent rapidement et séquestrent le carbone mais n’offrent qu’un soutien minimal à la biodiversité et aux communautés locales.

La gestion des risques physiques croissants liés au changement climatique constitue un autre défi auquel sont confrontés les secteurs public et privé. L’augmentation des risques d’inondation en est un excellent exemple, l’évolution des conditions météorologiques entraînant une probabilité accrue d’évènements pluvieux extrêmes ou de tempêtes et ce, à l’échelle mondiale. La réponse typique à ce risque implique des solutions d’ingénierie dure, telles que le redressement de rivières et la construction de digues. Au-delà des émissions importantes qui accompagnent la production d’acier et de béton nécessaire pour de tels projets, ces derniers perturbent également les habitats et les services écosystémiques naturels.

Plutôt que d’essayer de contenir ces forces naturelles, faire de la nature une alliée dans l’amélioration de sa propre résilience devrait être une considération clé pour les entreprises. Yorkshire Water, un service public britannique de distribution d’eau, dispose d’un vaste plan de gestion des terres qui prévoit la restauration des tourbières et des forêts, afin de réduire le risque croissant d’inondations, le filtrage naturel des eaux et l’amélioration de la biodiversité. Ces mesures réduisent les coûts de gestion et de défense contre les inondations tout en permettant la séquestration du carbone.  

Le changement climatique est désormais ancré dans les consciences comme le principal défi environnemental de notre époque. Il ne faut pas pour autant en oublier la crise de la biodiversité. La construction d’un avenir plus durable et l’atténuation des transformations de notre climat ne doivent pas se faire aux dépens de la nature. De la même manière, les efforts réalisés pour extraire les matériaux et pour construire les infrastructures qui rendront la transition climatique possible ne doivent pas se faire au détriment des services écosystémiques fragiles dont dépend cependant toute vie terrestre.

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