La gestion d’actifs suisse face aux enjeux de la numérisation et de la durabilité

Yves Hulmann

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L’Asset Management Day 2022 s’est penché sur la façon d’adapter la réglementation en fonction des développements technologiques et de l’investissement durable.

©Eve Kohler

La place financière suisse compte 62 gérants d’actifs, à quoi s’ajoutent 53 représentations de placements collectifs de capitaux, a mis en perspective Iwan Deplazes, le président de l'Asset Management Association Switzerland (AMAS), en guise d’introduction de l’Asset Management Day 2022. L’événement, qui a réuni quelque 200 participants mercredi à Berne, a aussi été l’occasion pour les professionnels de la branche de faire le point sur les principaux enjeux actuels qui se posent en matière de réglementation, notamment au regard des transformations liées à la numérisation et des normes qui s’appliquent à la finance durable.

Garantir la neutralité technologique

Pour Urban Angehrn, directeur (CEO) de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma), l’instance de régulation doit tenir compte des développements technologiques actuels mais son rôle n’est pas de les influencer dans un sens ou dans un autre. «Nous devons respecter les principes de neutralité technologique et de neutralité concurrentielle», a-t-il rappelé. «Ce n’est pas à la Finma de décider si une technologie doit réussir ou non. Il incombe au marché d’en décider», a-t-il estimé. Enfin, c’est toujours la protection des investisseurs qui doit être placée au centre des préoccupations de l’autorité lorsqu’apparaissent de nouveaux risques en lien avec une technologie, a-t-il estimé. C’est aussi dans cette optique qu’a été mis en place, dans le cadre de la loi sur les placements collectifs, le Limited Qualified Investor Fund (L-QIF), une nouvelle catégorie de fonds qui s’adresse aux investisseurs qualifiés.

Durabilité: le contenu doit correspondre à ce qui figure sur l’étiquette

Les développements en lien avec la finance durable constituent un autre chantier clé, aussi bien pour l’instance de réglementation que pour les gérants d’actifs eux-mêmes. A cet égard, l’AMAS a rappelé mercredi qu’elle venait d’introduire en début de semaine une autorégulation pour les gérants d’actifs et les concepteurs de placements collectifs de capitaux. Cette autorégulation définit, notamment, les exigences concernant l’organisation des établissements financiers, mais aussi la conception et l’information sur les produits à l’égard des investisseurs. L’AMAS a aussi profité de l’événement de mercredi pour souligner qu’elle fera une présentation consacrée au sujet des scores climatique suisse («Swiss Climate Scores»), dévoilés en juin dernier, dans le cadre de la conférence Building Bridges qui se tiendra début octobre à Genève.

Dès que l’on aborde les questions liées à l’investissement durable, le terme d’éco-blanchiment, soit le «green washing» en anglais, n’est jamais très loin. Aux yeux d’Urban Anghern, les autorités de régulation ont pour tâche de veiller à ce que les investisseurs soient correctement informés à propos du caractère véritablement durable ou non de leurs placements. «Affirmer que des placements sont durables alors qu’ils ne le sont pas particulièrement est une forme de fraude et cela revient à tromper les investisseurs», a-t-il rappelé.

Une plus grande convergence de la réglementation est souhaitée

Et qu’en pensent les gérants eux-mêmes? S’exprimant dans le cadre d’une table-ronde, Laurent Ramsey, associé-gérant de Pictet & Cie, estime que l’investissement durable constitue une «énorme opportunité» pour la place financière suisse mais aussi un grand défi. Cela pour deux raisons: d’une part, en raison de la logique de court terme qui prévaut dans l’industrie et aussi, d’autre part, à cause du manque de normes communes pour définir ce qui est durable ou non. Le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) définit de nombreuses exigences - dont l’intention est certes juste - mais qui restent parfois très difficiles à mettre en pratique, observe-t-il. A cet égard, le manque d’unité parmi les critères de mesure exigés constitue encore un obstacle à l’essor de la finance durable. «Une plus grande convergence en matière réglementaire constitue un aspect clé pour nous», a souligné Laurent Ramsey. A l’inverse, des normes trop éloignées en Europe et aux Etats-Unis constitueraient un frein.

Les limites de la gestion passive

Suite à la forte correction des bourses cette année, l’environnement de marché actuel est évidemment un grand défi pour les acteurs de la branche – mais aussi peut-être une opportunité à saisir, a estimé de son côté Fiona Frick, la directrice (CEO) d’Unigestion, élue mercredi au comité directeur de l’AMAS. «L’environnement actuel caractérisé par une inflation élevée et une faible croissance oblige les investisseurs à réfléchir différemment. Lorsque les indices boursiers montaient de 15% par an, personne n’avait besoin d’un gérant d’actifs – il suffisait d’acheter un indice. Maintenant, ce n’est plus le cas», a-t-elle constaté. Et cela d’autant plus que se contenter de garder du cash deviendra de plus en plus couteux pour les investisseurs dans un contexte où l’inflation dépasse 5, 6 ou 7% comme c’est le cas dans de nombreux pays en Europe et ailleurs.

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