Règles de l’UE sur l’ESG et asset management suisse

Vaïk Müller, Tavernier Tschanz

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Les nouvelles règles européennes peuvent avoir un impact pour les gestionnaires de placements collectifs suisses.

Le 8 mars 2018, la Commission européenne a publié un plan d'action pour une économie plus verte et plus propre, suite à l'Accord de Paris dont l'objectif est de réduire les émissions polluantes à l'horizon 2030. Dans ce contexte, plusieurs textes européens, en particulier les directives AIFM, UCITS, et MiFID 2 sont en cours de révision. Les notions de développement durable (sustainability), d'investissement durable (sustainable investment) et de risques liés au développement durable (sustainability risks) seront, entre autres, définies dans une nouvelle réglementation sur la taxonomie en lien avec le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (Disclosure Regulation ou Règlement Transparence), dont l’application est prévue pour le 10 mars 2021. Un projet de Regulatory Technical Standards, établi conjointement par les autorités de supervision européennes, est également en cours de rédaction et la Commission européenne a mis en consultation jusqu’au 6 juillet 2020 la Directive déléguée sur l’information aux investisseurs des risques environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance liés à leurs investissements. Ces nouvelles règles pourraient avoir un impact, à tout le moins indirect, sur les gestionnaires suisses de fonds européens investissant dans la finance durable.

L'AEMF a proposé de renforcer les exigences organisationnelles
applicables aux gestionnaires de fonds alternatifs et aux sociétés de gestion.

Plus spécifiquement, l'AEMF a proposé de renforcer les exigences organisationnelles applicables aux gestionnaires de fonds alternatifs (AIFMs) et aux sociétés de gestion (ManCos). Tant les AIFMs (au-dessus des seuils) que les ManCos devront disposer des ressources et de l'expérience nécessaires pour intégrer les sustainability risks dans leur processus de gouvernance et d'investissement. Ces acteurs devraient également être tenus d'identifier les risques de conflits d'intérêts liés à l'intégration de ces risques, tels que les risques de «greenwashing» ou de violation des déclarations relatifs aux stratégies d'investissement. Les processus de due diligence devraient être adaptés pour s'assurer que les investissements et leur sélection répondent aux critères de développement durable poursuivis par le fonds. Cette obligation s'étendra également à l'impact des décisions d'investissement sur les facteurs de durabilité (sustainability factors). Si ces nouvelles exigences ne s'appliqueront en principe pas directement aux gestionnaires suisses de fonds européens, une application indirecte est possible, notamment en cas de gestion déléguée de fonds UCITS, les ManCos devant s’assurer du respect de leurs propres obligations réglementaires.

Le Règlement Transparence imposera notamment aux AIFMs et aux ManCos d'inclure une information sur les sustainability risks dans la documentation (pre-contractual disclosure) et de publier leur politique en matière d'investissement durable sur leur site internet (post-contractual disclosure). Lorsqu'un gestionnaire suisse assure la gestion délégué d’un fonds UCITS, il pourrait devoir fournir à la ManCos des informations pour lui permettre de satisfaire à cette obligation de divulgation. Les gestionnaires européens délégués agissant pour le compte de gestionnaires suisses devront publier leur politique d'investissement durable et la prise en compte des risques pertinents sur leur site internet. Dans ces deux cas, les règles européennes auront un impact indirect. Il conviendra également de s’assurer que la commercialisation de fonds par un gestionnaire suisse n’entraîne pas une application directe des règles d’information/divulgation, notamment à l’aune de l’AIFMD.

Les gestionnaires suisses pourraient ainsi devoir fournir
des informations sur les préférences ESG des investisseurs.

Les règles MiFID sur la «gouvernance produit» (product governance) – lesquelles exigent que les entreprises d'investissement prennent en compte le «marché cible» dans le cadre de leur effort de commercialisation – devraient aussi être adaptées en conséquence. En pratique, les gestionnaires suisses pourraient ainsi devoir fournir des informations sur les préférences ESG des investisseurs afin de permettre à leurs distributeurs dans l’UE de définir le marché cible. En outre, les processus/tests d'adéquation (suitability) devant être conduits en matière de gestion (portfolio management) ou de conseil (investment advice) devront également être adaptés au moyen de l’inclusion des facteurs/objectifs ESG dans les tests, alors que les tests actuels se focalisent généralement plus sur des critères/objectifs financiers.

Les acteurs suisses de l’asset management actifs dans la finance durable devraient suivre avec attention les développements européens et la portée de ces nouvelles règles, dans la mesure où le droit réglementaire suisse prescrit le respect du droit étranger comme faisant partie intégrante de la surveillance prudentielle. Au plan contractuel, ce suivi sera également utile dans le cadre des relations existant entre les gestionnaires suisses et leurs contreparties européennes, afin d’éviter toute incompréhension sur la nature des obligations de chacun.

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