La fin du dollar est encore lointaine

Arthur Jurus, ODDO BHF

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Si le poids économique des USA dans l'économie mondiale diminue en termes relatifs avec la montée des pays émergents, beaucoup continuent à se tourner vers le dollar en temps de crise.

© Keystone

La question de savoir si l'ère de la domination du dollar pourrait toucher à sa fin revient régulièrement. Elle est alimentée par la controverse sur le plafond de la dette aux Etats-Unis. Si le Congrès n'ouvre pas rapidement la voie au gouvernement américain pour qu'il puisse s'endetter davantage, les Etats-Unis risquent de se retrouver en défaut de paiement. En raison du risque politique d'un défaut de paiement, l'agence de notation S&P avait déjà abaissé la note de crédit des obligations d'État américaines à AA+ en 2011. Il ne fait aucun doute qu'un défaut de paiement, même temporaire, provoquerait des bouleversements sur les marchés financiers internationaux, nuirait à la réputation des Etats-Unis et ferait perdre au dollar américain une partie de son éclat.

Les plus sceptiques considèrent que  l’importance du dollar diminue à mesure que les États-Unis perdent de leur puissance économique. Il est vrai que les pays émergents ont connu un essor pendant des décennies, la Chine en tête, mais aussi le Vietnam, la Malaisie, les Philippines ou la Thaïlande, l'Inde et les pays du Golfe. La mondialisation des trente dernières années s'est accompagnée d'impressionnants gains de prospérité dans les pays émergents. Par conséquent, le poids économique des pays émergents dans le monde a augmenté et donc le poids des anciens pays industrialisés a diminué. Mais cette perte d'importance relative s'est également accompagnée d'importants gains de prospérité pour les pays développés. Et pour les exportateurs, les États-Unis restent, et de loin, le marché le plus important du monde.

Le dollar reste la monnaie de transaction et de réserve dominante dans le monde. 88% de toutes les transactions de change sont effectuées en dollars, 31% en euros, 17% en yens et 14% en livres britanniques, selon la Banque des règlements internationaux. Le renminbi chinois est loin derrière avec 7%. Le total s'élève à 200% car il faut toujours deux monnaies pour une transaction de change.

Même si la Russie s'est désormais déclarée prête à fournir du pétrole à la Chine contre du yuan, le dollar reste la monnaie de référence dans les affaires internationales.

Le dollar domine également en tant que monnaie de réserve mondiale. Fin 2022, toutes les réserves de devises dans le monde s'élevaient à près de 12'000 milliards de dollars. 54% de ces réserves sont en dollars, 19% en euros et seulement 2% en renminbi. Depuis des années, les banques centrales du monde entier diversifient leurs réserves de devises. Le dollar canadien, le dollar australien ou encore la couronne suédoise en ont fortement profité, à l’opposé du renminbi chinois.

Par ailleurs, le commerce des matières premières et des biens internationaux continue d'être principalement tarifé et facturé en dollars. Même si la Russie s'est désormais déclarée prête à fournir du pétrole à la Chine contre du yuan, le dollar reste la monnaie de référence dans les affaires internationales.

Si le poids économique des États-Unis dans l'économie mondiale diminue en termes relatifs avec la montée des pays émergents, beaucoup continuent à se tourner vers le dollar en temps de crise, d'autant plus qu'il n'y a pas encore d'alternative au dollar. Au Zimbabwe, par exemple, le dollar a presque complètement remplacé la monnaie dévaluée par l'inflation. Les Zimbabwéens auraient pourtant pu choisir une autre monnaie de substitution, comme le rand sud-africain.

Le Fonds monétaire international cite plusieurs facteurs qui définissent le statut international d'une monnaie:

  1. Le critère le plus important est le suivant : l'économie nationale doit être grande et ouverte au commerce international.
  2. Le pays doit avoir un système financier très développé, ouvert et liquide, afin que la monnaie soit considérée comme une valeur refuge en temps de crise.
  3. Les utilisateurs doivent avoir confiance dans la monnaie. Cela nécessite avant tout une faible inflation.
  4. La stabilité politique et la sécurité de la propriété doivent être garanties.
  5. La monnaie doit posséder un réseau d'externalités. Plus le réseau d'utilisateurs de la monnaie est important, plus il est intéressant pour l'utilisateur individuel d'utiliser cette monnaie.
  6. Le déficit de la balance des paiements courants. Ce n'est que si un pays importe plus qu'il n'exporte qu'il peut exporter sa monnaie dans le monde et répondre ainsi aux besoins de liquidités mondiaux.

Tant que la Chine dispose d’un excédent de sa balance des paiements courants, maintient les contrôles sur les mouvements de capitaux et tant que la propriété reste moins sûre qu'en Occident, Pékin aura du mal à établir le renminbi comme monnaie de référence. Même si les banques d'État chinoises dans de nombreux pays en développement et émergents fournissent volontiers des crédits en yuan pour les importations et les projets d'investissement.

Ces objections ne signifient pas que le dollar ne sera pas un jour remplacé comme monnaie de référence mondiale. Peut-être l'utopie d'une monnaie mondiale deviendra-t-elle un jour réalité. Mais il ne faut pas négliger le coût élevé du remplacement d'une monnaie de référence par un autre système. C'est pourquoi il est encore trop tôt pour acter la fin du dollar américain.

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