La compensation carbone n’est pas la panacée

Joe Horrocks-Taylor, BMO GAM (EMEA)

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Une stratégie de compensation solide peut amplifier les efforts de décarbonisation des entreprises.

© Keystone

Les entreprises sont soumises à une pression croissante pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, investisseurs compris, ce qui a conduit de nombreuses entreprises à s’engager à atteindre les objectifs d’émissions nettes zéro. Si la réduction des émissions est «la» priorité pour limiter le réchauffement à 1,5 degré, l'élimination des émissions résiduelles des entreprises est souvent coûteuse, et technologiquement irréalisable. C'est pourquoi de nombreux engagements «zéro émission» reposent sur la compensation carbone: les émetteurs de carbone achètent des crédits de réduction ou de suppression des émissions de gaz à effet de serre pour compenser les émissions restantes. Les émetteurs se tournent de plus en plus vers le marché de la compensation carbone pour obtenir ces crédits de compensation, ou développent eux-mêmes des projets.

La compensation offre plusieurs avantages aux entreprises, notamment le renforcement de la résilience climatique, l'amélioration des relations avec les fournisseurs et le soutien aux entreprises pour atteindre leurs objectifs climatiques. Tout projet de compensation doit être vérifié par une entité tierce accréditée et indépendante.

Le marché du carbone se développe rapidement pour répondre à cette demande croissante. En 2021, plus d'un milliard de dollars de crédits carbone ont été vendus sur le marché pour la première fois, soit trois fois plus qu'en 2020. Cependant, cette expansion rapide s'est accompagnée d'un véritable malaise. Les critiques du marché portent sur la légitimité des revendications des vendeurs et des acheteurs de crédits. Certains projets qui vendent des crédits ont été critiqués pour ne pas avoir l'impact sur le climat qu'ils revendiquent, et pour générer des effets environnementaux et sociaux négatifs. Les acheteurs de crédits peuvent être mêlés à des controverses et peuvent également être accusés de «greenwashing» s'ils achètent des crédits de compensation à profusion et ne font aucun effort de décarbonisation.

Les crédits doivent de préférence provenir de projets qui présentent des avantages environnementaux et sociaux importants.

L'option de la compensation carbone ne doit pas détourner l'attention de la priorité que représente la décarbonisation et ne devrait être utilisé pour neutraliser les émissions résiduelles qu’une fois toutes les options pour atteindre les objectifs de zéro émission nette sont épuisées.

Les entreprises pourraient prouver que l'investissement dans les compensations ne nuit pas à leurs efforts de décarbonisation en fournissant des informations claires sur les dépenses d'investissement dans d'autres efforts de décarbonisation.

Les différents crédits de compensation carbone

Il existe deux types de crédit, les crédits de suppression du carbone qui proviennent de projets qui extraient le dioxyde de carbone, comme le boisement ou le captage et le stockage de l'air (DACS). Ces crédits peuvent être utilisés pour neutraliser les émissions résiduelles afin d’atteindre le zéro net. Et les crédits d'émissions évitées qui, quant à eux, peuvent être générés par des projets qui empêchent la libération future de dioxyde de carbone, comme les programmes REDD+ qui protègent les forêts de la déforestation, ou les développements d'énergies renouvelables en remplacement des combustibles fossiles. Les crédits d'émissions évitées basés sur la nature sont plus fiable que les crédits d'émissions évitées et de réduction d'émissions basés sur la technologie, car ils garantissent que le «carbone irrécupérable» reste dans les habitats naturels.

Les différents types de compensation carbone ont des durées et capacités de stockage différentes. Certains types de projets de compensation n'ont pas la capacité de stocker le carbone qui est réduit ou supprimé, comme les compensations d'émissions évitées par les énergies renouvelables. D’autres projets basés sur la protection, la restauration ou la création d'habitats peuvent stocker du carbone pendant des millénaires, mais ils sont vulnérables aux risques d'inversion liés aux changements de priorités politiques, aux pressions économiques, aux incendies, aux maladies et au changement climatique. Mais les projets qui utilisent le stockage géologique peuvent stocker du carbone pendant des millénaires et présentent un faible risque d'inversion. Il s'agit par exemple du captage et du stockage du carbone dans des réservoirs géologiques, ou de la minéralisation du carbone sous des formes stables.

Les bonnes pratiques

Les crédits doivent de préférence provenir de projets qui présentent des avantages environnementaux et sociaux importants. Les acheteurs peuvent s'en assurer en s'approvisionnant auprès de projets de solutions fondées sur la nature, en intégrant la réalisation de résultats environnementaux et sociaux dans les codes de conduite des fournisseurs et les normes d'approvisionnement, et en s'approvisionnant en crédits dont les bénéfices ont été validés.

Les entreprises devraient faire évoluer leurs portefeuilles de compensation vers un stockage à plus longue durée et s'éloigner du stockage de plus courte durée. Les acheteurs pourraient aborder cela à court terme en cherchant à éliminer progressivement les crédits sans stockage, en particulier ceux comprenant des bénéfices limités.

Contrairement à un vin de garde, la qualité des crédits compensatoires diminue avec l'âge, car les normes de vérification et le suivi évoluent sans cesse. Pour suivre l'évolution de ces changements, les acheteurs devraient éviter d’acheter des crédits qui ont plus de 5 ans et, idéalement moins de 3 ans.

La compensation des émissions de carbone est un outil puissant dans la course vers le net zéro, mais elle est à double tranchant. Une stratégie de compensation solide peut amplifier les efforts de décarbonisation des entreprises en finançant des projets qui réduisent ou éliminent les émissions de carbone aujourd'hui, et en permettant la neutralisation future des émissions résiduelles pour atteindre les objectifs de zéro émission nette. Cependant, les entreprises qui investissent dans des crédits de mauvaise qualité, avec une faible gestion des risques et une planification stratégique limitée, compromettent la validité de leur engagement climatique et s'exposent à des risques financiers et de réputation. Une approche solide et clairement communiquée de la compensation carbone est essentielle pour que toute stratégie climatique d'entreprise soit considérée comme légitime.

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