La bonne tenue de l’emploi aux Etats-Unis suggère que la Fed a encore à faire

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Il y a dix jours, pour la première fois depuis octobre, le S&P 500 a enchaîné deux semaines dans le vert, porté par les déclarations du président de la Fed.

© Keystone

Jerome Powell a en effet laissé entrevoir une probable modération du rythme du relèvement des taux directeurs, «peut-être même dès la réunion du mois de décembre». La Fed a relevé ses taux de 75 points de base (pb) à l’issue de chacune de ses quatre dernières réunions.

Le rendement des bons du Trésor américain à dix ans a diminué de 19 pb au cours de la semaine en question, à 3,49%, et celui des bons à deux ans de 18 pb, à 4,28%. Les cours des contrats à terme sur les fonds fédéraux suggèrent un point culminant à 4,92% en mai (en repli de 8 pb). L’indice du dollar américain (DXY) a cédé 2%.

Atténuation de l’inflation

Lors d’un discours prononcé à la Brookings Institution, Jerome Powell a noté que plusieurs sources d’inflation, notamment les goulots d’étranglement de la production et l’inflation des prix des biens, sont en train de se tarir. Même si l’inflation des services relatifs au logement devrait encore grimper dans les mois à venir, elle devrait amorcer une décrue par la suite.

Plusieurs publications de statistiques suggèrent que l’économie américaine marque le pas et que la pression inflationniste s’atténue. L’indice PMI (Purchasing Manager’s Index) manufacturier de l’Institut de gestion des approvisionnements (ISM) est tombé en terrain synonyme de contraction à 49,0 points en novembre, son plus bas niveau depuis mai 2020.

L’indice «core PCE» (le baromètre de l’inflation préféré de la Fed, qui suit l’évolution des dépenses de consommation personnelles hors alimentation et énergie) est ressorti en hausse de 0,2% en glissement mensuel en octobre, contre 0,5% en septembre.

Le salaire horaire moyen a augmenté de 0,6% en glissement mensuel, après une hausse de 0,5% en octobre et de 0,4% en septembre. Ces chiffres trop élevés aux yeux de la Fed ne vont pas dans la bonne direction.
Marché de l’emploi sous pression

Malgré ces signes de refroidissement de l’économie, le marché de l’emploi américain reste tendu. Jerome Powell les a qualifiés de «timides signes de rééquilibrage», avec des augmentations de salaires toujours «nettement supérieures aux niveaux qui seraient cohérents avec une inflation de 2% au fil du temps».

Le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Survey) a fait état de 10,3 millions de postes à pourvoir en octobre, ce qui donne un ratio de 1,7 offre d’emploi pour chaque Américain au chômage. 263 000 emplois salariés non agricoles ont été créés en novembre, au plus bas depuis avril 2021, mais bien plus que les 200 000 prévus.

Le taux de chômage est resté stable, à 3,7%, au plus bas depuis près de cinquante ans. Le salaire horaire moyen a augmenté de 0,6% en glissement mensuel, après une hausse de 0,5% en octobre et de 0,4% en septembre. Ces chiffres trop élevés aux yeux de la Fed ne vont pas dans la bonne direction. La baisse du taux d’activité à 62,1% est elle aussi décourageante.

Ralentissement de l’économie

Dans ces conditions, l’inflation devrait enregistrer une décrue. Mais elle est mal partie pour retrouver un niveau conforme à celui visé par la Fed (2%) en raison de la hausse rapide des salaires. Cela pourrait obliger la Fed à relever ses taux au-delà des 5% prévus aujourd’hui par les marchés au terme du cycle de resserrement monétaire. Toutefois, la Fed se contentera probablement d’un relèvement de 50 pb lors de sa réunion du 14 décembre.

La croissance économique devrait encore ralentir l’an prochain car l’impact cumulé des relèvements de taux successifs devrait peser sur l’activité, et donc sur les bénéfices des entreprises. La Recherche d’UBS table sur une contraction du bénéfice par action du S&P 500 de 4% en 2023. La prévision ascendante du consensus, à savoir une croissance de 5%, semble excessivement optimiste.

Cette année, la corrélation étroite entre les actions et les obligations témoigne de l’importance de trouver d’autres sources de rendement telles que certaines stratégies de hedge funds.
Comment investir?

Les marchés devraient rester volatils et les conditions économiques nécessaires à un rebond durable ne sont pas encore réunies. Néanmoins, compte tenu de la perspective de rebonds périodiques, la Recherche d’UBS affiche une préférence pour les stratégies qui renforcent la protection à la baisse sans sacrifier le potentiel de hausse.

Cette préférence va donc aux segments plus défensifs du marché des actions (secteurs de la consommation de base et de la santé, ainsi que valeurs de rendement de qualité), qui devraient résister relativement bien au ralentissement économique.

Il faudrait également favoriser les valeurs décotées qui, historiquement, surperforment lorsque l’inflation est supérieure à 3%. En ce qui concerne les obligations, les titres investment grade de meilleure qualité sont préférés, au détriment des titres à haut rendement.

Rebond du dollar

Le dollar américain est en repli d’environ 8% par rapport à son dernier sommet. Toutefois, il devrait rebondir dans les mois à venir, fort de son statut de valeur refuge lorsque les investisseurs recentreront leur attention sur le ralentissement de la croissance mondiale, notamment en Europe. Le franc suisse est également apprécié. En revanche, l’euro et la livre sterling sont considérés comme Least Preferred.

Cette année, la corrélation étroite entre les actions et les obligations témoigne de l’importance de trouver d’autres sources de rendement telles que certaines stratégies de hedge funds. Les stratégies macro sont particulièrement performantes et devraient le rester sur des marchés volatils.

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