Les actions baissent face à la menace d’un nouveau pic des taux directeurs

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Jerome Powell a confirmé que le resserrement des taux deviendrait plus graduel, possiblement dès la réunion de décembre «ou la suivante».

Au cours de la première semaine de novembre, l’indice S&P 500 a cédé 3,3%, notamment lors de la séance du mercredi qui s’est achevée sur une chute de 2,5% après que le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, eut estimé qu’il était «très prématuré» d’évoquer une pause dans le cycle de relèvement des taux directeurs.

Ses déclarations sont intervenues après que la Fed eut relevé ses taux directeurs de 75 points de base (pb) pour la quatrième fois d’affilée, portant ainsi le taux des fonds fédéraux dans une fourchette cible de 3,75 à 4%. L’indice Nasdaq, qui fait la part belle aux valeurs technologiques, a cédé 5,65% sur la semaine en question. Dans l’intervalle, ces indices se sont un peu relevés avant de repartir à la baisse.

Un resserrement graduel des taux

Jerome Powell a confirmé que le resserrement des taux deviendrait plus graduel, possiblement dès la réunion de décembre «ou la suivante». Toutefois, il a prévenu que la Fed avait «encore du chemin à faire» pour atténuer l’inflation. Il a ajouté que les statistiques économiques depuis la dernière réunion du comité de politique monétaire en septembre «suggèrent que le niveau final des taux directeurs pourrait être plus élevé que prévu».

Lors de cette précédente réunion, la projection médiane des responsables de la Fed situait le point culminant des taux directeurs à 4,6%. Les cours des contrats à terme sur les fonds fédéraux reflètent désormais un pic à plus de 5% autour de juin 2023.

Un marché du travail toujours tendu

Les chiffres de l’emploi publiés récemment confirment que le marché du travail reste tendu aux Etats-Unis. Après une diminution en août, le nombre de postes à pourvoir a grimpé de 437'000 en septembre pour atteindre 10,72 millions, nettement plus que les 9,75 millions prévus par le consensus.

Même si le salaire horaire moyen a légèrement diminué en glissement annuel, sa hausse s’est accélérée en glissement mensuel.

Dans le même temps, les créations d’emplois salariés non agricoles ont ralenti à 261'000 en octobre par rapport aux 315'000 enregistrées en septembre (chiffre revu à la hausse après une estimation initiale de 263'000).

Même si le nombre d’emplois créés est orienté à la baisse, tout chiffre supérieur à 100'000 (le taux de croissance de la population active) semble difficilement tenable. Le taux de chômage est ressorti à 3,7%, en légère hausse par rapport au taux de 3,5% enregistré le mois précédent, au plus bas depuis cinquante ans.

Moins de travailleurs inactifs

Le taux d’activité a diminué de 0,1 point de pourcentage, à 62,2%, ce qui suggère que le vivier de travailleurs inactifs prêts à entrer sur le marché de l’emploi devient plus restreint. Dans l’idéal, la Fed aimerait voir leur nombre augmenter, le flux de nouveaux entrants sur le marché du travail permettant d’atténuer la pression à la hausse des salaires.

Même si le salaire horaire moyen a légèrement diminué en glissement annuel (de 5% à 4,7%), sa hausse s’est accélérée en glissement mensuel (+0,4% en octobre après +0,3% en septembre).

A quoi faut-il s’attendre?

La décision de la Fed et ses dernières projections confortent dans l’idée qu’il est trop tôt pour se positionner dans l’optique d’un virage accommodant de sa politique monétaire. Ses responsables ont conditionné un tel virage à des signaux concordants d’atténuation de la pression inflationniste et de détente du marché de l’emploi. Aucune de ces conditions n’est réunie à ce jour.

Une hausse moins marquée des taux de la Fed par rapport aux récents relèvements de 75 pb est possible. Néanmoins, elle sera probablement conditionnée à un fléchissement de l’inflation et à des créations d’emplois avant la réunion de la banque centrale américaine du 14 décembre. En outre, les marchés sont davantage préoccupés, à juste titre, par le niveau final des taux directeurs que par le rythme de leur relèvement.

Pas de rebond durable des actions

Dans l’ensemble, les conditions d’un rebond durable des actions ne semblent pas réunies. A l’instar d’autres grandes banques centrales, la Fed devrait poursuivre le relèvement de ses taux jusqu’au premier trimestre 2023. Par ailleurs, la croissance économique devrait encore ralentir au tournant du Nouvel An et les marchés financiers internationaux sont vulnérables en raison des tensions créées par la poursuite du resserrement monétaire.

Compte tenu des possibles rebonds périodiques, il est conseillé de privilégier les stratégies qui renforcent la protection à la baisse sans sacrifier le potentiel de hausse.

De plus, les estimations de bénéfices et la valorisation des actions ne reflètent probablement pas encore pleinement ces obstacles. La Recherche d’UBS table désormais sur une contraction du bénéfice par action de 3% en 2023, tandis que le consensus prévoit une croissance de 5%.

Comment investir?

Le rapport risque-rendement pour les marchés lors des trois à six prochains mois semble défavorable. Les investisseurs seraient bien avisés de se méfier du récent rebond, qui a vu le S&P 500 progresser de 9% par rapport à son point bas de la mi-octobre.

Néanmoins, compte tenu des possibles rebonds périodiques, il est conseillé de privilégier les stratégies qui renforcent la protection à la baisse sans sacrifier le potentiel de hausse.

Du côté des actions…

Dans le contexte actuel, il est recommandé à ceux qui souhaitent accentuer leur exposition de privilégier les actifs défensifs. S’agissant des actions, la Recherche d’UBS apprécie les stratégies de protection du capital, les valeurs décotées et les valeurs de rendement de qualité. Elle affiche également une préférence pour les valeurs internationales du secteur de la santé, pour la consommation de base et pour l’énergie. En outre, elle adopte un positionnement Least Preferred sur les titres de croissance, ainsi que sur les valeurs industrielles et technologiques.

D’un point de vue géographique, le Royaume-Uni et l’Australie, deux marchés plus avantageux où les valeurs décotées sont prépondérantes, sont préférés au marché américain, qui fait la part belle aux valeurs technologiques et de croissance, qui sont plus chères.

… et de celui des obligations

En ce qui concerne les obligations, la préférence va aux titres investment grade de grande qualité au détriment des titres à haut rendement américains. Sur le marché des changes, les devises refuge que sont le dollar américain et le franc suisse sont privilégiées à la livre sterling et à l’euro. Il est aussi recommandé de s’intéresser aux hedge funds, qui offrent des rendements décorrélés.

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