La Fed pourrait ralentir la cadence mais il en ira de même pour l’économie

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Un relèvement des taux plus lent donnera davantage de temps à la Fed pour évaluer l’impact de ses mesures précédentes au travers des statistiques publiées dans les mois à venir.

L’indice S&P 500 s’est adjugé 1,5% lors d’une semaine raccourcie par le férié de Thanksgiving (jeudi 24 novembre). En effet, les investisseurs ont réagi aux nouveaux signes de ralentissement du rythme du resserrement monétaire. L’indice affiche désormais un rebond de plus de 10% depuis son point bas du mois d’octobre.

D’après le procès-verbal de la réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) du mois de novembre, une «majorité substantielle» de responsables a convenu qu’«il serait bientôt approprié» de ralentir le relèvement des taux directeurs.

Cela conforte dans l’idée que la Fed relèvera ses taux de 50 points de base (pb) lors de sa réunion de décembre, après quatre relèvements consécutifs de 75 pb. Un relèvement des taux plus lent donnera davantage de temps à la banque centrale américaine pour évaluer l’impact de ses mesures précédentes au travers des statistiques publiées dans les mois à venir.

Néanmoins, même si les marchés ont réagi favorablement à la publication du procès-verbal, il faut probablement davantage tenir compte de la dégradation des perspectives économiques et de la possibilité que le spectre de l’inflation resurgisse. Explications en trois points.

1. L’effet à retardement des relèvements précédents de taux continuera de peser sur la croissance économique

Les projections économiques issues du procès-verbal de la réunion de la Fed de novembre ont montré qu’à ses yeux, la probabilité d’une récession aux Etats-Unis l’an prochain est «presque aussi élevée que celle attribuée au scénario de base».

L’estimation flash de l’indice des directeurs d’achat (PMI) en novembre a confirmé la tendance au ralentissement. Le PMI manufacturier est tombé à 47,6 (contre une estimation de 50,0), un niveau synonyme de contraction qui a été enregistré pour la dernière fois lors de la première vague de la pandémie. Quant au PMI composite, il est tombé à 46,3 (contre une estimation de 48,0), soit le deuxième chiffre le plus bas enregistré depuis la pandémie.

2. La Fed, qui a conditionné l’évolution de sa politique à celle des données économiques, attend d’autres signes tangibles d’une atténuation de la menace inflationniste  

Le niveau final du taux directeur sera certainement plus important que le rythme de son resserrement. Lors de sa conférence de presse à l’issue de la réunion de novembre, le président de la Fed, Jerome Powell, a prévenu que le point culminant des taux pourrait être plus élevé que ne le pensaient les investisseurs. Le procès-verbal précise également qu’«il existe une incertitude significative quant au niveau final du taux des fonds fédéraux nécessaire à l’atteinte de ses objectifs».

Avant de crier victoire dans sa croisade contre l’inflation, la Fed aura besoin de constater une décrue de l’inflation conjuguée à une détente du marché de l’emploi pendant plusieurs mois encore.

3. Le potentiel de hausse des actions semble limité étant donné leurs niveaux de valorisation

Le ratio cours/bénéfices à douze mois du S&P 500 est légèrement supérieur à 17. Historiquement, lorsque ce ratio est supérieur à 18, la croissance prévue des bénéfices est de 14% en moyenne. Actuellement, le consensus prévoit une croissance bien plus faible (de 5% l’an prochain). Pour sa part, la Recherche d’UBS table sur une contraction de 4%. En d’autres termes, une augmentation des multiples de valorisation est difficilement justifiable en ce moment.

Le regain d’appétence au risque des hedge funds et des investisseurs systématiques depuis un mois, qui a soutenu les actions, devrait également s’étioler maintenant que le positionnement est moins extrême.

En outre, l’indice du sentiment haussier net tiré de l’enquête de l’American Association of Individual Investors est ressorti à -7 pour la semaine achevée le 16 novembre, contre -43 deux mois plus tôt. Lorsque l’humeur des investisseurs a atteint un niveau similaire à trois reprises cette année, le S&P 500 a enregistré par la suite une correction de l’ordre de 16% en moyenne.

Priorité à la lutte contre l’inflation

Par conséquent, la Recherche d’UBS reste sceptique quant à la possibilité que le récent rebond marque l’entrée dans un nouveau régime de marché. La Fed continuera probablement de donner la priorité à la lutte contre l’inflation en attendant un fléchissement durable des chiffres de cette dernière et de l’emploi. Les investisseurs doivent se préparer à de nouveaux revers avant de se positionner dans l’optique d’un regain de confiance durable sur les marchés.

Privilégier le secteur défensif

Dans ce contexte, il convient d’accentuer l’exposition aux actifs défensifs sur les marchés d’actions et d’obligations. Parmi les actions, on apprécie les valeurs internationales des secteurs de la consommation de base et de la santé, ainsi que les valeurs de rendement de qualité.

S’agissant des obligations, la préférence va aux titres de meilleure qualité, qui devraient résister relativement bien en cas de ralentissement économique. Il est aussi recommandé aux investisseurs de rechercher des sources de rendement décorrélées par le biais de certains hedge funds, notamment les stratégies macro et equity market neutral.

Pour plus de précisions sur le positionnement à adopter l’an prochain, on peut consulter le rapport Year Ahead 2023, «Une année d’inflexions» (publié le 17 novembre 2022).

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