Les actions rebondissent malgré des nouvelles mitigées

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les actions ont fortement augmenté malgré un ralentissement de la dynamique des bénéfices et des données économiques montrant que l’inflation américaine restait élevée.

Après une série de résultats décevants de méga-caps, des signes de résilience dans la demande d’Apple ont suffi à propulser son action à la hausse, entraînant l’indice dans son sillage.

Les marchés ont également été soutenus par un optimisme croissant selon lequel les banques centrales seraient en train de ralentir le rythme de hausse des taux d’intérêt, à l’instar de la hausse plus faible que prévu de 50 points de base (pb) annoncée par la Banque du Canada.

Les commentaires de Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, selon lesquels la zone euro pourrait entrer en récession, et les affirmations de certains gouverneurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) depuis leur dernière réunion à propos du potentiel de plus de hausses à un taux d’intérêt modéré, ont également contribué à ce regain d’espoir.

Atténuation des pressions sur les salaires

Le rendement du bon du Trésor américain à dix ans a augmenté de 7 pb, après que l’indice de prix de base des dépenses de consommation personnelles (PCE) eut augmenté de 5,1% en glissement annuel, comparé à 4,9% en glissement annuel en août. Mais les rendements à dix ans ont continué à baisser dans le cours de la semaine en question.

Comme pour les espoirs d’un changement d’attitude des banques centrales, d’autres données indiquent une atténuation des pressions sur les salaires. L’indice américain du coût du travail, la mesure la plus large des coûts de la main-d’œuvre, a augmenté de 1,2% au troisième trimestre après une hausse de 1,3% au second trimestre.

Dans ce contexte, les salaires ont augmenté de 5,1% en glissement annuel au troisième trimestre, en baisse par rapport à 5,3% au deuxième trimestre. Les salaires dans le secteur privé ont augmenté de 5,2% en glissement annuel, en baisse par rapport à 5,7% au deuxième trimestre.

Baisse du prix du pétrole

Le prix du pétrole a baissé après que la Chine eut imposé de nouvelles restrictions relatives au Covid-19 dans certaines villes. Mais malgré cela, le pétrole brut a terminé la semaine en hausse de 2,4%.

Le dollar s’est légèrement apprécié après avoir perdu du terrain. L’indice DXY a clôturé en hausse de 0,1%.

A quoi faut-il s’attendre?

Après la récente hausse de 4%, le S&P 500 a désormais repris une dizaine de pourcents par rapport au plus bas du 12 octobre. On attribue en grande partie ce mouvement aux espoirs selon lesquels la Fed pourrait commencer à ralentir le rythme de ses hausses de taux d’intérêt et à des facteurs techniques en relation à un positionnement déjà prudent des investisseurs.

Après neuf semaines consécutives de sortie des capitaux des fonds de placement en actions mondiaux, les investisseurs ont réinvesti de l’argent dans les actions pendant la semaine du 26 octobre. Selon des données de Refinitiv Lipper, l’afflux net dans les fonds de placement en actions mondiaux se montait à 7800 milliards de dollars.

La volatilité des actions a également baissé sur la semaine en question: l’indice VIX est passé de 30 en début de semaine à 26 le vendredi. Cette baisse peut avoir déclenché des achats par les stratégies systématiques. Et la dynamique du marché à partir du plus-bas de la mi-octobre a probablement atteint des niveaux qui déclenchent des achats CTA (Commodity Trading Advisors).

Pourtant, si les facteurs techniques et les changements de sentiment des investisseurs ont le potentiel d’entraîner des rebonds périodiques du marché, le rapport risque-rendement ne devrait pas, à ce stade, favoriser une reprise durable des actions.

Pas de ralentissement de la hausse des taux

Le récent rally des actions était basé sur les espoirs d’un changement imminent de la politique de la Fed. Toutefois, lors de sa réunion du 2 novembre, cette dernière a décidé d’une quatrième hausse consécutive des taux de 75 pb.  

Malgré les commentaires de certains représentants de la banque centrale américaine sur le potentiel d’un rythme de hausse plus faible des taux d’intérêt, il est probablement trop tôt pour escompter un tel changement. L’inflation reste trop élevée et la Fed voit sa crédibilité mise en jeu.

On peut donc s’attendre à ce qu’elle maintienne ses hausses de manière agressive jusqu’à ce que les données officielles montrent que l’inflation recule. Même si la Fed arrête d’augmenter ses taux d’intérêt au final, il ne faut pas oublier que la politique monétaire devrait rester à des niveaux restrictifs pour un certain temps.

Le secteur technologique déçoit

Entre-temps, les résultats des méga-caps du secteur technologique ont tous été décevants. Il y a eu une nouvelle baisse de la publicité en ligne, les dépenses liées au cloud ont reculé, l’e-commerce est peu dynamique et les hausses de coûts grignotent les marges pour nombre de ces entreprises.

Les résultats d’Apple ont été les meilleurs d’une série d’annonces décevantes des méga-caps de la technologie et son action a fortement bondi , contribuant à hauteur d’un quart du mouvement du S&P 500. Mais, dans ce cas également, l’entreprise a évoqué des perspectives incertaines et elle a fourni des prévisions moins détaillées que d’habitude.

Le bénéfice par action en recul

Le bénéfice par action (BPA) du troisième trimestre du S&P 500 en glissement annuel a progressé en deçà des prévisions initiales de 3 à 5% de la Recherche d’UBS. 70% des capitalisations de marché du S&P 500 ayant publié leurs résultats, la croissance devrait se situer dans une fourchette de 1 à 3%.

Seules 64% des entreprises ont dépassé les prévisions, contre 75% en moyenne au cours des cinq dernières années. L’amplitude du dépassement des bénéfices est également plus faible, le BPA agrégé n’étant meilleur que d’à peine 1% par rapport à ce qui était attendu, ce qui est nettement plus faible que la moyenne quinquennale de 8%.

Face à ce recul, la pression sur les bénéfices des entreprises ne fera sans doute qu’augmenter au cours des prochains trimestres. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que le BPA du S&P 500 baisse de 4% à 215 dollars l’année prochaine. Dans un scénario de réelle récession, le BPA pourrait chuter à environ 200 dollars. Ce chiffre peut être comparé aux estimations de consensus ascendantes de 235 dollars.

Comment investir?

Comme mentionné ci-dessus, le ratio risque-rendement ne devrait pas favoriser une reprise durable des actions. Les investisseurs auront besoin de voir la Fed réduire ses taux ou une baisse de l’activité économique à l’horizon. Ces conditions ne sont actuellement pas réunies.

Quant aux valorisations, même si on utilise le consensus des prévisions du BPA, le rapport cours/bénéfices du S&P 500 a augmenté pour atteindre presque 17x. Ces valorisations ne sont donc pas attractives au regard des risques de récession qui restent élevés et compte tenu des niveaux actuels des rendements obligataires. L’écart entre le rendement des bénéfices du S&P 500 et le rendement des obligations américaines à dix ans est désormais à son niveau le plus faible depuis la crise financière mondiale.

Dans ce contexte, il est recommandé de rester concentré sur l’atténuation des risques baissiers à court terme, tout en conservant l’exposition à la hausse à moyen et long terme.

Du côté des actions…

Au sein des actions, la Recherche d’UBS apprécie les stratégies de protection du capital, les actions de valeur et le revenu de qualité. En outre, elle affiche une préférence pour la santé mondiale, pour la consommation de base et pour l’énergie. En revanche, elle positionne les titres de croissance, les valeurs industrielles et la technologie comme Least Preferred.

Les faibles bénéfices des méga-caps de la technologie soutiennent l’opinion Least Preferred à l’égard de la technologie. Par région, les marchés britannique et australien sont privilégiés, car moins chers et plus axés sur la valorisation, par rapport aux actions américaines davantage exposées à la technologie et à la croissance, ainsi qu’aux valorisations plus extrêmes.

… et des obligations

En ce qui concerne les obligations, la préférence va aux titres investment grade de grande qualité au détriment des titres à haut rendement américains. Et au sujet des monnaies, le récent recul du dollar ne devrait pas être vu comme le début d’une inversion de tendance.

Le ralentissement de la croissance économique mondiale et la hausse des taux d’intérêt américains, avec des banques centrales par ailleurs plus précautionneuses, favorisent toujours le dollar américain. Le franc suisse devrait bénéficier de son statut de valeur refuge, tandis que l’exposition aux monnaies axées sur la croissance, telles que la livre sterling, l’euro ou le yuan chinois, devrait être couverte.

Concernant les matières premières, la Recherche d’UBS privilégie une exposition au pétrole brut au regard des attentes selon lesquelles les prix vont augmenter à 110 dollars le baril l’année prochaine. Cliquez ici pour en savoir plus sur l’évolution vers des stratégies défensives.

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