L’inflation baisse aux USA, mais le chemin reste encore long

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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La hausse moins élevée qu’attendu de 0,3% de l’IPC de base était trop rapide pour les responsables politiques pour considérer une pause dans le cycle de hausse des taux d’intérêt.

Il y a dix jours, le S&P 500 a fortement augmenté, de 3,3%, après que les données d’inflation aux Etats-Unis pour le mois de juillet aient été moins élevées que prévu. L’indice n’est plus qu’en baisse de 10,8% par rapport à son record absolu de janvier et il a augmenté de près de 17% depuis son plus-bas de juin.

A la suite d’une forte baisse des prix de l’essence, les principaux prix à la consommation aux Etats-Unis sont restés stables en glissement mensuel en juillet, comparés au consensus qui prévoyait une augmentation de 0,2%, après une hausse de 1,3% en juin.

En glissement annuel, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 8,5%, ce qui était inférieur aux estimations du consensus de 8,7% et en baisse par rapport aux 9,1% de juin.

Le rythme des hausses d’intérêt devrait ralentir

Le rythme attendu des prochaines hausses de taux d’intérêt par la Réserve fédérale américaine (Fed) a été revu à la baisse en conséquence. Les marchés à terme affichent désormais 5 points de base (pb) en moins dans les écarts d’ici décembre.

Les rendements des bons du Trésor à deux ans ont baissé de 3 pb et ceux à dix ans ont augmenté de 6 pb, résultant en une courbe de rendement deux ans/dix ans moins inversée (-40 pb actuellement). Le Dollar Index (DXY) a baissé de 0,7% sur la semaine en question.

La modération de l’inflation

Les détails du rapport de l’IPC indiquent également une modération de l’inflation. Les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 1,1% en glissement mensuel, effaçant partiellement la baisse de l’essence. Mais si l’on exclut les denrées alimentaires volatiles et l’énergie, l’IPC de base a augmenté de 0,3% en glissement mensuel, en baisse par rapport aux 0,7% de juin, laissant le glissement annuel inchangé à 5,9% en juillet. On s’attendait à une augmentation de l’IPC de base après que celui-ci eut baissé au cours des trois derniers mois.

Les données de l’inflation constituent une évolution encourageante vers le scénario d’un atterrissage en douceur privilégié par la Recherche d’UBS. Environ 30% des constituants du panier de l’IPC ont enregistré des baisses mensuelles qui sont plus importantes que ces derniers mois, notamment pour les locations de voitures et de camions (-9,5%), pour les prix des billets d’avion (-7,8%), ainsi que pour l’essence.

Les prix du gaz et des billets d’avion ont continué à baisser en août, suggérant que l’IPC pourrait être à peu près stable sur ce mois. L’indice des prix des producteurs américains a également baissé de 0,5% en juillet, sa première baisse mensuelle depuis avril 2020. Mais une approche relativement prudente reste recommandée.

Pas de changement immédiat du côté de la Fed

La Fed dépend des données mais elle va vouloir en voir plus avant de changer sa politique. Les investisseurs ont intégré aux taux un cycle de hausse de la Fed moins agressif, mais les responsables ont rejeté l’idée d’un changement de politique monétaire précoce.

Après la publication de l’IPC, le président de la Fed de Chicago, Charles Evans, a dit que l’inflation restait élevée à un niveau inacceptable et qu’il s’attendait toujours à ce que la banque centrale augmente les taux d’intérêt sur le reste de l’année et sur début 2023.

Pas de réaction excessive des investisseurs…

Compte tenu du fait que la prochaine réunion de la Fed n’aura lieu que le 21 septembre, les investisseurs ne devraient pas réagir de manière excessive à une hausse d’un point entier. Il faut se rappeler que l’inflation reste bien au-dessus de l’objectif de la Fed. Et que même la hausse moins élevée qu’attendu de 0,3% de l’IPC de base était trop rapide pour les responsables politiques pour considérer une pause dans le cycle de hausse des taux d’intérêt.

En outre, la mesure des loyers selon l’IPC constitue un indicateur tardif qui doit encore effectuer un certain rattrapage. Cela devrait maintenir les chiffres élevés de l’inflation sous-jacente mensuelle à un haut niveau pour quelque temps.

… mais ils scrutent attentivement la Fed

Le baromètre préféré de l’inflation de la Fed est l’indice PCE de base. Et le président Jerome Powell a dit que la Fed regardait les tendances en glissement trimestriel. Ainsi, si on a trois mois de glissement mensuel de 0,2% de l’indice PCE de base, cela correspondrait à un taux trimestriel de 2,4% sur une base annualisée. Ce qui est en ligne avec l’objectif d’inflation moyen de la Fed. Par comparaison, l’indice PCE de base a augmenté de 0,6% en glissement mensuel en juin après une hausse de 0,3% en mai.

On peut toujours s’attendre à ce que la Fed augmente les taux d’intérêt d’au moins 50 pb lors de sa réunion de septembre et qu’elle poursuive ses hausses jusqu’à la fin de l’année. L’attention des investisseurs se tourne à présent vers le symposium économique de Jackson Hole, qui se déroulera du 25 au 27 août. Ils y scruteront tout signe d’une éventuelle évolution de la position de la Fed.

Un marché du travail solide

Il n’est pas certain que le marché du travail puisse être équilibré sans une récession. Le marché du travail américain est actuellement caractérisé par des taux de vacance historiquement élevés et un taux de chômage historiquement faible (3,5% en juillet). Selon la Fed, le fait de faire baisser le taux de vacance de 6,8% à 4,6% serait cohérent avec une hausse du chômage de moins d’un point de pourcentage.

La récente solidité du marché du travail, les nouveaux emplois non agricoles ont augmenté de 528’000 en juillet, a fait gagner du temps à la Fed en repoussant le début d’une potentielle récession vers 2023 et en élargissant la voie d’un atterrissage en douceur. Mais des incertitudes persistent quant à l’éventualité que cet objectif puisse être atteint et aux conséquences de second ordre d’une hausse du chômage sur les dépenses des consommateurs et sur les actifs risqués.

Comment investir?

Au regard de la poursuite ambiguë de la direction de l’économie et de la politique de la Fed, ce n’est certainement pas le moment de faire des déclarations retentissantes sur la direction du marché et de maintenir une position tactique neutre sur les actions.

Les investisseurs devraient plutôt veiller à construire un portefeuille robuste qui puisse bien performer dans divers scénarios. La Recherche d’UBS continue à préférer les actions de valeur, notamment l’énergie à l’échelle mondiale et le marché anglais. Les stratégies choisies de hedge funds peuvent aider à isoler les portefeuilles de la volatilité.

Les investisseurs peuvent également gérer la volatilité du portefeuille par une exposition aux valeurs défensives grâce au secteur de la santé mondiale ou à des actions de revenu de qualité, à une exposition choisie au revenu fixe en incluant des obligations de premier ordre, ainsi que grâce au franc suisse pour les monnaies.

Un dollar fort

Le dollar américain a initialement réagi à l’IPC par un recul généralisé et le franc suisse en a été l’un des bénéficiaires. Toutefois, la Recherche d’UBS est toujours d’avis que le potentiel d’un dollar fort par rapport à l’euro et la livre sterling reste intact.

La prévision d’un euro et d’une livre sterling plus faibles est basée sur les inquiétudes relatives aux pénuries d’approvisionnement en énergie et à l’incertitude politique dans la zone euro et au Royaume-Uni, qui resteront problématiques au cours des prochains mois.

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