L’épargne déterminante pour un atterrissage en douceur

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les banques centrales resserrent nettement leur politique en dépit du ralentissement de la croissance économique. Il y a dix jours, elles ont laissé entendre qu’elles garderaient le cap.

La Banque d’Angleterre (BoE) a annoncé la plus forte hausse de ses taux directeurs depuis 1995 et elle s’attend à ce que l’économie britannique entre durablement en récession à l’automne. Malgré ces sombres perspectives, la BoE est susceptible de relever à nouveau ses taux directeurs en septembre, en novembre et en décembre.

La lutte contre l’inflation continue

Les responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed) ont réfuté l’interprétation que les participants au marché ont fait de leur réunion du mois de juillet. La présidente de la Fed de San Francisco, Mary Daly, a déclaré que la lutte contre l’inflation était loin d’être achevée. De son côté, son homologue de l’antenne de Cleveland, Loretta Mester, a fait savoir qu’elle attendait des signes tout à fait probants de modération de la hausse des prix en glissement mensuel.

Pas de récession pour l’instant

Plusieurs responsables de la Fed ont également estimé que le dynamisme du marché de l’emploi montrait que l’économie américaine n’est pas en récession, malgré deux trimestres consécutifs de contraction du PIB.

Le dernier rapport sur l’emploi témoigne de ce dynamisme. 528'000 emplois salariés non agricoles ont été créés en juillet, soit deux fois plus que l’estimation du consensus. Et le taux de chômage est tombé à son niveau antérieur à la pandémie, à savoir 3,5%.

Comme l’inflation reste forte, les banques centrales devraient encore relever leurs taux drastiquement. Néanmoins, l’incertitude demeure quant au fait de savoir s’il en résultera un atterrissage en douceur avec une croissance plus faible ou bien une crise économique plus marquée, ce qui a été une source de tensions sur les marchés financiers ces dernières semaines.

L’inversion de la courbe des taux aux Etats-Unis dans son segment 2-10 ans n’a jamais été aussi marquée depuis l’an 2000. Or les récessions ont été précédées par une telle inversion par le passé.
Chute du cours du baril

Après un rebond de 9,1% en juillet, l’indice S&P 500 a grimpé de 0,4% lors de la première semaine d’août, porté par des résultats d’entreprises meilleurs que prévu par de nombreux investisseurs.

Toutefois, le cours du baril de Brent a baissé de près de 10% il y a dix jours. Il est tombé à son plus bas niveau depuis le début de la guerre en Ukraine, le spectre d’une crise économique mondiale l’emportant sur la crainte d’un déficit d’offre. L’inversion de la courbe des taux aux Etats-Unis dans son segment 2-10 ans n’a jamais été aussi marquée depuis l’an 2000. Or les récessions ont été précédées par une telle inversion par le passé.

Ces évolutions de cours reflètent une conjoncture économique inhabituelle et un degré élevé d’incertitude quant au moment où ces difficultés seront résolues. Explications en trois points.

  • La baisse de l’épargne des ménages soutient la consommation
    La conjoncture économique mondiale est singulière. Le taux de chômage dans les économies développées est exceptionnellement bas mais, compte tenu de la forte inflation, la composante «salaire réel» de l’indice du coût du travail aux Etats-Unis (Employment Cost Index) baisse à un rythme inédit.
    En revanche, la consommation des ménages résiste bien. Cette combinaison inhabituelle s’explique en partie par le fait que les consommateurs des économies développées épargnent moins pour compenser l’érosion de leur pouvoir d’achat, ce qui atténue les effets de la poussée inflationniste.
     
  • Un éventuel atterrissage en douceur
    Cela pourrait aboutir à un atterrissage en douceur, pourvu que les salaires réels se stabilisent avant que l’épargne des ménages ne s’épuise. Dans ce scénario, la diminution de l’épargne (ou le recours accru à l’emprunt) financera la consommation jusqu’à ce que l’érosion du revenu réel cesse de peser sur la consommation.
    Comme la pénurie de main d’œuvre n’a pas permis jusqu’ici aux travailleurs d’obtenir une hausse de leur salaire réel, un atterrissage en douceur est fort probable si l’inflation amorce une décrue, avec à la clé une stabilisation des revenus réels.
     
  • Une crise économique toujours possible
    Néanmoins, il subsiste un risque de crise économique. Si le taux d’épargne augmente alors que les salaires réels diminuent, une telle issue est probable. En effet, si la peur du chômage s’accentue, les ménages pourraient accroître leur épargne de précaution. Par ailleurs, la nécessité pour les ménages d’épargner pour rembourser leurs dépenses précédentes (vacances d’été, par exemple) pourrait amorcer un processus de destruction de la demande.

L’issue dépendra du comportement d’épargne des ménages. Or celui-ci pourrait changer plus vite que par le passé, ce qui est un risque majeur. Par conséquent, l’agilité deviendra une qualité de plus en plus importante pour les banquiers centraux. Car ceux qui tardent à prendre la mesure des changements risquent d’opérer un resserrement monétaire excessif.

C’est d’ailleurs ce qu’a suggéré le président de la Fed, Jerome Powell, lors de la dernière réunion de la banque centrale lorsqu’il a souligné que la politique de la Fed serait conditionnée par l’évolution des données économiques.

Prendre en compte divers scénarios

Dans ce contexte incertain, il est recommandé aux investisseurs de ne pas se positionner dans l’optique de tel ou tel scénario. Ils doivent plutôt veiller à ce que leur portefeuille puisse être performant dans divers scénarios.

La Recherche d’UBS privilégie les pans défensifs du marché, notamment les titres du secteur de la santé, les valeurs de rendement de qualité et les valeurs décotées, notamment les actions internationales du secteur de l’énergie et les actions britanniques.

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