Les leçons d’une folle semaine en Europe

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Incertitudes autour des livraisons de gaz russe, exercice d’équilibrisme de la BCE: les rebondissements n’ont pas manqué ces derniers temps. Point de situation.

© Keystone

Les derniers jours ont été cruciaux en Europe pour les investisseurs qui attendaient de voir si la Russie reprendrait ses exportations de gaz via le gazoduc Nord Stream 1 après la fin de la période de maintenance le 21 juillet. De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) se préparait à annoncer le premier relèvement de ses taux directeurs depuis 2011, ainsi que la création d’un nouveau mécanisme destiné à contrôler les écarts de crédit au sein de la zone euro dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.

La surprise de la BCE

La BCE a surpris les marchés en relevant le taux de sa facilité de dépôt de 50 points de base (pb), le ramenant ainsi à 0%. Ce relèvement plus important que prévu marque la fin de l’ère des taux d’intérêt négatifs et des indications prospectives.

Ses responsables ont également annoncé la création d’un nouveau mécanisme baptisé «Instrument de protection de la transmission» (IPT). L’enveloppe allouée à ce mécanisme sera illimitée et déterminée par l’ampleur du risque posé. Le recours à l’IPT est possible pour tous les pays et soumis à des conditions limitées.

Les conditions pour accéder à l’IPT

Pour pouvoir en bénéficier, les pays doivent réunir quatre critères aux yeux de la BCE: 1) respecter les règles budgétaires de l’Union européenne (UE); 2) ne pas présenter de graves déséquilibres macroéconomiques; 3) avoir un budget fiscalement défendable et 4) mener des politiques macroéconomiques rationnelles et durables.

Dans un premier temps, les rendements obligataires et l’euro ont grimpé, portés par le relèvement plus important que prévu des taux directeurs. Ils sont toutefois assez rapidement repartis à la baisse, les investisseurs étant focalisés sur le risque persistant de récession: L’indice PMI composite de S&P Global pour la zone euro est tombé à 49,4 en juillet (estimation flash), contre 52 en juin, ce qui suggère une contraction de l’activité économique.

Les décisions de la BCE ont plusieurs implications:
  • Les périlleuses acrobaties de la BCE

La BCE se livre à un numéro de funambule consistant à lutter contre l’inflation tout en évitant une récession. Alors que l’inflation atteint un niveau problématique et devrait encore augmenter dans les mois à venir, la BCE va sans doute poursuivre le relèvement de ses taux à bon rythme.

Par conséquent, malgré le ralentissement de la conjoncture économique, on peut anticiper un nouveau relèvement de 50 pb en septembre, puis de 25 pb en octobre et en décembre. Si la zone euro échappe à la récession cet hiver, il est possible que la BCE relève encore ses taux en 2023. Toutefois, si le risque de récession s’accentue, la BCE devrait marquer une pause en décembre.

  • Pas de plafond pour l’IPT

L’absence de plafonnement des achats d’obligations dans le cadre de l’IPT et les exigences budgétaires réalistes devraient empêcher une flambée des écarts de rendement obligataire. Mais, comme il sera activé à la discrétion de la BCE, une dépréciation significative des obligations de la périphérie de la zone euro n’est pas exclue. Par conséquent, il convient de rester prudent à l’égard de ces dernières compte tenu du risque de récession imminente en Europe.

  • Aucune indication pour l’avenir

L’abandon des indications prospectives est de nature à alimenter la volatilité des taux avant les prochaines réunions de la BCE car cela laisse libre cours aux spéculations sur l’ampleur des futurs relèvements de taux. Outre l’inflation, la guerre entre la Russie et l’Ukraine et l’approvisionnement en gaz de l’Europe auront probablement un impact significatif. Or la visibilité sur ces deux fronts est limitée.

Compte tenu de cette incertitude économique et géopolitique, il semble préférable de ne pas se positionner dans l’optique de tel ou tel scénario. La Recherche d’UBS a récemment revu à la baisse sa prévision de bénéfices pour la zone euro en 2023, qui est désormais inférieure de 15% à celle du consensus.

  • Peu optimiste pour la zone euro

Même si la valorisation actuelle des actions de la zone euro reflète déjà la faiblesse des bénéfices que l’on peut anticiper – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les actions de la zone euro risquent fort de faire du surplace d’ici la fin de l’année – les bénéfices pourraient se contracter d’environ 30% si jamais la Russie ferme brusquement les vannes. Par conséquent, il faut veiller à ce que son portefeuille soit suffisamment robuste pour résister à n’importe quel scénario.

Au sein de la zone euro, il convient de privilégier les titres de meilleure qualité, qui présentent une valorisation attrayante et sont mieux armés pour résister à la hausse des rendements obligataires, au ralentissement de la croissance et à la volatilité des marchés.

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