Il est peu probable que le dollar continue de s’apprécier

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

2 minutes de lecture

Le dollar a repris son ascension vertigineuse. L’indice DXY est à son plus haut niveau depuis 2002. Mais pour combien de temps? Point de situation.

© Keystone

Le billet vert tourne autour de la parité face à l’euro. En effet, les investisseurs redoutent que les efforts de la Banque centrale européenne pour faire retomber l’inflation restent vains. Cela en raison de la pénurie d’énergie et de l’augmentation des spreads souverains à la périphérie de la zone euro. Le dollar a également fait retomber la livre sterling sous les niveaux observés au plus fort de la pandémie et dans le sillage du référendum sur le Brexit en 2016.

Le potentiel limité de hausse du dollar

Compte tenu de l’aversion au risque qui règne actuellement sur les marchés, le dollar devrait encore grimper dans l’immédiat. Néanmoins, cette vigueur ne devrait pas perdurer à plus long terme.

Le potentiel de hausse supplémentaire du dollar sera probablement limité par le fléchissement de la croissance aux Etats-Unis et par les spéculations sur une amorce de baisse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (Fed) en 2023.

Des statistiques mitigées

Les statistiques publiées ces derniers temps sont mitigées. Le dernier rapport sur l’emploi a fait état de 372'000 créations nettes de postes en juin, soit 100'000 de plus que prévu. Néanmoins, il y a aussi eu quelques signes d’amorce de ralentissement de l’économie américaine.

Ainsi, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont augmenté, tandis que le nombre de licenciements en juin est ressorti à son plus haut niveau depuis seize mois. Cela concorde avec l’indice ISM dans le secteur des services publié récemment, dont la composante «emploi» est tombée à son plus bas niveau depuis deux ans.

Le franc semble désormais plus attrayant que le dollar comme valeur refuge. D’autant que la BNS est disposée à laisser sa monnaie s’apprécier pour endiguer l’inflation.
Une baisse des taux pour 2023

L’inquiétude quant aux perspectives de croissance a amené les investisseurs à tabler sur un relèvement moins marqué des taux de la Fed en 2022 (335 points de base actuellement, contre 355 à la mi-juin).

Les contrats à terme suggèrent désormais que la Fed devra amorcer une baisse de ses taux vers le mois de mai 2023 afin de soutenir la croissance. Le contexte serait alors moins porteur à moyen et à long terme pour la monnaie américaine.

Le franc plus intéressant que le dollar

Le franc semble désormais plus attrayant que le dollar comme valeur refuge. D’autant que la Banque nationale suisse (BNS) est disposée à laisser sa monnaie s’apprécier pour endiguer l’inflation.

En juin, la BNS a surpris en relevant ses taux de 50 points de base, ce qui a été considéré comme un premier coup de semonce, alors que l’inflation était légèrement inférieure à 3%. Même si l’inflation est ressortie à 3,4% en juin, au plus haut depuis 1993, la pression sur les prix est encore modeste par rapport aux autres pays d’Europe et aux Etats-Unis.

Entre-temps, la BNS s'est montrée plus disposée à laisser le franc s'apprécier afin de contenir l'inflation. Voilà pourquoi le franc s’est à peine déprécié face au dollar et vaut désormais plus que l’euro pour la première fois depuis une brève flambée en 2015.

L’appréciation des monnaies liées aux matières premières

Les devises liées aux matières premières devraient également s’apprécier, lorsque les matières premières repartiront de l’avant après leur récent repli. On pense notamment aux dollars canadien et australien.

Il y a dix jours, le prix du baril de brut Brent s’est de nouveau retrouvé sous pression. Il est tombé de 114 dollars à environ 107 dollars, plombé par la crainte d’un ralentissement de la croissance mondiale. Il devrait rebondir car les pays de l’OPEP+ ont du mal à atteindre leurs quotas de production. En outre, il se peut qu’à l’avenir, les restrictions sanitaires en Chine se révèlent moins strictes que redouté.

La bonne santé du Canada et de l’Australie

Par ailleurs, les statistiques publiées récemment mettent en évidence la bonne santé des économies canadienne et australienne. En Australie, les mises en chantier de logements, les ventes au détail et les volumes de crédit se sont avérés meilleurs que prévu. Le Canada a enregistré une solide croissance de son PIB au premier trimestre (+3,1% en rythme annualisé) et les ventes au détail ont dépassé les attentes en mai.

Par conséquent, les banques centrales de ces deux pays devraient poursuivre le resserrement de leur politique qui, conjugué au probable rebond des cours des matières premières, devrait soutenir leur monnaie respective.

Ne pas compter sur un rebond du dollar

Dans ce contexte, il est déconseillé aux investisseurs de se positionner dans l’optique d’une poursuite du rebond du dollar. Le franc est la devise refuge préférée de la Recherche d’UBS qui affiche également une préférence pour les monnaies liées aux matières premières. Car les cours de ces dernières devraient rebondir après leur récente correction.

A lire aussi...