L’Europe montre la voie dans la transition énergétique

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

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L’Union européenne adopte un objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Espérons que ce plan d’action fasse des émules.

© Keystone

Le 17 septembre 2020, la Commission européenne annonçait son objectif visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’au moins 55% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

L’Union européenne affichait alors sa volonté de devenir le premier continent neutre en carbone avant que de nombreux pays comme les Etats-Unis ou la Chine ne prononcent des objectifs similaires (neutralité carbone aux Etats-Unis en 2050 et en 2060 en Chine). C’est ce 14 juillet 2021 que la Commission européenne a dévoilé son plan d’action «Fit for 55» qu’elle entend mettre en place pour atteindre l’objectif climatique fixé quelques mois auparavant et s’inscrivant en cohérence avec le plan de relance «Next EU Generation».

Parmi les 13 propositions législatives de ce plan «Fit for 55», figure notamment l’élargissement du marché européen du carbone à de nouveaux secteurs, la mise en place d’un ajustement carbone aux frontières pour les importations de produits à haute intensité carbone, l’augmentation de l’utilisation des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, les transformations liées aux transports ou encore l’usage des forêts et des arbres comme puits naturels de carbone.

La Commission européenne présente l’efficacité énergétique comme un enjeu majeur dans la trajectoire établie.

Tout d’abord, le système communautaire d’échange de quotas d’émission carbone est élargi pour intégrer d’ici 2026 le secteur du transport routier et maritime et le secteur du bâtiment. Les prix du carbone en Europe devraient bénéficier de ces mesures et devraient inciter l’ensemble des acteurs à envisager des plans d’investissements devenant au fil de l’évolution du cours de ces quotas d’émission de plus en plus viables économiquement. Consciente qu’une telle mesure peut entraîner des conséquences sur la compétitivité des entreprises européennes, la Commission européenne a annoncé la volonté d’instaurer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières dès 2026 qui s’appliquera aux importations d’acier, d’aluminium, de ciment, d’engrais et d’électricité.

La Commission européenne présente l’efficacité énergétique comme un enjeu majeur dans la trajectoire établie. «Fit For 55» prévoit une économie d’énergie via l’efficacité énergétique entre 36% et 39% d’ici 2030 (versus 17% en 2019) notamment par la rénovation de 3% de l’ensemble des bâtiments publics chaque année (soit 35 millions de bâtiments à rénover d’ici 2030) pour l’ensemble des membres de l’Union européenne (versus <1% actuellement). En effet, aujourd’hui 75% du parc immobilier de l’Union européenne est inefficace sur le plan énergétique, la rénovation énergétique s’illustre comme une solution incontournable pouvant conduire à une réduction de 5% à 6% de la consommation d’énergie globale et de 5% des émissions de carbone au sein de l’Union européenne.  La Commission européenne a également révisé l’objectif de consommation d’énergies renouvelables en Europe à 40% d’ici 2030, auparavant fixé à 32% et atteint à hauteur de 19,7% en 2019.

Le secteur du transport (routier, maritime et aérien) est également mis à contribution dans ce plan «Fit for 55» avec l’ambition de réduire de 90% les émissions de carbone du secteur d’ici 2050 pour laisser place à des solutions de transport à batterie ou aux carburants durables. Dans le secteur routier, la Commission européenne vise à éliminer les émissions de carbone par l’arrêt des moteurs à combustion d’ici 2035 pour les nouveaux véhicules, l’électrification du parc automobile européen facilitée par l’installation de 16,3 millions de bornes de recharge électrique publiques (versus 224 500 en 2020) et de nombreuses stations de ravitaillement en hydrogène. Concernant les transports maritimes, la Commission européenne veut accélérer leur décarbonisation avec un objectif de réduction de l’intensité carbone issue de la consommation d’énergie de 75% d’ici 2050 comparé à 2020 (versus 2% de réduction en 2025 par rapport à 2020). Pour le secteur aéronautique, la Commission européenne s’engage également avec un objectif de consommation de carburants plus respectueux de l’environnement à hauteur de 63% dont 28% d’électro-carburants pour 2050 (versus 2% en 2025).  Cette mesure se traduit par l’utilisation progressive de carburants durables dans les vols au départ de l’Union européenne et par une compensation dans le cadre du système international de compensation carbone pour l’aérien «CORSIA» pour les vols extérieurs.

On peut espérer que ce plan d’action influence d’autres pays et régions dans la création de plans d’action climatiques ambitieux.

Pour accompagner les efforts collectifs nécessaires à la neutralité carbone, la Commission européenne s’appuie sur ses ressources naturelles forestières en révisant son objectif de séquestration carbone à 310 millions de tonnes via des puits de carbone d’ici 2030 en comparaison à la séquestration carbone moyenne enregistrée entre 2016 et 2018 de 268 millions de tonnes. De plus, la Commission européenne s’engage à protéger toutes les forêts primaires et anciennes du territoire européen en parallèle d’une démarche visant à planter trois milliards d'arbres en Europe d'ici 2030. Cette mesure favorise la règle du bilan neutre ou positif visant à compenser les émissions des secteurs agricoles et forestiers par une absorption de carbone.

«Fit for 55» doit encore être validé par le Parlement européen et le Conseil européen avant d’être adopté. Afin d’éviter des résistances au plan annoncé, la Commission européenne intègre une approche inclusive et socialement responsable pour une transition la plus juste possible en prévoyant un fonds social à hauteur de 72,2 milliards d’euros sur la période 2025-2032, financé par 25% des nouvelles recettes du marché carbone élargi, à destination des ménages les plus vulnérables tout en soulignant les bienfaits de ce plan pour l’emploi en prévoyant la création d’un million d’emplois «verts» d’ici 2030 et de 2 millions d’emplois «verts» d’ici 2050. Au-delà de l’aspect législatif, le plan d’action soulève des questions de protectionnisme européen et également de limites sur les objectifs fixés en termes d’efficacité énergétique et de séquestration carbone jugés trop faibles selon certaines ONG.

Si l’Union européenne a montré la voie avec un objectif de neutralité carbone d’ici 2050, on peut espérer que ce plan d’action influence d’autres pays et régions dans la création de plans d’action climatiques ambitieux. La COP 26 qui se tiendra du 1er au 12 novembre 2021 sera sans doute l’occasion de fédérer tous ses membres autour d’objectifs climatiques supplémentaires et probablement de renforcer les accords déjà établis.

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