L’emploi: juge de paix pour les hausses de taux

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Le taux de chômage américain atteint la zone du plein emploi. En Europe, la confiance résiste malgré une inflation qui dure.

A sa réunion du 15 décembre 2021, la Fed a doublé le rythme du tapering. Les achats d’actifs se termineront à la mi-mars 2022, ouvrant la porte vers la sortie de la politique de taux zéro. Au plus tôt, cela aurait lieu dès la réunion du 17 mars. Plus l’inflation sera haute et le chômage bas à ce moment-là, plus la Fed sera pressée d’amorcer le resserrement de sa politique. L’objectif d’inflation de la Fed est nettement dépassé, et va le rester sur l’ensemble de 2022. Sur l’objectif de plein-emploi, il peut encore y avoir débat. A ce jour, c’est ce qui a retenu la Fed d’agir.

Il importe donc de voir si les conditions du marché du travail vont continuer de s’améliorer dans les prochains mois, comme ce fut le cas sur l’ensemble de l’année 2021 malgré quelques phases d’incertitude. Ainsi, durant l’été dernier et au cours de la vague du variant Delta, les créations d’emplois avaient ralenti avant de se raffermir. Durant l’hiver, sous l’effet de la vague du variant Omicron, le même risque se pose. 

Ce n’est peut-être pas encore le plein-emploi mais nous nous en rapprochons.

Le danger sanitaire perturbe beaucoup l’activité de certains secteurs tels que l’éducation ou la restauration. En novembre, le rythme des créations d’emploi avait nettement fléchi à 210’000, au plus bas de l’année (la moyenne 2021 dépasse 550’000 par mois). Ce résultat est apparu en porte-à-faux avec les autres données macro signalant un affermissement de la demande au quatrième trimestre 2021. Peut-être n’est-ce qu’un bruit statistique qui sera vite corrigé? C’est l’attente majoritaire des prévisionnistes. Le taux de chômage, lui, s’approche de 4%. Ce n’est peut-être pas encore le plein-emploi mais nous nous en rapprochons. Le taux de participation et le nombre d’employés restent cependant encore loin de leur niveau pré-pandémie.

La confiance résiste

Selon l’indice PMI manufacturier, le sentiment des industriels a modestement reculé au sein de l’Union Economique et Monétaire (UEM) en décembre (-0,4 point à 58,0). Les facteurs baissiers tiennent aux restrictions sanitaires et à la crise de l’énergie. Selon les indices régionaux de confiance, le moral reste en revanche élevé chez les industriels américains qui sont mieux protégés de la hausse des prix du gaz que les Européens. L’indice ISM manufacturier a passé la majeure partie de 2021 au-delà des 60 points. L’économie américaine a, de manière générale, repris du tonus au quatrième trimestre après un éphémère coup de froid cet été. Pour autant, le niveau record de l’ISM-services à 69,1 points reste sidérant. Pour un indicateur dont la nature est de retourner vers sa moyenne historique en cours de cycle, se situer 15 points au-dessus de cette moyenne est à première vue un signal baissier.

En France, la hausse des prix du gaz a été pour l’instant neutralisée.

En Allemagne, si le moral des industriels est affecté par les problèmes d’approvisionnement, le sentiment général reste élevé et un fort rebond dans les commandes serait logique. En France, la hausse des prix du gaz a été pour l’instant neutralisée et le gouvernement a même versé 100 euros à la majorité des ménages pour les «indemniser» de la hausse des prix. Le contexte d’incertitude sanitaire, cependant, peut peser sur le sentiment de confiance général des consommateurs. 

Les pénuries s’atténuent mais l’inflation demeure

Les données de la production automobile allemande suggèrent que les pénuries s’atténuent un peu. La production industrielle devrait donc rester sur une pente ascendante, ce qui n’exclut pas un peu de volatilité à court terme. Aux Etats-Unis, en revanche, les pénuries de puces brident la vente de véhicules depuis plusieurs mois, l’industrie ne pouvant pas fournir suffisamment de véhicules neufs. Si la production automobile s’est reprise en octobre et novembre (+12%), ce qui est peut-être le signe que ces perturbations sont en train de se résorber, elle reste inférieure de 5% à son niveau de la fin 2020. 

En termes d’inflation, le prix du pétrole a commencé à refluer en Allemagne et les effets de base sont plus faibles. Dans le même temps, les prix du gaz et de l’électricité ont connu une poussée en décembre. Le taux d’inflation, qui était de 5,2% sur un an en novembre selon l’indice national et de 6% selon l’indice harmonisé, est attendu en léger repli. La disparition de l’effet TVA en janvier jouera encore plus à la baisse, mais selon les dernières projections de la Bundesbank, l’inflation devrait rester élevée en 2022, à 3,6% en moyenne, avant de reculer à 2,2% en 2023. A l’échelle de l’UEM, les prix de l’énergie ont sans doute encore progressé en décembre avec la nouvelle flambée des prix de gros du gaz et de l’électricité sur la première quinzaine. Leur contribution pourrait représenter plus de la moitié du taux d’inflation total (4,9% sur un an en novembre et 4,8% prévu en décembre). L’inflation énergétique a des causes ponctuelles, comme les tensions géopolitiques avec la Russie sur la question de l’Ukraine et de NordStream 2, et des causes plus structurelles, comme la transition énergétique. Il n’y a pas de solution miracle ni dans un cas, ni dans l’autre. Ce n’est sûrement pas un resserrement précoce de la politique monétaire qui serait le remède.

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