Au début des années 2000, la plupart des banques privées et sociétés de gestion d’actifs basées à Genève géraient leur propre fonds de fonds qui investissait dans une nouvelle génération de jeunes gérants alternatifs spécialisés dans les stratégies Long/Short actions européennes. À l’époque, ces fonds multi-gérants enregistraient des performances annualisées à deux chiffres, nettes de frais de gestion et de performance. Après avoir débuté leur carrière en tant que gérants actions au sein de grandes sociétés d’investissement traditionnelles, la plupart de ces talents les ont quittées dans les années 1990 pour fonder leurs propres sociétés de gestion indépendantes. La majorité d’entre eux a bénéficié du soutien de légendes de l’investissement alternatif telles que George Soros et Michael Steinhardt, afin de gérer des portefeuilles d’idées Long/Short sur les actions européennes – une stratégie qui avait déjà fait ses preuves aux États-Unis depuis les années 1950.
Une espèce en voie de disparition?
Aujourd’hui, tous les fonds de fonds européens spécialisés dans le Long/Short Equity ont disparu, à l’exception d’un seul. La raison principale: la crise financière mondiale de 2008 a décimé de nombreux hedge funds en Europe, notamment parce qu’ils proposaient des conditions de liquidité plus avantageuses que leurs homologues américains. À cela s’ajoute le fait que le marché actions américain a largement surperformé l’Europe depuis 2009 (grâce au secteur technologique), après une évolution similaire entre 1989 et 2009, ce qui a contribué à une diminution de l’attrait des actions européennes. Par ailleurs, l’Europe a été affaiblie par des enjeux géopolitiques, ce qui a encore diminué son attractivité auprès des investisseurs internationaux.
Les investisseurs ont la mémoire courte
Cependant, on sait que chaque crise recèle également d’importantes opportunités pour les gérants Long/Short. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont oublié la crise de la dette grecque à la fin de 2009 et surtout l’impressionnante reprise du pays après le plan de sauvetage de 2018 ! Cette année, la Grèce se classe parmi les marchés actions les plus performants au monde, aux côtés d’autres marchés dits périphériques tels que la Pologne, la République Tchèque, l’Espagne et l’Italie, tandis que la Suisse reste en retrait, évoluant de manière similaire à la France depuis le début de l’année.
Make Europe Great Again
Publié fin 2024, le rapport Draghi a offert aux dirigeants européens une feuille de route afin de « rendre sa grandeur à l’Europe » en stimulant l’investissement et la productivité. Ce rapport a souligné la nécessité d’investir 900 milliards d’euros par an (soit 4.5% du PIB de l’UE) pour remédier au déficit de compétitivité structurelle du continent. Cette année, l’Allemagne a ainsi annoncé un plan de 500 milliards d’euros sur dix ans pour moderniser ses infrastructures. Plus récemment, Blackstone a dévoilé son intention d’investir 500 milliards de dollars en Europe sur la prochaine décennie. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, puisque de nombreuses autres initiatives ont été lancées à travers le continent pour renforcer sa compétitivité.
L’Europe abrite certaine des meilleures entreprises mondiales
Si l’Europe compte son lot d’entreprises en difficulté, elle est également le berceau de quelques-unes des sociétés les plus performantes au monde dans les secteurs du luxe, de la pharmacie, de la chimie, de l’énergie, de la défense et de l’aéronautique – autant de terrains de jeu idéaux pour les stratégies Long/Short. Malgré cela, l’univers des gérants Long/Short européens se réduit chaque année depuis la crise financière mondiale de 2008, du fait d’un manque d’intérêt ou de liquidité par rapport aux États-Unis. Pourtant, d’un point de vue régional, les gérants spécialisés sur l’Europe figurent parmi les meilleurs performeurs depuis le début de l’année.
Un potentiel élevé mais difficile d’accès
L’histoire a montré que les États-Unis ont longtemps été à l’origine de certains des meilleurs gérants Long/Short. Toutefois, ces cinq dernières années, plusieurs des plus brillants talents dans ce domaine se trouvent en Europe. Ils ont su générer un alpha positif, aussi bien sur leurs positions longues que courtes, tout en ajustant habilement leur exposition nette, un avantage souvent lié à la taille plus réduite de leurs fonds. Néanmoins, la capacité de ces stratégies demeure restreinte en raison d’une faible scalabilité liée à la liquidité, ce qui limite l’accès à ces opportunités. La meilleure manière de profiter de ce potentiel consiste à investir dans un véhicule collectif spécialisé sur l’Europe, bénéficiant d’une solide expérience dans la sélection et le suivi des meilleurs gérants européens. Cependant, l’accès à ces fonds demeure souvent réservé à un cercle restreint, car ils sont fréquemment fermés aux nouveaux investisseurs.
Fait notable, les GRANOLAS (l’équivalent européen des «Sept Magnifiques» américains) ont commencé à sous-performer le Stoxx 600 depuis début avril, créant une plus grande dispersion et un environnement plus favorable à la sélection de positions longues et courtes. Avec l’Europe de nouveau confrontée à des tensions géopolitiques et au risque persistant de déglobalisation, il est peut-être temps de reconsidérer les stratégies Long/Short européennes.