France: une économie qui surperforme

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Malgré le risque d’un choc d’inflation, les perspectives sanitaires et économiques restent positives.

©Keystone

La croissance de l’économie française s’est nettement affermie depuis la sortie du troisième confinement en mai dernier. Le PIB a retrouvé son niveau pré-crise avec une légère avance sur l’Allemagne et l’Italie. Maintenant que le choc de la pandémie est en large partie effacée, l’on peut s’attendre à une modération du rythme de la reprise. Les perspectives restent positives du fait d’une large couverture vaccinale, de l’accélération de l’emploi et de conditions financières souples. Si le risque majeur reste celui du choc d’inflation, le gouvernement ne compte pas sa «générosité» pour en atténuer l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages. 

Un trimestre en rose?

Selon la première estimation des comptes nationaux, la croissance du PIB réel est estimée à 3% t/t au T3 2021, un peu au-dessus des prévisions de l’INSEE et de la Banque de France. Désormais, le volume d’activité égale son niveau d’avant la pandémie. La première étape de la reprise, l’an dernier, a été plus rapide que prévu puisque le gouvernement pensait alors qu’il faudrait attendre 2022 pour que le PIB retrouve son niveau pré-crise. A moins d’une rechute au T4, ce que les indicateurs avancés ne semblent pas présager, la croissance sur 2021 devrait ressortir quelque part en 6,5% et 7%. Après les variations exceptionnelles de 2020 et 2021, le rythme de croissance est voué à se normaliser, autrement dit à se modérer. Toutefois, l’économie française aborde la suite avec un marché du travail en forte amélioration et des conditions financières stimulantes. A la différence d’une crise classique, il n’y a pas eu de hausse durable du chômage ni de rationnement du crédit. 

L’accélération des dépenses de consommation des ménages et de la couverture vaccinale a boosté la croissance.

La dynamique de la croissance au T3 doit beaucoup à l’accélération des dépenses de consommation des ménages. Il y a là une part de rattrapage technique puisque le pays était encore confiné jusqu’en mai dernier. Ensuite, l’extension de la couverture vaccinale a été très rapide, surtout après l’annonce de l’instauration d’un pass sanitaire. La vague du variant Delta a été relativement indolore, sans engorgement des urgences hospitalières ni de perturbation de la rentrée scolaire. A ce jour, il n’y a plus de restriction administrative sur l’activité économique. Au 27 octobre, le pourcentage de vaccination de la population éligible était de 88,7% selon CovidTracker. Ces chiffres donnent bon espoir que la période hivernale se passe assez sereinement sur le plan sanitaire. Pour rappel, la France entrait dans un deuxième confinement, avec une large partie des secteurs des loisirs-restauration totalement fermée, il y a tout juste un an. 

Les dépenses en capital des entreprises ont stagné au T3, mais ce résultat est à relativiser au vu de la progression exceptionnelle enregistrée depuis la mi-2020. Si le PIB réel est à son niveau du T4 2019, l’investissement productif est 2% au-dessus. L’investissement résidentiel des ménages a pris encore plus d’avance car la pandémie, et ses à-côtés comme le télétravail, a stimulé la demande de logements. 

Comme ailleurs, les entreprises subissent l’engorgement de la chaîne logistique globale. Les difficultés de recrutement qui préexistaient à la crise se sont intensifiées. Selon une étude de l’INSEE dans le secteur manufacturier, les problèmes d’offre sont à un record historique tandis que les problèmes de demande sont à un point bas historique. Les tensions de prix s’en trouvent prolongées. Pour autant, le climat des affaires reste largement en territoire d’expansion. 

En octobre, la hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation ressortait à 2,6% sur un an, un niveau inégalé depuis 2008.
L’ombre au tableau

La vive poussée de l’inflation est la seule ombre au tableau de la conjoncture française. En octobre, la hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation ressortait à 2,6% sur un an, un niveau inégalé depuis 2008. Dans un contexte de tensions des prix des matières premières et de crise de l’énergie, l’inflation énergétique dépasse 20% sur un an. Situation curieuse pour les ménages, qui bénéficient d’une part de l’amélioration des conditions d’emploi et qui, d’autre part, voient leur niveau de vie amputé par l’inflation. Toujours selon l’INSEE, leur indice de confiance évolue sans tendance depuis quatre mois, après avoir fortement rebondi au S1 2021. 

Le gouvernement s’inquiète de l’inflation tout autant que les consommateurs, sinon plus, ayant sans doute en mémoire qu’il y a trois ans démarrait le mouvement des «gilets jaunes» sur fond de récriminations contre la hausse des prix des carburants. Le litre d’essence avait alors touché un pic à 1,55 euros. Il est aujourd’hui à 1,60 euros en moyenne. Le Premier ministre Jean Castex a multiplié les annonces de mesures compensatoires: chèque-énergie de 100 euros pour 5,8 millions de foyers, lissage des prix règlementés du gaz et de l’électricité et, cerise sur le gâteau, une «indemnité inflation» de 100 euros pour 40 millions de personnes. Le surcoût pour les finances publiques, qui se chiffre à plus de 4 milliards d’euros, est en partie compensé par l’augmentation des recettes de TVA. En un mois, le déficit public a été révisé en baisse pour 2021 (8,1% du PIB) mais en hausse pour 2022 (5% du PIB). Au-delà de ces répercussions immédiates, la crise de l’énergie a été l’occasion de lancer une vaste campagne de réhabilitation de l’énergie nucléaire, dont l’avantage est de fournir une production d’électricité pilotable, décarbonée et peu chère. 

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