Jerome Powell à Jackson Hole pour un discours musclé?

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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Le pic d’inflation serait passé aux Etats-Unis, mais la Réserve fédérale ne peut se permettre de souffler.

Depuis mars, la Fed mène le resserrement de politique monétaire le plus agressif depuis l’ère Volcker au début des années 1980. En quatre réunions, les taux ont été relevés de 25 points de base, puis 50pb, puis deux fois 75pb. De plus, la Fed a amorcé le dégonflement de son portefeuille de titres. Récemment, divers propos de membres du comité fédéral d’open market signalent que la Fed entend aller encore plus loin. Jerome Powell devrait dire la même chose au symposium de Jackson Hole. La politique monétaire est désormais vue comme neutre, et la Fed souhaite la rendre restrictive pour réduire les pressions inflationnistes.

En juillet, la forte baisse des prix des carburants (qui s’est poursuivie en août) a compensé les hausses sur d’autres composantes et le taux d’inflation annuel a freiné de 9,1% à 8,5%. Sans doute le pic d’inflation est-il passé aux Etats-Unis, mais celui-ci est si haut que la Fed ne peut se permettre de souffler. Il reste un long chemin avant que l’inflation retombe près de sa cible de 2%. La Fed est sans doute peu satisfaite de voir que les marchés anticipent des baisses de taux en 2023 et que les conditions financières se sont détendues au cours des dernières semaines – ce qui va à rebours du but recherché, à savoir peser sur la demande et sur les prix. Il ne serait pas étonnant que Jerome Powell tienne un discours musclé soulignant que la Fed n’a aucune baisse de taux en vue.

Les prévisions de commandes américaines commencent désormais à pointer vers le bas.

Aux Etats-Unis, le sentiment des entreprises fléchit depuis plusieurs mois. D’une enquête à l’autre, l’ampleur du phénomène varie. Les indices des directeurs d’achat avaient lourdement chuté en juillet, surtout dans les services, mais les indices ISM avaient bien mieux résisté. Malgré les perturbations logistiques récurrentes et l’envolée des prix des matières premières, l’industrie a jusqu’à présent poursuivi sa reprise. Mais les prévisions de commandes commencent désormais à pointer vers le bas.

L’économie européenne en proie à la récession

En Europe, la confiance des consommateurs est fortement corrélée aux prix de l’énergie cette année. Les prix des carburants ont baissé cet été mais pas ceux du gaz et de l’électricité. Les ménages restent extrêmement pessimistes. Les prix de l’électricité et du gaz naturel vont de record en record, pesant sur les marges des entreprises et le budget des ménages malgré certaines mesures de plafonnement temporaire. A l’opposé, les prix du pétrole refluent, c’est le seul point positif des dernières semaines. Avec une BCE résolument restrictive, les taux d’emprunt montent et les banques resserrent le crédit, ce qui pèse sur le secteur immobilier. L’assèchement des grands fleuves (Rhin, Po) affecte le transport fluvial et perturbe l’activité économique. Bref, tout concoure à aggraver le pessimisme des entreprises de la zone euro.

Le PMI-composite de la zone euro est tombé sous le seuil critique des 50 points en juillet.

En juillet, après plusieurs mois de repli modeste, les indices des directeurs d’achat ont franchement baissé, davantage en Allemagne qu’ailleurs. Le PMI-composite de la zone euro était tombé sous le seuil critique des 50 points. La tendance devrait rester baissière. (A noter qu’au Royaume-Uni, les indices des directeurs d’achat restent assez élevés. C’est totalement en porte-à-faux avec les données économiques montrant une baisse du PIB réel au deuxième trimestre et un choc d’inflation plus aigu qu’ailleurs). Sans espoir de normalisation rapide des marchés de l’énergie, l’économie européenne se dirige vers la récession.

En France, la saison touristique s’annonce bonne, le pouvoir d’achat des ménages est un peu mieux protégé qu’ailleurs et l’exposition à la demande extérieure est aussi plus limité. Le climat des affaires baisse depuis le début de la guerre en Ukraine dans des proportions assez limitées à ce stade. En Allemagne, le choc est plus violent. La dépendance au gaz russe et à la demande chinoise pèse sur l’activité.

Quant à la Chine, après avoir réduit ses taux directeurs la semaine passée, la Banque Populaire de Chine a aussi réduit les taux de référence pour les prêts bancaires ce matin (-5pb à un an, -15pb à cinq ans). Cela montre combien les autorités monétaires sont inquiètes des conditions d’activité, doublement plombées par la stratégie zéro-COVID et la crise du secteur immobilier.

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