L’emploi, juge de paix des récessions américaines

Bruno Cavalier, ODDO BHF AM

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La Fed pense qu’il est possible de resserrer la politique monétaire sans provoquer une dépression du PIB.

Un grand nombre de statistiques économiques ont donné des signes de fléchissement ces derniers mois aux Etats-Unis. Pour n’en citer que quelques-unes, l’ISM manufacturier, la confiance des promoteurs immobiliers, les ventes de maisons, le moral des ménages, les ventes au détail et les enquêtes régionales et le PMI du secteur des services ont fléchi en juin. Cela indique la direction probable pour l’ISM-services. L’inflation déprime les consommateurs. Ainsi, l’économie américaine évolue sur un terrain fragilisé par l’impact de l’inflation, particulièrement le secteur de l’énergie, et la forte hausse des taux d’intérêt. Un domaine fait cependant exception, c’est le marché du travail, hormis une lente remontée des inscriptions au chômage.

Effectivement, depuis 2-3 mois, les demandes d’allocations chômage commencent à dessiner une tendance légèrement haussière. C’est l’un des rares signes de modération du marché du travail. Mais, jusqu’à présent, l’emploi a continué de croître à un rythme bien supérieur à la normale, les gains salariaux sont robustes, et les entreprises se plaignent toujours de ne pouvoir recruter autant qu’elles le souhaiteraient. Tout cela fait dire à la Fed qu’il est possible de resserrer la politique monétaire sans provoquer une récession. C’est à ce jour, la thèse officielle, telle que décrite dans les projections économiques médianes du comité fédéral Open Market.

Tous les discours de Jerome Powell n’ont fait que confirmer la priorité donnée à la lutte contre l’inflation, même s’il faut en passer par un hard landing.

Ainsi, la croissance du PIB réel est prévue en ralentissement à +1,7% sur un an au quatrième trimestre 2022 et le taux de chômage, qui pointe à 3,6%, remonterait au rythme de 0,2 point par an jusqu’en 2024. C’est la description parfaite d’un soft landing. Pourtant, aucun retournement de cycle ne s’est jamais déroulé ainsi. Par le passé, quand l’économie s’est affaiblie au point d’entraîner des destructions d’emploi, le chômage s’est mis à monter rapidement. En moyenne, il monte de 0,25pt par mois durant les récessions.

La Fed avait déjà monté ses taux de 75bp, et non de 50bp comme initialement prévu, en réaction à un mauvais chiffre d’inflation. Ce changement de dernière minute illustre la fébrilité de la banque centrale face à l’inflation dont l’ampleur et la persistance a déstabilisé le monde entier. Depuis, tous les discours de Jerome Powell n’ont fait que confirmer la priorité donnée à la lutte contre l’inflation, même s’il faut en passer par un hard landing.

L’industrie allemande souffre de l’inflation

La réunion du 9 juin avait confirmé le biais restrictif de la BCE. Une semaine plus tard, le 15 juin, la Banque Centrale Européenne tenait une réunion exceptionnelle suite à l’envolée des spreads souverains. Ce fut l’occasion de confirmer que le réinvestissement du programme d’achat d’urgence pour la pandémie serait flexible et que la BCE allait travailler à un outil anti-fragmentation. Mais, les données préliminaires de juin ont signalé un net repli, -3,3 points à 52,8 pour la zone euro. La confiance des directeurs d’achat qui pointe désormais au-dessous de sa moyenne prépandémie, présageant un affaiblissement de la croissance.

La réouverture de la Chine pourrait apporter un petit répit, cependant la tendance est nettement baissière.

En Allemagne, les commandes industrielles ont baissé en février, mars et avril, au total pour -7,9%, ce qui efface l’intégralité de la hausse cumulée sur 2021. Certains problèmes ne sont pas nouveaux, hausse des coûts, perturbations logistiques, mais à la longue ils pèsent sur la demande. La réouverture de la Chine pourrait apporter un petit répit, cependant la tendance est nettement baissière. Si les commandes industrielles anticipent vraiment la production, les perspectives sont très sombres. De fait, le climat des affaires s’affaiblit. La couverture des besoins en énergie ne peut être tenue pour certaine. Rationnement du débit dû aux baisses de livraisons de gaz russe. Pour autant, les données des constructeurs automobiles suggèrent une forte hausse de la production en mai, de quoi pousser l’indice total en légère hausse. Au vu des données nationales, l’inflation de l’indice des prix à la production de la zone euro est attendue stable à 37% sur un an en mai. Les cours des matières industrielles chutent depuis 2-3 mois.

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