Investir à l’ère du VUCA

Charles-Henry Monchau, Syz

3 minutes de lecture

Comment gérer au mieux les avoirs des clients dans un contexte de marché volatil, incertain, complexe et ambigu?

Dans les années 1980, l'armée américaine avait imaginé un acronyme pour décrire l'environnement stratégique des années qui ont suivi la guerre froide. Il s’agit de «VUCA», formé des quatre initiales des mots anglais «Volatility, Uncertainty, Complexity et Ambiguity».

Les investisseurs vivent actuellement dans un monde VUCA. En l'espace de quelques années, nous avons été confrontés à une série d'événements extraordinaires: une pandémie qui a figé l'économie mondiale pendant des mois, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a mis la planète au bord de la troisième guerre mondiale, et maintenant le risque d'une récession due à la hausse incontrôlée de l'inflation.

L’ancien secrétaire d’état à la défense Donald Rumsfeld a dit un jour: «Il y a des inconnus connus, c’est-à-dire des choses que nous savons que nous ne savons pas. Mais il y a aussi des inconnues inconnues, des choses que nous ne savons pas que nous ne savons pas».

VUCA est peut-être une expression encore plus emblématique de ce à quoi nous sommes aujourd’hui confrontés en tant qu'investisseurs, car elle se concentre sur l'idée que nos choix tactiques d'allocation d'actifs comportent deux dimensions : ce que nous savons de la situation actuelle et notre capacité à prévoir les conséquences de nos décisions.

Ci-dessous quelques illustrations de ces propos au travers des 4 lettres VUCA.

Volatilité

La volatilité des principaux actifs financiers est en effet en hausse. Non seulement en raison des événements macroéconomiques et géopolitiques susmentionnés, mais aussi parce qu'il n'y a plus de «Fed put». Face à l'inflation galopante, les banques centrales mondiales referment les robinets de liquidités et ne sont plus là pour «sauver le marché» (comme elles l'ont fait pendant plus d'une décennie).   

Mais la hausse de la volatilité n'est qu'un aspect du problème et ne donne pas une image complète de l'environnement d'investissement dans lequel nous naviguons actuellement.

«Uncertainty»

Si la volatilité est une mesure objective du risque, l'incertitude est une dimension beaucoup plus subjective. Elle peut impliquer des événements de type «cygne noir» qui ne peuvent être saisis par l’analyse statistique d’une courbe de distribution normale. Combien de temps et jusqu'où ira l'affrontement Russie-Ukraine? L'Europe a-t-elle la capacité de mener à bien une transition rapide vers une nouvelle politique énergétique? Verrons-nous une nouvelle épidémie de COVID-19 cet hiver?

«Complexity»

La complexité actuelle réside dans le fait qu'aucun facteur unique ne pourra expliquer à lui seul les rendements attendus. Alors que les marchés financiers ont souffert de la «peur des taux» au cours du premier semestre, la «peur de la récession» est désormais au cœur des préoccupations des investisseurs. En effet, les banques centrales ont finalement décidé de passer en mode de resserrement monétaire pour lutter contre l'inflation. Une politique qui pourrait avoir un coût élevé pour l'économie mondiale. En effet, si nos indicateurs de politique monétaire nous amènent à anticiper des mois de hausses de taux par la Fed, nous devons également prendre en compte la probabilité d'une récession et les effets qui en découlent sur la partie longue de la courbe des taux.

«Ambiguity»

L'ambiguïté nous indique qu'il existe différents modèles ou données qui peuvent expliquer les faits. Toutefois, ces indicateurs donnent souvent des messages contradictoires. Par exemple, les bénéfices des entreprises ont bien résisté jusqu'à présent, ce qui implique que les entreprises ont été en mesure de répercuter la hausse des coûts de production et du travail sur les consommateurs. A contrario, les enquêtes sur le moral des consommateurs montrent que ces derniers sont fortement déprimés par la hausse des prix (alors même qu'ils continuent de dépenser). Comment devons-nous interpréter les niveaux records des marges des entreprises? S’agit-il d’un facteur de soutien important pour les marchés financiers? Ou du prochain élément fondamental à décevoir les investisseurs, au point de déclencher la prochaine phase de baisse des marchés d’actions?

La gestion de portefeuille dans un monde VUCA

Les développements observés ces dernières semaines semblent indiquer que le contexte de VUCA (volatilité, l'incertitude, la complexité et l'ambiguïté) sur les marchés financiers pourrait s’inscrire dans la durée.  

Alors, comment gérer au mieux les portefeuilles des clients dans un monde VUCA?
Nous pensons que la clé du succès est de continuer à adhérer à notre philosophie et nos principes d'investissement, à savoir:

  • Convaincre nos clients de préserver leurs objectifs financiers à long-terme ainsi que le profil de risque préétabli. En effet, les phases de stress des marchés financiers engendrent trop souvent des changements de profil de risque précipités et irrationnels de la part des clients qui ne supportent pas de subir des pertes. Malheureusement, un changement de profil de risque (par exemple d’équilibré à conservateur) sur la base d’une réaction purement émotionnelle revient à cristalliser ses pertes et met en péril l’épargne future des clients;
  • Suivre à la lettre notre processus d'investissement. Il s’agit de baser nos décisions sur une approche à la fois fondamentale et systématique dont l’efficacité a été testée sur la durée. Par essence, un processus d’investissement robuste permet de minimiser les erreurs décisionnelles et enlever une partie de l’émotion dans les phases de marché les plus compliquées;
  • Favoriser une allocation d'actifs dynamique et agile gérée avec des critères quantifiables précis. Comme nous avons pu le constater lors du premier semestre, nous ne sommes plus dans une phase de marché «buy & hold». Il s’agit de pouvoir repositionner les portefeuilles rapidement en fonction des fondamentaux et de la dynamique de marché;
  • Investir de manière asymétrique afin d'éviter les baisses importantes des actions et des marchés obligataires. Pour des portefeuilles qui restent investis, le recours à des instruments de couverture et de protection à la baisse sont nécessaires dans le contexte actuel;
  • Faire preuve d’une grande sélectivité dans notre choix d'actions et d’obligations. Comme dans la plupart des «bear market», de nombreuses entreprises risquent d’être confrontées à des problèmes de solvabilité et de survie. Contrairement à 2020-2021, les titres surévalués subissent des baisses très importantes. La gestion active est donc en train de reconquérir ses lettres de noblesse;  
  • Sortir des sentiers battus pour identifier les opportunités d'investissement contrariantes et moins favorisées. Deux exemples: les matières premières et les «hedge funds». Concernant les premières nommées, elles avaient quasiment totalement disparues de la plupart des portefeuilles multi-actifs. Le retour de l’inflation et une dynamique offre-demande qui leur est très favorable rendent cette classe d’actif quasiment incontournable pour les gérants. Quant aux «hedge funds», des stratégies telles que CTA, Global Macro ou Relative Value profitent du contexte actuel.

Nous pensons qu'une combinaison des principes énoncés ci-dessus est d'une importance vitale pour gérer au mieux les avoirs de nos clients dans le monde actuel VUCA.

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