Il est temps de profiter des spreads élevés en Europe

Dillon Lancaster, TwentyFour Asset Management

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En 2022, les craintes liées à l’énergie et l’écartement des spreads périphériques incitaient à la prudence.

© Keystone

Le sentiment à l’égard de ces problématiques s’est toutefois amélioré ces dernières semaines, et au vu des niveaux de spreads élevés, il semble qu’il y ait de la valeur ajoutée à extraire dans les titres européens. La dépendance vis-à-vis de l’énergie russe a eu pour corollaire des ventes massives d’actifs européens l’année dernière: la principale source d’approvisionnement en gaz de la région a été coupée, éveillant chez les participants au marché la crainte de voir le continent plonger dans une grave récession. Toutefois, les investissements gigantesques dans des installations de stockage de gaz naturel liquéfié (GNL), couplés à des efforts payants pour trouver des sources immédiates d’énergie alternative, ainsi qu’une bonne dose de chance due à un hiver doux, ont conduit à penser que la sécurité énergétique de l’Europe est non seulement suffisante pour passer l’année 2023, mais aussi l’hiver 2024. En effet, les niveaux des stocks de gaz de l’Union européenne sont aujourd’hui plus élevés  qu’au moment de la fermeture du gazoduc Nord Stream pipeline en septembre dernier. Il en a résulté quelques prévisions hâtives sur les perspectives de croissance en Europe: le scénario d’une contraction brutale de 5% du PIB anticipé par certains commentateurs a laissé place à l’espoir exprimé par les ministres de l’économie allemand et des autres pays de l’Union européenne, qui jugent même possible d’éviter une récession technique.

Les prix du gaz européen sont revenus à un cinquième du niveau atteint lors de la fermeture de Nord Stream, entraînant un repli significatif des chiffres de l’inflation ces deux derniers mois.
Le retour à la normale des marchés de l’énergie a fait reculer l’inflation

Les prix du gaz européen sont revenus à un cinquième du niveau atteint lors de la fermeture de Nord Stream, entraînant un repli significatif des chiffres de l’inflation ces deux derniers mois. Avec d’autres indicateurs essentiels, cela laisse entendre qu’au lieu du double pic d’inflation que de nombreux investisseurs craignaient pour l’Europe, la région a en réalité surmonté le pire et s’est engagée sur une voie analogue à celle des Etats-Unis. Le marché des taux a commencé à intégrer cette perspective et table désormais sur une normalisation à la baisse du taux de dépôt de la BCE fin 2023 et début 2024, à l’instar de l’orientation attendue pour le taux des Fed Funds américains. Autre avantage du recul des prix de l’énergie: les plans de soutien colossaux dans lesquels l’Allemagne (environ 200 mia d’euros) et d’autres pays se sont engagés en septembre seront finalement loin d’atteindre les montants prévus, ce qui soutiendra les facteurs techniques dans les emprunts d’Etat européens.   

La fracture entre le centre et la périphérie a causé des inquiétudes

La BCE s’est attaquée à ce problème lors de sa réunion de juillet en lançant l’Instrument de Protection de la Transmission (TPI – Transmission Protection Instrument), bien que l’outil reste assez énigmatique en termes de potentiel et de conditions d’utilisation. Néanmoins, l’optimisme à l’égard de la périphérie a été soutenu par la reprise des débats sur une émission conjointe d’obligations par le bloc européen et, même si des difficultés sont à prévoir, l’idée persistante d’une union budgétaire ne fera que renforcer l’image de l’Europe à l’étranger. Le spread très suivi entre les BTP italiens et les Bunds allemands a par conséquent quitté ses plus hauts récents autour de 250 pb pour s’afficher à 180 pb. Le retour de la confiance a aidé l’euro à rebondir d’environ 14% depuis ses plus bas face au dollar, une autre preuve des interactions positives au sein de l’Europe depuis que la présidente de la BCE Christine Lagarde s’est exprimée sur l’impact de l’inflation importée.  

Ces bonnes nouvelles, conjuguées au fait que la zone euro connaît actuellement l’un des taux de chômage les plus faibles de son histoire, ont dopé la confiance des fournisseurs et des consommateurs ces dernières semaines, comme le montre le  redressement de l’indice ZEW du moral des investisseurs pour l’Allemagne.

Bien que l’incertitude demeure globalement élevée sur l’ensemble des marchés, une nette embellie se dessine tout de même au niveau européen. Entre-temps, les spreads incluent toujours une prime pour investir en Europe. Il est possible que celle-ci s’érode rapidement au vu du regain de confiance sur le continent.

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