Les non-calls font-ils chuter les prix des AT1?

Dillon Lancaster, TwentyFour Asset Management

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Deux exemples montrent que les non-calls d’AT1 peuvent atténuer le risque baissier pour les détenteurs.

Le groupe bancaire espagnol Banco Sabadell a récemment annoncé son intention de ne pas procéder au «call» (remboursement anticipé) de ses obligations Additional Tier 1 (AT1) 6,125% en raison des «conditions de marché actuelles». Il s’agit de la première obligation AT1 à ne pas avoir été remboursée à sa première date de call en 2022, ce qui est toutefois compréhensible compte tenu de la hausse brutale des taux d’intérêt comme des spreads de crédit ces derniers mois. Par conséquent, le marché s’attendait à cette décision et l’avait pleinement intégrée dans les cours.

Quelle est l’impact du non-call?

Dans le cas de cette AT1 en particulier, celle-ci a été rétablie avec des swaps en euro à cinq ans +605 pb, ce qui signifie que suite au non-call, le nouveau coupon avoisinera 9,125% ou environ 300 pb de plus que le coupon initial. L’AT1 a également pour caractéristique d’être désormais remboursable par anticipation sur une base trimestrielle, une structure dont nous soulignons l’importance depuis un certain temps: elle donne en effet plus de flexibilité aux émetteurs quant au calendrier de call et de refinancement d’une AT1, tandis que pour les investisseurs, elle tend à amortir le choc d’une baisse de prix bien au-dessous du pair étant donné qu’un call potentiel est toujours à l’horizon. Pour preuve, cette obligation Sabadell avec un nouveau coupon autour de 9,125% et un prix actuel d’environ 90 affiche aujourd’hui un rendement de 15,39% en euros (17,36% en livres sterling ou 18,21% en dollars) si nous partons du principe qu’elle fera l’objet d’un call dans deux ans. Le rendement est donc plus élevé si la banque procède au call plus tôt et plus faible si le call a lieu plus tard.

La décision prise par la banque britannique a offert aux détenteurs obligataires cinq points de plus par rapport à l’émission existante.
Les rendements sont attractifs

Au sujet de sa décision, Sabadell a expliqué qu’il s’agissait d’un cas spécifique à une obligation en particulier et qu’il ne fallait pas y voir un changement de son approche globale à l’égard des détenteurs d’obligations. Les derniers résultats de Sabadell indiquent en outre une augmentation des fonds propres et une diminution des prêts non productifs (NPL); comme la plupart des banques européennes, le groupe espagnol devrait profiter d’une nette hausse de sa marge nette d’intérêts au T4 2022 et l’année prochaine en raison du cycle de resserrement initié par la Banque centrale européenne. La bonne santé financière de Sabadell devrait donc lui permettre de refinancer ses AT1 lorsque les conditions du marché redeviendront plus favorables. Selon nous, cet exemple prouve bien que les inquiétudes sur les risques de report des AT1 sont exagérées, et que les rendements offerts dans ce secteur sont attractifs en termes de revenu comme de potentiel de gain en capital. En effet, la décision de non-call de Sabadell n’a pas déclenché de réaction généralisée dans les AT1, ce qui montre peut-être que le marché a gagné en maturité depuis les épisodes de contagion rapide auxquels nous avons assisté il y a six ou sept ans.

La flexibilité est importante

Ailleurs dans l’univers des AT1, la banque britannique Shawbrook a annoncé la semaine dernière un call/échange conditionnel sur ses obligations AT1 7,875% en circulation. Les investisseurs ont ainsi eu la possibilité de se repositionner sur une nouvelle AT1 avec un spread plus élevé de 100 pb par rapport à l’émission initiale, ce qui donne lieu à un coupon d’environ 12,125%. Si les obligations n’avaient pas fait l’objet d’une offre d’échange, le nouveau coupon sur l’ancienne émission aurait été rétabli autour de 11,125%: la décision prise par la banque britannique a donc offert aux détenteurs obligataires cinq points de plus par rapport à l’émission existante, ce qui est un moyen de convaincre les investisseurs de rester avec Shawbrook. La nouvelle AT1 est assortie d’un call semestriel après son taux fixe à cinq ans au lieu d’un call permanent sur cinq ans; comme pour la structure trimestrielle de Sabadell, cela confère plus de flexibilité à l’émetteur dans le futur et devrait accroître la stabilité des prix pour les investisseurs.

Bonnes pratiques pour la gestion de la relation

Deux résultats totalement distincts, mais deux exemples qui démontrent l’importance de la structure de chaque obligation AT1 et illustrent également la façon dont les banques continuent à gérer leur relation avec les détenteurs obligataires. Les banques peuvent donc choisir entre différentes options qui permettent souvent d’atténuer le risque d’évolution négative pour les détenteurs d’obligations.

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