Ethereum: un pas de plus vers l’obligation internet

Flavio Restelli & Inés Beneyto, Blockchain Partner by KPMG

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Chronique blockchain. La première blockchain programmable est à nouveau mise à jour pour permettre le retrait des jetons ETH assurant sa sécurité.

Un événement historique dans la sphère des cryptoactifs, baptisé The Merge, a eu lieu le 15 septembre 2022. A cette date, la blockchain Ethereum a débuté une transition vers une nouvelle méthode de consensus, nommée «preuve d'enjeu» ou «proof-of-stake», pour sécuriser son infrastructure. The Merge a ainsi permis l’émergence de nouvelles narratives qui suscitent un regain d’intérêt non seulement dans l’industrie des cryptoactifs, mais aussi parmi les institutions financières traditionnelles.

En effet, si jusque-là la principale stratégie d’investissement en ETH (cryptomonnaie Ether) reposait sur l’espérance que l’actif s’apprécie, le fonctionnement d’Ethereum 2.0 ouvre la voie à une nouvelle thèse: le détenteur de jetons ETH peut les déposer dans le protocole Ethereum, participant par cela à la sécurisation du réseau, en échange d’un revenu passif – à date aux alentours de 4,5% annuels. C’est un véritable changement de paradigme pour l’Ether: un actif ressemblant davantage, à lui seul, à une commodity numérique, offre maintenant une opportunité qui, en assurant des rendements réguliers, s’apparente à une sorte d’obligation numérique.

Le staking permet aux détenteurs de jetons ETH de percevoir un intérêt sans passer par des intermédiaires, puisque le placement s’effectue directement au niveau de la blockchain. C’est pourquoi ce genre d’investissement est parfois considéré comme «sans risque», en raison de l’absence de contrepartie, bien qu’il soit intrinsèquement soumis à un risque de nature technique, inhérent à la blockchain. Par ailleurs, le mécanisme se fonde sur un équilibre précis: la sécurité d’Ethereum croît avec l’augmentation des montants verrouillés dans le protocole, avec une diminution spéculaire du risque d’attaque au réseau ainsi que du taux de rendement s’appliquant au staking.

La mise à jour Shanghai représente une avancée majeure pour la démocratisation du staking et l’essor d’une nouvelle obligation internet, transparente et décentralisée.

Cependant, un détail est à noter: la transition vers le mécanisme proof-of-stake est graduelle. Jusqu’à l’implémentation d’une deuxième mise à jour – baptisée «Shanghai» – ayant eu lieu ce 12 avril 2023, les Ethers déposés pour la validation des blocs d’Ethereum ne pouvaient pas être retirés, tout comme le rendement perçu. Or, dorénavant, il sera possible à tout moment de débloquer les montants séquestrés dans le cadre du staking, représentant à date 15% de tous les Ethers en circulation (18 millions d’unités) et 30 milliards de dollars au cours actuel.

Pourtant, Ethereum ne s’expose pas à un risque de bank run. Pour empêcher un retrait massif et soudain des Ethers bloqués, susceptible de compromettre l’intégrité de la blockchain, la mise à jour Shanghai prévoit un mécanisme d’échelonnement et des «files d’attente» pour le retrait des jetons, avec différents niveaux de délais à respecter.

Auparavant inutilisables et intransférables, les Ethers verrouillés récupèrent avec cette mise à jour une certaine liquidité. Par le passé, différentes solutions sont apparues afin d’éliminer cette contrainte, au prix d’un compromis sur la désintermédiation: dans ces modèles, une entreprise ou bien un smart contract permettent de déposer des Ethers et recevoir en échange une représentation de l’investissement sous forme d’actifs dérivés de l’Ether – liquides, transférables et pouvant être échangés à parité avec l’ETH. Ensuite, l’entreprise ou le smart contract se chargent de la gestion du staking pour le compte du fournisseur de liquidité. Tel fut le succès de ce service qu’à date plus de 34% du staking sur Ethereum passe par des solutions de ce type, avec Lido largement dominateur (31% de tous les validateurs  Ethereum) sur ce marché. Mais ces services ne sont point destinés à disparaître, puisqu’ils permettent également de participer au mécanisme de consensus avec n’importe quel montant, alors que le staking en direct requiert un minimum de 32 Ethers – une somme considérable s’élevant à environ 55 mille euros au cours actuel.

Ce 12 avril 2023 a ainsi marqué un nouveau succès pour la blockchain Ethereum, dont le moteur de staking est désormais pleinement en fonction. Sa durabilité reste à prouver, et des enjeux juridiques existent autour de la qualification de l’actif ETH, que certaines autorités publiques, telles que la SEC aux Etats-Unis, envisagent de qualifier de titre financier. Cependant, la mise à jour Shanghai représente une avancée majeure pour la démocratisation du staking et l’essor d’une nouvelle obligation internet, transparente et décentralisée.

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