Le marché des crypto-actifs, sous institutionnalisation croissante

Manuel Valente, Coinhouse

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Chronique blockchain. Le temps d'un marché crypto dominé par les particuliers est révolu. Place aux institutionnels à la recherche d'un bon ratio risque/rendement. 

Le temps où le marché des crypto-actifs était dominé par des investisseurs particuliers de la première heure est désormais terminé. En Europe, les institutionnels restent méfiants à l’égard de cette classe d’actifs, mais ce n’est absolument plus le cas aux Etats-Unis, et les volumes échangés montrent que ces acteurs dominent désormais le marché.

Cointelegraph Research a mené une étude en octobre 2022 sur le sujet: 84 investisseurs professionnels gérant 316 milliards de dollars ont répondu avoir une exposition totale au marché crypto de 10 milliards de dollars, soit 3% de leurs encours. Le ratio risque/rendement était la raison la plus citée pour l’exposition à ce marché.  Ces acteurs ont majoritairement déclaré avoir une exposition directe au marché par l’achat de crypto-actifs, plutôt que par le biais de fonds d’investissement reflétant les cours des actifs. 94% de ceux ayant une exposition au marché possèdent des bitcoins, ce qui reflète sa dominance toujours présente.

Des géants du monde financier traditionnel lancent aujourd’hui des services de trading. Fidelity, Schwab, Sequoia et Citadel ont annoncé en septembre la création d’un exchange en crypto-actifs appelé EDXM, une “plateforme à destination des institutions financières de premier plan”. Goldman Sachs travaille sur la question depuis 2021, et a récemment annoncé travailler en particulier sur la «plomberie» des marchés financiers, qui pourrait être profondément transformée par l’utilisation de la blockchain.

Plusieurs entreprises travaillent en particulier sur la tokenisation, c’est-à-dire la représentation d’actifs traditionnels sous la forme de crypto-actifs, en particulier des obligations. La Banque Européenne d’Investissement a ainsi lancé en novembre une obligation de 100 millions d’euros sur une blockchain en partenariat avec Goldman Sachs, Santander et la Société Générale. Dans le même ordre, le gouvernement de Hong Kong vient de lancer une obligation “verte” sur une blockchain en partenariat avec la Bank of China, Crédit Agricole CIB et HSBC.

La Banque des règlements internationaux a autorisé en décembre les banques commerciales à posséder jusqu’à 2% de leurs réserves en crypto-actifs.

Encore plus étonnant, la Banque des règlements internationaux, dont les actionnaires, il faut le rappeler, sont les principales banques centrales, a autorisé en décembre les banques commerciales à posséder jusqu’à 2% de leurs réserves en crypto-actifs. Ceci ouvre bien entendu la porte à ce que les banques puissent commencer à proposer des services relatifs à ces actifs.

Enfin, ce sont les banques centrales elles-mêmes qui s’intéressent désormais de près à l’utilisation de la blockchain pour leurs activités quotidiennes. 114 banques centrales travaillent actuellement à la création de leur monnaie numérique, dont l’Inde,  la Russie et la BCE. Bien entendu, le eYuan est déjà lancé depuis 2021, et le gouvernement chinois pousse fortement à son adoption dans le pays. Seule absente de poids, la FED ne montre aucune volonté pour le moment à se lancer dans ce genre de projet.

Il est dommage de constater que si l’on s’en tient à la presse grand public, le Bitcoin et les crypto-actifs restent des OVNIs financiers sans grand intérêt, au mieux destinés à de la pure spéculation, et que des établissements financiers sérieux ne toucheraient pour rien au monde. On l’a vu, rien n’est moins vrai, et les institutions financières les plus importantes au plan mondial considèrent cette nouvelle catégorie d’actifs comme fondamentale, à la fois sous l’aspect technologique pour faire évoluer le fonctionnement des marchés, et par l’intérêt intrinsèque que ce marché peut apporter. Il est donc grand temps que ces actifs gagnent leurs lettres de noblesse et soient considérés à leur juste valeur.

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