Le manque d’ambition du Conseil fédéral

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Aucune solution n’est en vue avec l’UE en 2023 – le Conseil fédéral doit discuter avec les syndicats.

«La Suisse dispose d’un cadre réglant ses relations avec l’UE», tel est l’énoncé du douzième des 18 objectifs que s’est fixé le Conseil fédéral pour 2023. Pourtant, les seuls accords concrets visés sont ceux concernant la participation de la Suisse aux missions civiles de gestion de crise menées par l’UE et la mise en œuvre des programmes de coopération de la deuxième contribution de la Suisse. Pas vraiment les sujets brûlants dont parlent les journaux: Horizon, Erasmus, énergie, exportations.

Pourtant en page 39, dans un texte entre deux lignes rouges (tout un symbole!), il est écrit: «Le Conseil fédéral s’assure que la voie bilatérale est stabilisée et vise le long terme». Un peu plus loin, on lit même que la Suisse «poursuit l’objectif de la conclusion d’accords d’association aux programmes-cadres de l’UE, notamment dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation, et de la négociation de nouveaux accords dans les domaines de l’électricité, de la santé publique et de la sécurité alimentaire.» Mais pas forcément en 2023…

Toutes les banques soutiennent un modèle semblable à celui qui prévaut aux Etats-Unis.

Cette année, la Secrétaire d’Etat Livia Leu a déjà mené quatre rondes de discussions exploratoires avec des représentants de la Commission européenne. Elle retourne à Bruxelles le 12 octobre. Mais à quoi bon? C’est un vrai dialogue de sourds. Chaque partie estime avoir exprimé clairement ce qu’elle veut et attend des précisions de l’autre. Aucune ne semble vraiment motivée à rouvrir les négociations. Un signe qui ne trompe pas: l’unité responsable, entre autres pays, de la Suisse au sein du Secrétariat général de la Commission européenne n’a plus de chef depuis plusieurs mois.

En Suisse, la source du blocage est bien connue: ce sont les syndicats. Ceux-ci peignent le diable sur la muraille des mesures d’accompagnement et font planer le spectre d’une invasion massive de travailleurs détachés sous-payés que l’on ne pourrait plus contrôler. Pourtant, l’UE avait fait des contre-propositions concrètes sur le rôle des partenaires sociaux et sur la densité des contrôles, ainsi que cela ressort du rapport sur les négociations de l’accord-cadre (en page 19). Celles-ci ont été jugées insuffisantes, mais l’on n’a jamais entendu les syndicats expliciter ce qu’ils pourraient accepter. A part l’adhésion à l’Union européenne, qui impliquerait justement de reprendre toutes les règles qu’ils contestent…

Il est certain que l’organisation et la masse de réglementations de l’Union européenne ne font pas envie. La Suisse a d’ailleurs retiré sa demande d’adhésion en 2016. Ce qui lui vaut un traitement plus strict de la Commission européenne, puisque la perspective d’un alignement du droit suisse sur le droit européen n’existe plus. Il n’en reste pas moins que la moitié environ de nos échanges commerciaux, scientifiques, culturels, sociaux ont lieu avec les membres de l’UE, et qu’il faut leur trouver un cadre acceptable pour les deux parties. Ne rien faire et laisser les accords actuels s’éroder est une atteinte à la prospérité de la Suisse.

Et qu’en est-il de l’accès aux clients européens pour les banques suisses? Il n’est plus question d’un accord sur les services financiers qui impliquerait de modifier le droit suisse pour reprendre les règles européennes. Toutes les banques soutiennent un modèle semblable à celui qui prévaut aux Etats-Unis: celles qui veulent servir des clients européens depuis la Suisse sont prêtes à appliquer le droit européen pertinent et à faire l’objet d’une surveillance additionnelle par une autorité européenne. Mais pour pouvoir parler de services bancaires transfrontaliers ou d’énergie avec l’UE, il faut régler les questions institutionnelles!

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