Les applications chinoises sont pionnières en matière de shopping collaboratif et de livestreaming.
En Chine, le premier vecteur de diffusion du commerce en ligne a été le smartphone. Ceci lui a permis de se développer beaucoup plus rapidement qu’en Occident et d’évoluer au-delà du stade initial d’une recherche en ligne d’un produit spécifique et de son achat en un clic. Aujourd’hui, durant la «Journée des célibataires», festival annuel du shopping lancé par Alibaba, l’application Taobao permet d’accéder à des livestreams de prévente durant lesquels il est possible de verser un acompte pour réserver des produits et d’obtenir des réductions distribuées de façon aléatoire.
De même, il devient de plus en plus fréquent de passer par le canal du shopping collaboratif. Dans ce type de shopping, les consommateurs ne se connaissent pas nécessairement, et sont parfois groupés par algorithmes. Pinduoduo a été le premier à populariser cette fonctionnalité et il propose deux options à ses utilisateurs. Ils peuvent procéder à un achat immédiat pour eux-mêmes ou lancer un achat collaboratif et bénéficier d’une réduction qui va de 20 à 40% selon les commerçants.
Les utilisateurs disposent de 24 heures pour constituer un groupe et ils ont toute latitude pour partager leurs commandes avec des inconnus résidant à des milliers de kilomètres. Les commerçants réalisent ainsi des économies d’échelle et bénéficient de la suppression des intermédiaires et des distributeurs. Cette application qui est accessible sur tout le territoire chinois a récemment franchi le seuil des 750 millions d’utilisateurs actifs mensuellement, ce qui représente plus de la moitié de la population chinoise!
La plateforme de commerce électronique Meituan et Taocaicai, le service de commerce électronique communautaire d’Alibaba, ont également adopté le shopping collaboratif, un mode d’achat dont la sphère d’influence ne cesse de s’étendre. Ainsi, durant le confinement, dans le but de pouvoir stocker davantage de nourriture, les ventes de réfrigérateurs par achats groupés ont fortement augmenté. Le fait que ce mode d’achat porte dorénavant sur des articles coûteux représente une avancée notable.
La Chine se situe également à l’avant-garde en matière d’expériences d’achat «phygitales», autrement dit, qui jouent sur la fusion du monde physique et digital. Ainsi, une étudiante de Qingdao qui sélectionne un rouge à lèvres dans un magasin peut, via l’application de partage de vidéos Kuaishou, assister au test de ce rouge lèvre par un influenceur. Cette option lui évite de devoir l’essayer elle-même.
Autre exemple, WeChat, l’application incontournable de Tencent, compte plus de 1,2 milliard d’utilisateurs actifs. Sans équivalent en Occident, cette « super-application » peut être considérée comme un système d’exploitation secondaire qui fonctionne sur iPhone et Android. Elle donne en effet accès à tout un univers de mini-programmes tiers qui s’appuient sur l’infrastructure WeChat. Les magasins l’utilisent pour offrir une meilleure expérience à leurs clients. C’est le cas d’un grand magasin chinois qui a reproduit l’exacte réplique numérique de son espace physique. Chaque étage a ses marques et leurs gérants respectifs dotés d’un compte WeCom, que le client peut interroger. Dès qu’il est abonné, le client recevra les promotions du magasin, sera invité à ses livestreams, pourra réserver une place de parking et régler ses achats avec le smartphone scanné lors de sa visite. Il pourra également acheter directement sur un mini-programme en utilisant WeChat Pay.
Autre domaine en plein essor, les livestreams impliquent des présentateurs célèbres qui comptent des fans par dizaines de millions. Selon iiMedia, agence de recherche spécialisée dans l’industrie de l’internet mobile, les ventes connexes à la diffusion de vidéos en temps réel (livestreaming) devraient avoisiner les 3,5 milliards de yuans (520 milliards de dollars) cette année ce qui représente une augmentation de 50% en glissement annuel. Les meilleures ventes vont aux trois applications Taobao Live d’Alibaba, Kuaishou et Douyin de Bytedance. Cependant, Pinduoduo, JD.Com et NetEase Kaola comptent également parmi les acteurs importants du secteur.
En trois ans seulement, le commerce en ligne dérivé du livestreaming est parvenu à un montant de transactions que le commerce en ligne traditionnel a mis dix années à atteindre. La clé, pour ces vidéos en temps réel, est de capter l’attention des utilisateurs. Sur Douyin (le Tik Tok en Chine continentale), par exemple, un utilisateur qui cherche des baskets verra apparaitre un livestreamer parmi les clips. Même si l’utilisateur n’achète pas dans l’immédiat, il peut choisir de suivre un présentateur et recevoir, plus tard des alertes de promotions.
L’évolution du livestreaming pourrait néanmoins être freinée par les mesures sévères mises en place par la Chine ces derniers mois. Restrictions d’accès pour les adolescents, répression contre les pratiques de marketing frauduleuses et amendes pour fraude fiscale infligées à des streamers renommés n’en sont que quelques exemples.
Il n’en reste pas moins vrai que les nouvelles pratiques inaugurées en Chine sont désormais prêtes à essaimer dans le reste du monde. L’année dernière, Bytedance a lancé TikTok Shop, qui permet aux marques d’organiser des livestreams et de vendre directement via l’application internationale. Et Flipkart est l’une des nombreuses entreprises indiennes qui expérimentent le shopping collaboratif. Au vu de toutes ces avancées, l’avenir du commerce en ligne s’annonce donc passionnant, avec de nombreuses opportunités tant pour les plateformes existantes que de nouveaux acteurs potentiels.