Israël, pépinière de l’innovation

Svetlana Viteva, Baillie Gifford

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Un écosystème focalisé sur la recherche et l’innovation produit des entreprises à fort potentiel de croissance.


En Israël, pays ruisselant de lait et de miel selon la bible, on cherche à produire du lait sans recours aux animaux. C’est du moins ce sur quoi, Nurit Argov-Argaman, a consacré sa carrière. Professeure «es lactation» et fondatrice de l’entreprise de biotechnologie Wilk, elle a fait une présentation au Biomed Israel 2022, conférence dédiée aux sciences de la vie. Bien que cette conférence annuelle s’adresse en priorité aux scientifiques et aux experts en technologie, les entreprises participantes utilisent généralement les 25 minutes qui leur sont imparties pour exposer leur approche de problématiques à portée mondiale.

Souvent, ces entreprises finiront par opter pour une cotation à New York afin d’accéder à un vivier de capitaux plus important. C’est pour cette raison que la recherche d’entreprises intéressantes en Israël peut être assimilée à une sélection de pépites américaines situées en dehors des États-Unis.

Mais revenons à l’exemple de Wilk cité plus haut. D ‘habitude, les articles sur les aliments issus du génie génétique concernent la viande cultivée en laboratoire. Mais Nurit Argov-Argaman a consacré sa carrière à l’étude des globules gras du lait, animal ou maternel, dans le but de les reproduire grâce à la biogénétique pour conserver les avantages qu’elles possèdent sur les laits issus de végétaux.

Cela permettrait de satisfaire la demande croissante de produits laitiers tout en réduisant l’impact de l’élevage sur l’environnement. Par ailleurs, comme substitut au lait maternel dont il est plus proche que les produits existants, il devrait aider le développement des enfants prématurés ou qui présentent un faible poids à la naissance.

Ce n’est pas un hasard si Israël a été choisi par des entreprises comme Alphabet, Meta et Amazon pour y mener des recherches en intelligence artificielle.

Reproduire les bases de la vie en laboratoire est un trait caractéristique d'Israël. Dès la naissance d’Israël, ses pères fondateurs savaient que leur survie sur cette terre désertique et où les échanges commerciaux avec les pays voisins sont difficiles, dépendrait de leur capacité à chercher et innover. Si l'on combine cette orientation historique vers la haute technologie avec la capacité d'internet de réduire les coûts de distribution et de faire contrepoids à l'isolement d'Israël, le pays semble bien placé pour assurer sa compétitivité au plan mondial.

Il l’est d’autant mieux qu’il ambitionne de devenir un «pôle de connaissances». Cet objectif est du moins celui de l’Autorité Israélienne de l’Innovation (IIA), organisme public qui investit directement dans les nouvelles technologies. De fait, l’IIA peut être considérée comme la société de capital-risque la plus importante du pays: elle investit chaque année environ 700 millions de dollars dans les start-ups et se focalise sur les secteurs les plus risqués ou sur ceux qui sont gourmands en capitaux, bref sur ces activités ignorées des acteurs privés qui leur préfèrent le développement de logiciels destinés aux entreprises, la cybersécurité ou encore la fintech. En outre l’IIA travaille de concert avec le régulateur pour lever les freins à la commercialisation de nouvelles technologies et il s’assure que les ressources nécessaires à leur diffusion (laboratoires et formations) sont mises en place. Autrement dit, l’AII encourage la création d’entreprises qui ne verraient pas le jour sans son appui.

Par exemple, CyberArk, spécialiste de la sécurité des identités numériques, JFrog, fabricant d’outils destinés aux développeurs de logiciels ainsi que Ceva, concepteur de puces électroniques. Ou encore Novocure, une entreprise de dispositifs médicaux qui étudie les champs le traitement des tumeurs par champs électriques. Elle connait des avancements dans des essais cliniques pour différents cancers (pancréas, ovaires et autres) ainsi que de nouveaux partenariats noués avec Merck et Roche dans le but de développer des thérapies combinées susceptibles d’offrir de meilleurs résultats aux patients.

Ce n’est pas un hasard si Israël abrite des entreprises de ce type ou si le pays a été choisi par des entreprises comme Alphabet, Meta et Amazon pour y mener des recherches en intelligence artificielle. Cela tient à l'excellence de ses établissements d'enseignement supérieur qui, sur le plan de la technologie et de l’innovation, sont en mesure de rivaliser avec le MIT. Cela tient également à un programme tel que Talpiot, programme de la défense israélienne destiné aux physiciens et mathématiciens du pays, qui représente un élément clé de l'écosystème des start-ups. Il a d’ailleurs joué le rôle de pépinière pour de nombreuses entreprises.

Si Israël occupe actuellement une place de leader dans les domaines de la cybersécurité, de la technologie radar et de la vision par ordinateur, c’est grâce à l’importance des moyens que le pays consacre à sa défense. Cet état d’alerte quasi permanent a également favorisé le développement d’une culture communautaire basée sur les relations interpersonnelles.

Pour terminer ce compte-rendu de voyage sur une note gustative, si je n’ai pas testé le lait produit en laboratoire, j’ai par contre dégusté un steak cultivé à partir de cellules de bœuf Angus américain et produit par l’entreprise «Aleph Farms». Même s’il n’est pas encore tout à fait prêt pour figurer au menu d’un déjeuner en restaurant, il témoigne bien des progrès remarquables réalisés par ce pionnier de la viande durable.

C’est la preuve «comestible» que le bioalimentaire, industrie émergente qui émane de l’écosystème technologique florissant d’Israël, tente-lui aussi de répondre à une problématique qui touche le monde entier.

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