Comme une impression de fragilité

Axel Botte, Ostrum AM

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Le resserrement monétaire annoncé provoque un déluge d’émissions et des rotations sur les actions.

La hausse des taux américains est freinée cette semaine par les accès de faiblesse des actions. Le T-note à 10 ans oscille violemment dans une fourchette de 1,70 à 1,80%. La communication des banquiers centraux américains est néanmoins sans équivoque sur la direction des taux d’intérêt face à une inflation de 7%, «trop élevée» selon Lael Brainard. Les marchés d’actions tanguent. La rotation stylistique pénalise la croissance au profit des actions cycliques de consommation ou industrielles. La pression sur le prix des matières premières – le nickel par exemple s’échange au plus haut depuis 10 ans – soutient les actions du secteur des ressources de base. La stabilisation des taux intervient aussi après un déluge d’émissions sur le segment IG en euros et en dollars. Les spreads, sur les marchés de dette souveraine et de crédit, résistent pourtant à l’embouteillage sur le marché primaire. Le total, sans précédent, d’émissions en ce début d’année s’accompagne de flux importants de couverture du risque de taux d’intérêt. Il est à noter que l’or et le yen japonais regagnent leurs statuts de valeur refuge face à un dollar plus faible. L’euro bondit au-delà de 1,14 dollars.

La toile de fond internationale reste troublée

Les risques d’inflation dominent l’actualité avec le rebond des prix de l’énergie et des métaux. L’or noir s’échange au-delà de 84 dollars le baril de Brent. Parallèlement, les tensions politiques entre la Russie et les Etats-Unis, et leur allié européen, au sujet de l’Ukraine entretiennent la hausse des prix du gaz sur les marchés européens. La Russie a rompu sa communication avec l’UE quelques heures après une cyber-attaque visant le gouvernement ukrainien. L’Administration Biden cherche à rallier l’Europe à sa stratégie de sanctions en discussion au Sénat américain en promettant une solution sur la fourniture de gaz. De son côté, Joe Biden doit détourner l’attention des américains de ses difficultés politiques internes. Le plan Build Back Better n’est toujours pas adopté par le Sénat, sa popularité plonge à mesure que les prix s’envolent et la Cour Suprême a rejeté la loi rendant la vaccination obligatoire dans les grandes entreprises.

L’agenda politique en fin de mois est susceptible de raviver la volatilité.
La situation conjoncturelle des Etats-Unis est pourtant bonne

Le chômage est revenu sous 4% et la croissance du PIB en 2022 est projetée à 3,8%. L’inflation à 7% en décembre reste un point noir, qui explique la confiance des ménages en berne depuis l’été. L’inflation sous-jacente est à 5,5%. Les deux tiers du panier connaissent des hausses de prix annuelles supérieures à 3%. Le poste du logement se renchérit de 4% sur un an. Les anticipations d’inflation à 12 mois ressortent à 4,9% dans l’enquête de l’Université du Michigan. La faiblesse des ventes au détail (-1,9%) en décembre traduit peut-être un report de la consommation.

Les marchés semblent avoir intégré un scénario de trois hausses, voire quatre ou cinq selon le gouverneur Christopher Waller si l’inflation reste élevée. Le 10 ans s’est cependant stabilisé autour d’1,75% dans un environnement de marché volatile. Les adjudications de 10 (1,72% plus haut taux servi) et 30 ans (2,07%) ont rencontré une bonne demande. La tendance reste à l’aplatissement du 2-10 ans (-9 pb sur la semaine) compte tenu des projections de Fed Funds. En zone euro, le Bund a évolué dans une fourchette de -0,03% et -0,10%. Les obligations longues suscitent de l’intérêt autour de 0,30% sur le Bund à 30 ans ou l’OAT 2053 dont la hausse du rendement a plafonné à 1%, à mesure que les assureurs et les hedge funds intervenaient à l’achat. Les spreads souverains ont absorbé les syndications irlandaise, portugaise et italienne pour finir sans réelle tendance. L’agenda politique en fin de mois est susceptible de raviver la volatilité. La dette grecque (163 pb sur le 10 ans, +58 pb depuis octobre) parait la plus fragile alors que la BCE reste évasive sur son soutien aux GGB. Le discours des banquiers centraux comme De Guindos et Schnabel se durcit aussi au sujet du risque inflationniste. Les points morts ont pourtant sous-réagi à la hausse du brut et la publication d’une inflation à 5% en décembre.

Concernant le crédit, le déluge de primaire (déjà 25 milliards d’euros de non-financières corp cette année et 42 milliards d’euros de financières diverses, dont 17 milliards d’euros de covered bonds) pèse sur les spreads (+3 pb). Les dettes hybrides et à haut bêta sous-performent dans un mouvement de pentification de la courbe des spreads IG. La prudence est de mise sur le marché du crédit euro IG, d’autant que la saison des résultats s’annonce délicate. Aux Etats-Unis, le primaire totalise 85 milliards de dollars d’émissions contribuant à un élargissement de 4 pb des spreads.

Sur le high yield, le marché semble plus résilient. Le segment BB souffre, en raison d’une duration plus élevée, alors que l’optimisme au sujet d’Omicron favorise le rebond des valeurs liées à la réouverture de l’économie présentant une décote attrayante. La thématique des étoiles montantes (rehaussement des notations probable en IG) parait pérenne également, ce qui suggère de rester constructif sur cette partie de la cote. Un achat de protection sur l’iTraxx crossover permet aussi de s’exposer à la surperformance des obligations par rapport aux synthétiques équivalents.

La hausse de la volatilité est palpable sur les actions. Les rotations thématiques ou sectorielles animent la cote. Les bancaires gagnent 8% alors que la technologie plonge de 5% dans le sillage d’un Nasdaq fragilisé par les taux longs. L’ajustement des valorisations du luxe se poursuit en Europe.

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