Moment décisif pour les banques centrales

Axel Botte, Ostrum AM

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L’inflation est là, la fonction de réaction des banques peut-elle changer?

©Keystone

La volatilité réalisée des marchés ne semble pas diminuer. Toutefois, le sentiment s’est amélioré et les indices de volatilité implicite ont corrigé à la baisse (21% sur le VIX contre un pic à 35%). Le S&P rebondit de 4,4% en deux jours après une étude rassurante sur l’efficacité des vaccins face au variant Omicron. Les contrats à terme en Asie ont relayé l’inflexion haussière sur la séance américaine de mardi. La cinquième vague impose néanmoins un certain nombre de restrictions en Europe et au Royaume-Uni. La bourse s’est ensuite stabilisée à l’approche de la publication de l’IPC américain, qui recentre l’attention des intervenants sur les réunions de banques centrales les 15 et 16 décembre (Fed puis BoE, BCE). 

Le T-note à 10 ans oscille autour d’1,50% conformément au plafond des taux courts projeté par les marchés à l’horizon du cycle monétaire à venir. Le Bund s’échange sous -0,30% sans réel impact sur les spreads souverains. L’Italie est toutefois suspendue au risque politique et l’avenir de Mario Draghi. Le spread du BTP s’est tendu au-delà de 130pb. Le crédit et plus encore les notations spéculatives profitent de la reprise de risque. Quoique volatile et soumis aux variations de l’aversion pour le risque, le dollar reste bien orienté à mesure que les anticipations de taux courts s’ajustent à la hausse. A l’inverse des intentions de resserrement monétaire occidentales, la PBoC prend de nouvelles mesures d’assouplissement interne (baisse du taux de réserves obligatoires) et externe (hausse des réserves en dollars) pour atténuer la pression haussière sur le yuan.

La Fed a toutes les raisons objectives de mettre un terme à l’assouplissement quantitatif et entamer un cycle de hausse des taux.

La situation conjoncturelle américaine requiert un resserrement monétaire. L’inflation s’est de nouveau accélérée en novembre à 6,8%. L’inflation sous-jacente se situe à 4,9%, il est difficile de ne pas y voir une généralisation des pressions sur les prix. La hausse des prix est la plus forte depuis 1982. En outre, 70% du panier présente une hausse mensuelle supérieure à 3%. Au-delà du chiffre, la perception de l’inflation est déterminante pour le comportement du consommateur, voire de l’électeur lors des élections de mi-mandat en novembre prochain. Le marché du travail est revenu à l’équilibre avec un taux de chômage de 4,2%. Les inscriptions hebdomadaires au chômage ont plongé sous le seuil de 200’000 et les plans de licenciements sont au plus bas et presque trois fois moindres que la moyenne entre 2017 et 2019. La Fed a donc toutes les raisons objectives de mettre un terme à l’assouplissement quantitatif et entamer un cycle de hausse des taux. La date de l’annonce reste incertaine et probablement soumise à l’évolution des risques épidémiques malgré la croissance. 

La réduction des achats va s’accélérer s’ensuivront des hausses de taux voire un changement dans la politique de réinvestissement des tombées du portefeuille. En zone euro, la situation sanitaire aura un effet néfaste sur l’activité avec les nouvelles restrictions en vigueur. La BCE devra statuer jeudi sur l’arrêt du PEPP, tout en gardant toutes les options ouvertes pour augmenter l’APP de façon temporaire ou plus durable. La question des TLTRO ne se pose pas immédiatement mais l’encours des opération (2’200 milliards d’euros) n’est pas re inançable sur les marchés, en particulier pour les banques du sud les plus fragiles. La BoE navigue à vue et semble retarder l’inéluctable hausse des taux. Le gouvernement britannique a finalement introduit des mesures de restriction qui pourraient apporter l’argument décisif au MPC pour un report à février de la première hausse de 15pb (de 0,10 à 0,25%). L’APF a quasiment atteint son plafond de 875 milliards de livres sterling. Une question essentielle pour la BoE est la sensibilité de la demande à la remontée des taux. La part des crédits hypothécaires à taux fixe ayant augmenté, l’effet de la hausse sera réduit.

Les marchés du crédit se sont légèrement détendus dans le sillage du rebond des actions après un mouvement d’écartement des spreads significatifs.

Le marché des taux demeure volatile en amont des réunions des banques centrales. La fonction de réaction de la Fed a-t-elle pu changer face à des chiffres d’inflation inimaginables pendant plusieurs années? Le marché pense que non et entrevoit un cycle monétaire court. Le signal devra venir de la Fed. La mémoire du put implicite de la Fed (activé en 2018 et 2019) entretient encore la dynamique d’aplatissement et la compression des primes de risque. Le T-note est repassé sous 1,50% après la publication de l’IPC. Les dernières adjudications de 10 et 30 ans ne témoignent pourtant pas d’une demande finale solide sur ces maturités. Le Bund s’est tendu d’environ 5pb cette semaine. Les valorisations contre swap s’étant beaucoup renchéries, le swap spread s’est resserré vers 46pb (-5pb) à mesure que la confiance des intervenants s’améliorait. Les spreads souverains résistent à la volatilité des taux, malgré un spread italien au-dessus de 130pb. Le rôle de Draghi crée un élément d’incertitude qui se traduit par quelques flux vendeurs importants sur les contrats à terme. La fin d’année et l’allègement du calendrier d’émissions limite néanmoins l’élargissement des spreads.

Les marchés du crédit se sont légèrement détendus dans le sillage du rebond des actions après un mouvement d’écartement des spreads significatifs. Les indices de CDS, dont l’iTraxx crossover (262pb) semblent s’être stabilisés. L’incertitude sur l’ampleur des interventions de la BCE l’an prochain via l’APP et les valorisations restent un frein à la surperformance. Le high yield (-18pb en zone euro sur 5 séances) s’est également mieux comporté. Quant aux marchés d’actions, il est frappant d’observer l’homogénéité du mouvement de rebond. Les valeurs de croissance surperforment certes mais la plupart des secteurs et des styles de gestion sont gagnants sur la semaine.

Le dollar reste ferme. L’euro oscille autour d’1,13 dollar. La surprise est venue de la PBOC qui envoie le signal qu’une appréciation trop forte du yuan n’est plus désirable.

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