Fed: le calendrier s’accélère

Axel Botte, Ostrum AM

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La Réserve fédérale discute déjà de la réduction du bilan, nécessaire à la remontée des taux longs.

©Keystone

Le retrait du stimulus monétaire aux Etats-Unis reste la question centrale pour les marchés financiers. Les minutes du FOMC de décembre ont révélé que la question de la réduction du bilan est déjà à l’étude. Cette perspective a enclenché un fort mouvement haussier sur les rendements des Treasuries avec une pression à la pentification. Le changement de ton de la Fed a pesé sur les points morts d’inflation et initialement soutenu le billet vert. Les actions plient sous le poids des valeurs de croissance. Le complexe spéculatif (cryptomonnaies, petites valeurs) s’ajuste également à la nouvelle donne monétaire. Le Bund (-0,04%) suit le mouvement du T-note (1,76%) qui fait tache d’huile sur la dette grecque et, à un degré moindre, les emprunts italiens soumis à l’incertitude entourant la prochaine présidentielle. Le crédit est stable, alors que le high yield européen rattrape son retard de performance sur son équivalent en dollars. Les spreads émergents se tendent quelque peu.

La crise kazakhe provoque de fortes tensions sur le prix de l’uranium, ce qui motive aussi les intérêts russes à la stabilité.
La situation géopolitique reste délicate

Les troubles au Kazakhstan ont abouti à la chute du gouvernement et une intervention militaire russe. Les évènements, provoqués par la hausse du prix de l’énergie, interrogent sur les capacités de production de pétrole dans le pays. Dans un contexte rendu difficile par la chute de la production libyenne, l’augmentation de la production de l’Opep (+400 kbpj en février) n’a pas convaincu les marchés. Les prix remontent au-delà de 82 dollars le baril de Brent. En outre, la crise kazakhe provoque de fortes tensions sur le prix de l’uranium, ce qui motive aussi les intérêts russes à la stabilité. Le prix du gaz en Europe a baissé grâce aux cargos de LNG déroutés d’Asie vers l’Europe, mais les vannes russes restent fermées dans l’attente de la mise en service de Nord Stream 2. La menace d’invasion de l’Ukraine par la Russie retarde le feu vert européen, d’autant que Biden fait pression pour obtenir des signes tangibles d’accalmie à l’Est. Les essais de missiles balistiques nord-coréens passeraient presque inaperçus dans ce contexte.

La politique monétaire de la Fed reste déterminante pour l’équilibre financier

Les minutes du dernier FOMC témoignent d’un changement d’optique. L’inflation est le principal risque et requiert un ajustement monétaire significatif qui passera par une fin accélérée des achats d’actifs, trois hausses de taux en 2022 et l’amortissement du bilan. Ce dernier point n’avait pas été évoqué jusqu’à présent. La Fed réduira le montant de ses réinvestissements une fois enclenché le cycle de hausses des taux. En 2017, la réduction du bilan avait débuté après que les Fed Funds avaient rejoint le niveau d’1%. L’inflation est élevée (6,8% en décembre), de sorte que la contraction du bilan pourrait être anticipée. Le non-réinvestissement des créances hypothécaires semble pleinement justifié par la hausse des prix immobiliers et des loyers, dont la contribution au coût de la vie va augmenter en 2022. 

Sur le plan de l’activité, les enquêtes résistent à la résurgence de l’épidémie. Les tensions dans la chaîne logistique s’améliorent. L’emploi augmente de 199’000 en décembre et les révisions sur les deux mois précédents ajoutent 141’000 postes. Le taux de chômage diminue à 3,9% avec une participation stable (61,9%). La hausse des salaires (4,7%) retiendra l’attention des banquiers centraux. En zone euro, l’économie allemande reste freinée par la hausse des coûts de l’énergie et les mesures sanitaires. La production industrielle s’est contractée en novembre en Allemagne et en France, à l’opposé des enquêtes au beau fixe. L’inflation de la zone euro atteint 5% en décembre.

Le prix d’exercice du put de la Fed est peut-être beaucoup plus éloigné que ne le pensent les investisseurs.

Concernant les marchés financiers, la teneur des débats au sein du FOMC laisse peu de place au doute quant à la politique monétaire à mener. Bullard annonce une hausse dès le mois de mars, alors que Neel Kashkari, colombe parmi les colombes, entrevoit deux hausses cette année. La politique bilancielle est évoquée pour éviter un aplatissement excessif de la courbe des taux, tel le «conundrum» de Greenspan qui avait engendré la bulle immobilière, puis une crise financière dévastatrice en 2008. Dans cette optique, le prix d’exercice du put de la Fed est peut-être beaucoup plus éloigné que ne le pensent les investisseurs. La hausse du S&P de 27% en 2021 laisse en effet beaucoup de marge à la Fed avant d’intervenir, surtout dans un contexte inflationniste très différent de celui de 2018. 

Les rotations d’allocation d’actifs s’accélèrent. Le 10 ans américain termine la semaine en hausse de plus de 20 pb au-delà des sommets de 2021. Pourtant, les marchés n’intègrent pas encore le potentiel de relèvement des Fed Funds à terme. Les taux réels se redressent néanmoins à partir de niveaux très déprimés et les points morts d’inflation décrochent, malgré un prix du pétrole orienté en hausse, au-delà des 80 dollars le baril. La pentification de la courbe traduit néanmoins les lourds rachats sur les fonds investis en Treasuries (-2 milliards de dollars, soit la semaine la plus négative depuis un an). Le marché primaire du crédit IG en dollar US, après plus de 60 milliards de dollars émis dès cette première semaine, a aussi engendré des flux de couverture, vendeurs de T-notes.

En zone euro, le Bund a naturellement suivi le marché américain. La surprise haussière sur l’inflation en Allemagne, puis en zone euro, a contribué à l’accélération du mouvement. L’emprunt allemand à 10 ans se situe à -0,04%. Les dettes périphériques ont souffert, notamment la Grèce, alors qu’une syndication se profile à la fin du mois. L’Italie s’échange autour de 135 pb à 10 ans. Draghi brigue la présidence. Sa succession au poste de premier ministre engendre une incertitude palpable, alors que le gouvernement est sur le point d’annoncer une rallonge budgétaire de 15-20 milliards d’euros pour cette année.

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