Les leçons de 2021

Axel Botte, Ostrum AM

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Une année contrastée entre frénésie boursière, risques inflationnistes et crise sanitaire.

©Keystone

L’année 2021 restera comme un très bon cru boursier avec des performances comprises entre 20 et 30% dans les pays développés. L’accélération de l’inflation, les déboires des promoteurs immobiliers chinois et le durcissement de la politique interne de Xi Jinping ont en revanche largement pesé sur les marchés émergents. La croyance, erronée, en une inflation «transitoire» a permis le maintien d’une politique monétaire expansionniste durant la majeure partie de l’année. La Banque centrale américaine annoncera en fin d’année une inflexion, certes tardive, de sa politique en diminuant ses achats et relevant ses projections de taux d’intérêt. Le dollar s’est renforcé contre toute devise, à l’exception du yuan étroitement contrôlé par la PBoC. Les devises émergentes ont souffert, notamment la livre turque pénalisée par une politique hétérodoxe d’assouplissement malgré une spirale inflationniste. Les rendements obligataires se sont redressés par rapport aux niveaux bas de 2020. La hausse des anticipations d’inflation a joué un grand rôle dans cette remontée. Le QE et les discussions budgétaires sans fin aux Etats-Unis limiteront le mouvement du T-note à 1,5% en fin d’année.

Bon cru boursier

L’année boursière a débuté sur les chapeaux de roues avec le développement rapide des SPAC aux Etats-Unis. L’activité de ces véhicules d’acquisition a ralenti mais leur capital disponible représente encore 180 milliards de dollars en fin d’année. Le premier trimestre a aussi été le théâtre de raids boursiers menés par des investisseurs individuels, privés de paris sportifs par la pandémie, sur un nombre restreint de petites valeurs décotées. La chasse aux vendeurs à découvert de meme stocks a ainsi mis à mal plusieurs hedge funds engendrant une volatilité insensée en raison de l’utilisation massive d’options courtes.

Le S&P gagne 27%, l’énergie prenant le relais des mégacaps au cours de l’année.

La spéculation n’a pas cessé dans l’univers des cryptomonnaies. L’Ethereum et le Bitcoin affichent, en 2021, des performances encore bien supérieures à la bourse malgré le fléchissement orchestré par le tournant monétaire restrictif. La volatilité de ces actifs représente 4 à 5 fois celle du Nasdaq. Ces cryptomonnaies semblent avoir remplacé l’or comme actif refuge face à l’inflation, le métal jaune restant stable en 2021 autour de 1’800 dollars l’once. La reprise forte et les conditions de liquidité ont entretenu l’environnement favorable aux actions. Le S&P gagne 27%, l’énergie prenant le relais des mégacaps au cours de l’année. En Europe, le fort rebond des bancaires contraste avec les foncières (allemandes) et les secteurs sensibles à l’épidémie dont le transport aérien. Les marges bénéficiaires ont résisté à la hausse des coûts mais les services d’utilité publique marquaient le pas face à la hausse du gaz précipitée par les tensions à l’Est. La politique du PCC de ‘prospérité commune’ a largement pesé sur les géants technologiques de l’Empire du milieu. Les difficultés des promoteurs immobiliers expliquent en outre la sous-performance du Hang Seng (-15%).

Redressement obligataire

L’année obligataire a été marquée par le risque d’inflation, alimenté par les problèmes logistiques d’offre et les pénuries de matières premières et de composants. Le marché des Treasuries a rapidement intégré la hausse des prix. Le rendement du T-note a touché son sommet annuel à 1,74% dès la fin mars. L’inertie de la politique monétaire justifiée par une inflation prétendument transitoire renversera les pressions haussières. Le maintien d’un QE couvrant les émissions nettes du Trésor ramènera le 10 ans vers 1,12% au milieu de l’été. L’excès de liquidités induit, contrepartie d’une pénurie de T-bills, force alors les banques et les fonds monétaires à replacer à la Fed plus de 1’000 milliards de dollars. Le changement de discours de Powell après Jackson Hole permettra néanmoins un retour progressif au-dessus d’1,5%, mais avec des rendements réels (-1% à 10 ans) sans rapport avec la croissance. 

L’environnement favorable aux actifs risqués permet aux dettes financières subordonnées d’afficher des performances positives.

En zone euro, le Bund (+39pb en 2021) a suivi le T-note prenant initialement le chemin de la hausse avec le plongeon vers -0,50% au milieu de l’été. En Italie, la nomination de Mario Draghi en tant que premier ministre a rassuré les intervenants, le spread se resserrant au plus bas de l’année à 90 pb. Cependant, l’avenir de Draghi en suspens à l’approche de la fin de mandat du président Mattarella début 2022 et le ralentissement des achats ramèneront le spread italien au-delà de 130pb en fin d’année. Les premiers déboursements du plan de relance européen (NextGen EU) ont tout de même permis à l’Espagne ou au Portugal notamment de réduire sensiblement leurs emprunts en 2021.

Crédit et devises

Les spreads de crédit (+3 pdb en 2021) ont brillé par leur inertie pendant l’essentiel de l’année malgré un quatrième trimestre plus délicat. L’environnement favorable aux actifs risqués permet aux dettes financières subordonnées d’afficher des performances positives. Le high yield termine l’année en trombe avec des resserrements de spreads de l’ordre de 40pb en décembre. Le taux de défaut limité à 1-2% en Europe et l’amélioration des notations permettent de dégager des performances de 3 à 5% selon les segments du marché. Le marché du high yield chinois fait figure d’exception compte tenu des nombreux défauts dans le secteur immobilier.

Enfin, le dollar s’est renforcé (+5% contre euro). A l’opposé,  le yen retrouve son statut de monnaie de financement. La PBoC s’est efforcée de stabiliser le yuan dans la crise immobilière. Les devises émergentes se sont dépréciées malgré le resserrement monétaire. La livre turque, soumise aux pressions politiques, perd un tiers de sa valeur, l’inflation galopante pesant en outre sur les taux locaux. En revanche, les marchés de dette externe (+14 pdb) ont résisté à la remontée du billet vert.

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