Gonet: l'actualité des marchés au 30 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

4 minutes de lecture

Dow +0,97%, S&P 500 +1,23%, Nasdaq +1,84%, Russell 2000 +2,65%, SOX +2,21%, Eurostoxx +2,96%, SMI +1,40%.

Wall Street fait ce qu’elle sait le mieux faire, monter sur du vent. Oh certes, les nouvelles du front sont plutôt encourageantes, la perspective d’un accord de paix entre belligérants prend quelque forme hier, mais à quel horizon? La Russie ne serait-elle pas en train de gagner du temps, de travailler son image tout en instillant un zeste de doute dans l’esprit du plus grand nombre? Sombrer en conjectures ne sert à rien, mais l’impact des annonces d’hier sur le marché est bien réel lui, qui laisse votre serviteur perplexe mais c’est ainsi, si les marchés étaient rationnels et mesurés ça se saurait.

La journée d’hier relève une fois encore du cauchemar pour ces pauvres ours, les short se couvrent, l’indice S&P500 (SPX) termine sa séance quasiment au plus haut du jour, il n’est plus qu’à 3,5% de son point d’équilibre cette année. D’un point de vue technique, chaque jour voit la configuration du SPX s’améliorer un peu plus, les moyennes mobiles à 50, 100 et 200 jours sont désormais bien loin dans le rétroviseur, point de situation surachetée à signaler et l’on se surprend à regarder le plus haut historique à nouveau dans les salles de marchés, qui se situe à 4818 points, clôture hier à 4631. La psyché du marché semble corrélée à l’arrivée du printemps, elle s’est nettement améliorée ces derniers temps, les investisseurs se disent que si la situation en Ukraine progresse vers le mieux, si les sociétés parviennent à s’extirper du piège de la chaine d’approvisionnement sans trop de dommages, si l’inflation s’avère finalement transitoire et si les banques centrales ne sont pas si agressives que prévu, et bien ça devrait passer.

Certes, cela fait beaucoup de «si». Pesons le pour et le contre l’espace d’un instant: à ma droite, les taureaux et les arguments suivants: les troupes russes semblent s’enliser en Ukraine, Poutine se concentrera-t-il sur le Donbass, un accord de paix est-il dans les cartes? L’histoire montre que les actions se comportent bien après le début d’un conflit armé. La Fed, Jerome Powell en tête, tient un discours rassurant. L’effet TINA (There Is No Alternative…but stocks) est toujours bien présent. à ma gauche, les ours (du moins ce qu’il en reste…) et les arguments suivants: la courbe des taux s’aplatit chaque jour un peu plus et envoie des signaux d’alarme quant à la croissance économique future. La croissance des résultats de sociétés au premier trimestre devrait être encore revue à la baisse par les analystes. L’inflation est un monstre galopant inarrêtable. La Fed est en en retard et le conflit se poursuit en Ukraine. On le constate, chaque camp dispose d’arguments recevables, notons ceci dit au passage que les catalyseurs haussiers semblent plus fragiles et que le marché voit clairement le verre à moitié plein depuis quelques temps, baisser la garde n’est donc pas du tout de mise actuellement.

Un adage boursier me revient en tête ce matin qui propose «d’acheter au son du canon et de vendre au son du clairon». Au vu de la réaction du marché hier, on pourrait être tenté de se dire que c’est plutôt au son du clairon qu’il faudrait acheter… Oui mais non, regardons les performances des indices depuis le 24 février, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le SPX progresse de 8,14%, le NDX de 9,11%, L’Eurostoxx50 de 4,65% et notre bon vieux SMI de 7,30%. Alors oui, une fois encore il fallait acheter au son du canon et constater au passage que les Etats-Unis ont fait une «Pantani» à la vieille Europe, en la laissant pour ainsi dire sur place dans la montée vers Verbier.

On revient brièvement à la séance d’hier avec des volumes d’échanges qui pataugent encore et toujours, une volatilité qui se replie de 4%, l’indice VIX revient à 18,90, s’il atteint 15 il faudra se préparer à son rebond. En termes de secteurs, on continue de privilégier les actions dites de croissance, au détriment de celles de valeur. Apple fait un énième bras d’honneur à Isaac Newton et réalise sa 11e hausse consécutive. Les FAANGs mènent la danse, gardons en tête que les généraux montent sur la colline en compagnie d’une (trop?) petite partie de l’armée. Le breadth (l’écart entre les titres clôturant en hausse et ceux en baisse) est excellent ceci dit, avec 87% de positif sur le SPX. Cerise sur le gâteau, les actions chinoises cotées au NYSE passent une fort jolie journée, l’ETF KWEB décolle de 4,47%. Sur le front obligataire, le 10 ans US décolle hier à 2,52%, pour revenir à 2,38% ce matin, je soupçonne le plus grand nombre de venir acheter de la dette américaine à très bon compte et un fort joli rendement. La courbe des taux reste en mode «Defcon 1», la partie 2 à 10 ans s’inverse brièvement cette nuit et revient à +4 points de base ce matin.

Le pétrole se prend les pieds dans le tapis hier, le baril de WTI Light Crude revient brièvement en-dessous de 100 dollars, pour remonter à 106,66 dollars ce matin, l’euphorie de la veille est passée et on se permet de douter de la bonne volonté de Vladimir Poutine dans les salles de marchés. L’or fait pareil, repasse en-dessous de 1900 dollars par once hier pour remonter à 1925 dollars ce matin. Le dollar faiblit, la paire EUR/USD évolue à 1,1118, le sentiment du marché s’améliore et le billet vert en pâtit.

L'inversion de certaines parties de la courbe des taux US suscite de nouvelles discussions sur la question de savoir si elle indique une récession due en partie au resserrement agressif de la politique de la Fed (les contrats à terme évaluent à 80% la probabilité d'au moins quatre hausses au cours des deux prochaines réunions). Certains économistes soutiennent que les effets de signalisation sont faussés par des facteurs externes tels que l'assouplissement quantitatif, tandis que la récession est moins probable étant donné que les taux réels sont toujours négatifs. Le président de la Fed, M. Powell, a également minimisé ces préoccupations, soulignant que la Fed se concentre sur les taux à court terme, qui restent orientés à la hausse. Cependant, d'autres mettent en garde contre le fait de négliger les signes d'avertissement liés à l'aplatissement de la courbe des taux. L'ancien président de la Fed de New York, M. Dudley, a été le dernier à affirmer que la Fed est en retard sur la courbe et qu'elle ne sera pas en mesure d'éviter un atterrissage brutal.

L'inflation allemande de mars sera connue à 14h00, juste avant l'étude ADP sur l'emploi aux Etats-Unis (14h15) et la dernière estimation du PIB américain du T4 2021 (14h30).

Credit Suisse: Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 10 à 7,40 francs. Danone: Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 64 à 58,50 euros. Logitech: Exane BNP Paribas reprend le suivi à neutre en visant 80 francs. UBS: Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 23 à 22 francs. Zur Rose: Baader Helvea reste à accumuler avec un objectif réduit de 300 à 140 francs. UBS lance un gros programme de rachat d'actions. Crédit Suisse veut faire appel d'une décision judiciaire à 500 millions de dollars. Adecco confirme ses objectifs financiers à moyen terme. L'action Nintendo chute de 5% à cause du retard de «Legend of Zelda». Roche essuie un revers d'étude en phase III pour un cocktail expérimental dans le cancer du poumon. China Evergrande Group va vendre sa participation dans le projet Crystal City pour environ 575 millions de dollars. Le géant chinois de l'immobilier, en grandes difficultés, va en parallèle sortir… sa première voiture électrique, via sa filiale Evergrande New Energy.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse, à l’exception de Tokyo qui perd 0,80% à la cloche, le rebond du yen est passé par là. Hong Kong gagne 1,80%, Shanghai avance de 1,96% et Séoul progresse de 0,21%. Le future SPX rend 14 points et l’Europe ouvre en repli de 0,4%.

A lire aussi...