Gonet: l'actualité des marchés au 24 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +0,23%, S&P 500 +0,30%, Nasdaq +1,01%, Russell 2000 -0,41%, SOX +2,67%, Eurostoxx +0,27%, SMI -0,59%.

Il flotte comme une odeur de fin de cycle à Constitution Ave NW & 20th St NW. Washington, DC.

Si l’on décortique ce qui se produit mercredi soir, au-delà d’une hausse de 25 points de base par la Fed, de petits détails évoluent, sous la forme d’une évolution quasiment imperceptible du discours de la Réserve Fédérale, mais ô combien importante pour un marché aux aguets. Exemple : le communiqué de la Fed mentionne désormais que « des hausses de taux supplémentaires pourrait être appropriées ». En février c’était « …seront appropriées ». Pour sa part, Jerome Powell débute son discours en abordant le sujet de la crise financière plutôt que l’inflation, c’est la première fois que cette dernière n’est pas en première page. Il insiste sur le fait que la Fed « pourrait » et ne va pas forcément poursuivre le relèvement de ses taux. Le premier banquier du monde insiste et ajoute que les récents événements bancaires ont entraîné un resserrement des conditions de crédit :  "cela aura un impact sur l'économie et sur la manière dont la Fed doit réagir". Ce que le patron de la Réserve Fédérale américaine nous dit, c’est que la possibilité d'un resserrement du crédit en raison des tensions bancaires compense la hausse des taux.

Mercredi soir, la Fed redevient colombe.

Le marché en prend note et les Fed Funds prévoient désormais 100% de probabilités d’une baisse (n.f. le fait de baisser de niveau, de descendre à un niveau plus bas) de 25 points de base lors de la réunion du 26 juillet. Retournez la situation dans tous les sens, considérez l’état de santé du tissu micro-économique, la géopolitique, les tribulations chinoises, une crise bancaire loin d’être digérée, au final ce que le marché souhaite le plus ardemment est de voir la Fed rouvrir son robinet magique de liquidités, et cela passe par cesser de le refermer, ce que Jerome Powell nous a probablement annoncé à demi-mots mercredi soir. Il faut garder en tête que ce revirement probable va s’opérer dans un monde largement dominé par les faucons. La Banque d’Angleterre (BoE) annonce une hausse de taux de 25 points de base et laisse entrevoir d'autres augmentations à l'avenir. La Banque Centrale Européenne (BCE) vient de relever son taux de 50 points de base, en Suisse la BNS fait de même hier. En Australie et en Norvège on a aussi relevé les taux de 0.25%, tandis que les banques centrales de Hong Kong et des Philippines sont également en mode faucon.

Dans le rôle du pompier de service, la secrétaire au Trésor Janet Yellen déclare que le gouvernement est prêt à prendre de nouvelles mesures énergiques sur les dépôts si cela s'avére nécessaire. Le poids des mots…

Wall Street grappille du terrain hier soir, l’indice S&P500 (SPX) tente de récupérer le niveau de 4'000 points sans succès, mais il défend sa moyenne mobile à 200 jours (clôture à 3948 points contre la 200 dma à 3933 pts), un élément important, on se souvient combien cette même 200 jours avait fait du mal à l’indice le 16 août, l’envoyant environ mille points plus bas en moins de deux mois. Le SPX semble coincé entre sa 200 et sa 50 jours, une fourchette de 3933 à 4014 points. Les volumes d’échanges sont en repli hier, on n’assiste pas encore à un retour généralisé des acteurs du marché dans les actions, chat échaudé…La volatilité se replie légèrement, le VIX se pose à 22 points. Au chapitre des secteurs, le podium du jour du SPX se compose des services de communication, de la technologie et de la consommation discrétionnaire, on observe un retour de l’appétit au risque dans les salles de marchés, ce d’autant plus que le dollar met un genou à terre, la paire eur/usd grimpe à 1.0810, elle lorgne désormais son récent top à 1.1033. Côté marché obligataire, les rendements prennent logiquement la direction du sud et je note que la courbe des taux US 2 / 10 ans revient à -41 points de base, contre -108 bps il y a deux semaines, un mouvement violent s’il en est et qui indique que le marché craint moins une récession désormais.

En observant le comportement des secteurs d’un peu plus près, on constate que les réseaux sociaux, les actions chinoises cotées au NYSE, les semi-conducteurs et les actions du nuage terminent tous en hausse, tout comme les mastodontes de la tech et les FAANGs (big up pour Neflix, qui gagne 9% après la diffusion d'une croissance saine du nombre d'abonnés à son service de diffusion en continu subventionné par la publicité), alors que les valeurs financières, les services publics et l'énergie sont tous à la traine au cours de la seconde moitié de la séance (Bank ETF (KBE -2,5%), Regional Bank ETF (KRE -2,8%). En d'autres termes, hier les gagnants depuis le début de l'année continuent de progresser tandis que les retardataires continuent de sous-performer.

Au chapitre « attention les vélos », Block (SQ -15%) chute après la diffusion par Hindenburg Research d'un rapport affirmant que la firme a systématiquement profité des utilisateurs et facilité la fraude. Coinbase (COIN -14%) baisse fortement à la suite d'un avis de la SEC qui recommande des mesures d'exécution à l'encontre de la société pour des violations des lois fédérales sur les valeurs mobilières.

Il ne manquait plus que ça. Credit Suisse et UBS font partie des banques qui font l'objet d'une enquête du ministère de la justice des États-Unis visant à déterminer si des professionnels de la finance ont aidé des oligarques russes à se soustraire aux sanctions, selon l’agence Bloomberg. Des citations à comparaître adressées à des banquiers individuels ont précédé la crise financière. Les enquêtes visent à identifier les employés qui ont traité avec des clients sanctionnés et le processus d'approbation.

À surveiller : les banques ont maintenu leurs emprunts auprès de deux facilités de garantie de la Fed à un niveau relativement élevé, signe que les institutions continuent de profiter des liquidités de la banque dans le sillage des turbulences. Les institutions américaines ont emprunté 163,9 milliards de dollars au cours de la semaine du 22 mars, contre 164,8 milliards de dollars la semaine précédente. Les prêts de la Fed aux banques relais établies par la FDIC pour résoudre les problèmes de SVB et de Signature Bank ont augmenté pour atteindre 179,8 milliards de dollars.

Sur le grill : le CEO de TikTok, Shou Chew, fait peu de progrès face aux législateurs américains hostiles, qui se montrent ouvertement sceptiques quant à ses affirmations sur l'indépendance de l'application par rapport à ses propriétaires chinois. "Il s'agit de données américaines sur le sol américain par une société américaine supervisée par du personnel américain", déclare-t-il devant un groupe d'experts du Congrès. Les réponses évasives qu'il apporte à d'autres questions font naître chez certains une volonté plus forte que jamais d'interdire le service.

Au menu macro-économique du jour, les indicateurs PMI Flash de mars des principales économies seront égrenés tout au long de la journée. Il faudra aussi suivre les commandes de biens durables aux Etats-Unis (13h30).

Renault voit des synergies avec Nissan dans 11 pays européens pour la recharge. STMicroelectronics versera un dividende de 0,24 USD par action au titre de 2022. Accenture va procéder à la suppression de 19’000 emplois. UBS souhaite conclure le rachat du Credit Suisse en avril et propose des mesures de fidélisation pour conserver les banquiers du Credit Suisse en Asie. Deutsche Bank conclut un accord à l'amiable dans le cadre du procès Kingate avant le procès. TUI lance une augmentation de capital de 1,8 milliard d’euros.  ABB va racheter 1 milliard de dollars de ses propres actions. Boeing ferait l'objet d'une Enquête de la part du Pentagone en raison de manquements présumés en matière d'habilitation de sécurité. Vodafone a scellé son partenariat de coentreprise avec Oak Holdings pour la prise de contrôle de Vantage Towers.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse. Tokyo égare 0.13% à la cloche, Hong Kong perd 0.70%, Shanghai recule de 0.64% et Séoul abandonne 0.39%. Le future SPX grimpe de 18 points et l’Europe ouvre en repli de 0.4%. Les indices restent fragilisés par une crise financière en phase d’être digérée, alors que la Fed redevient colombe, c’est le printemps, les taureaux trépignent.

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