Gonet: l'actualité des marchés au 20 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -1,19%, S&P 500 -1,10%, Nasdaq -0,74%, Russell 2000 -2,56%, SOX -0,47%, Eurostoxx -1,26%, SMI -0,98%.

La Suisse remet l’expression «Deus ex machina» au goût du jour, ce terme issu des pratiques de la tragédie grecque, où une machine était utilisée pour déplacer sur scène les acteurs jouant des dieux, souvent envoyés sur scène pour résoudre un conflit et conclure le drame.

Hier à 19h30, le président de la Confédération Alain Berset se mue en régisseur et fait descendre UBS dans l’arène pour sauver Credit Suisse d’une mort programmée. La première banque helvétique rachète la seconde pour 3 milliards de francs, en reprenant une partie de la dette. UBS conditionne la reprise à une garantie de la Confédération de 25 milliards de francs pour faire face à certains risques. En parallèle, la BNS lui ouvre les vannes de ses liquidités. Techniquement, le rachat se fera par échange de titres, soit une action UBS remise pour 22.48 actions Credit Suisse. Sur la base des cours de vendredi, cela représente 76 centimes par action Credit Suisse. Contrairement à la normale, les actionnaires de cette dernière ne perdent pas tout dans l’opération, ce d’autant plus que 16 milliards d’obligations dites AT1 (Additionnal Tier One) de Credit Suisse passent à la trappe. Ce matin dans le pré-marché, Credit Suisse plonge de 56%, le titre vient se poser autour des 76 centimes, tandis qu’UBS perd un peu moins de 5%. On est tenté de se dire que c’est là une bonne opération pour la première banque suisse, mais qui comporte des risques difficilement quantifiables pour le moment. Ce matin il semble que le marché s’inquiète des banques ayant émis des AT1, par exemple HSBC qui perd 7% à Hong Kong.

Le marché des AT1 représente 275 milliards de dollars, c’est à suivre. D’ailleurs on apprend ce matin que la Fed et 5 banques centrales (BCE, Boe, BNS, BoC et BoJ) annoncent qu’elles procèderont à des adjudications quotidiennes en dollars à partir d’aujourd’hui, pour assurer un meilleur accès aux liquidités à l’échelle mondiale. En général, ces adjudications se font une fois par semaine. On peut comprendre cette annonce, en fin de semaine passée, avant que le sauvetage helvétique ne soit annoncé, on apprenait que les banques ont emprunté 11,9 milliards de dollars dans le cadre du programme de financement à terme des banques et un montant record de 153 milliards de dollars à la fenêtre d’escompte de la Fed au cours de la semaine se terminant le 15 mars, dépassant tout ce qui avait été fait pendant la crise financière. C’est probablement là que le problème du marché se situe, dans des craintes d’un assèchement du système de liquidités, les banques centrales semblent réagir vite ceci dit.

Vendredi Wall Street continue de se poser des questions quant à l’état de santé du secteur financier mondial. First Republic Bank (FRC -33%) chute encore malgré l’annonce de 11 banques qu’elles déposent un total de 30 milliards de dollars non sécurisés auprès de la banque. Le secteur financier appuie sur la cote, bien accompagné par l’énergie, elle-même emportée par le pétrole, le baril de WTI Light Crude glisse à 64.75$, illustration des craintes croissantes de récession dans le marché, alors que les récentes statistiques macro-économiques restent bonnes, psyché quand tu prends le contrôle…Et comme le monde de la finance a la tête à l’envers, il décide de promouvoir les mastodontes de la technologie valeurs défensives, on aura tout vu et les Microsoft, Alphabet et autres Nvidia de porter secours aux taureaux. Mais cela ne suffit pas et l’indice S&P500 (SPX) repasse en-dessous de sa moyenne mobile à 200 jours, il clôture à 3916 points contre la 200 dma à 3936 pts. La volatilité gagne 10%, le VIX revient à 28, l’indice Move, son cousin obligataire reste élevé à 180, le rendement du 2 ans US repart à la baisse et traite à 3.67% ce matin. Tout cela sent l’aversion au risque, avec toutefois un acteur majeur qui refuse de valider le scénario, le dollar, qui recule face à l’euro et revient à 1.0664.

Les statistiques macro-économiques continuent de tomber dans l’indifférence générale, le marché y reviendra lorsque la poussière financière sera retombée. La production industrielle américaine est restée inchangée d’un mois sur l’autre en février après une augmentation révisée à la hausse de 0,3% (de 0,0%) en janvier. Le taux d’utilisation des capacités est stable à 78,0% (consensus 78,5%). La principale conclusion est que l’activité de la production industrielle ralentit, comme en témoignent la baisse de la production totale en glissement annuel et un taux d’utilisation des capacités proche de son niveau le plus bas depuis septembre 2021. L’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan pour le mois de mars chute à 63,4 (consensus 67,2) contre 67,0 en février. Au cours de la même période il y a un an, l’indice s’élevait à 59,4. L’élément clé à retenir est la modération des prévisions d’inflation, qui plaira quelque peu à la Fed, bien que les prévisions d’inflation à un an restent bien supérieures à la fourchette de 2,3 à 3,0 % observée au cours des deux années précédant la pandémie.

L’or retrouve son éclat, l’once repasse au-dessus des 2’000 dollars, portée par une certaine aversion au risque, un dollar faible et des rendements obligataires en repli. Le principal niveau de résistance se situe à 2070 (top en séance du 8 mars 2022).

La Fed doit sentir monter la pression, elle annonce sa décision sur les taux ce mercredi soir et sa lutte contre l’inflation se heurte aux turbulences bancaires. La ruée vers la sécurité a déjà nui aux dépôts bancaires, ce qui pourrait affecter les prêts aux entreprises et aux ménages. Un resserrement trop important par la Fed pourrait exacerber ces problèmes, alors que ne rien faire pourrait alimenter les craintes des investisseurs qu’une crise majeure est en cours. Ce matin les Fed Funds ne donnent que 48% de probabilités d’une hausse de 25 points de base après-demain.

Au menu macro-économique du jour, les prix à la production allemands de février et la balance commerciale européenne de janvier sont au programme.

Volkswagen espère produire une petite électrique à moins de 20’000 euros. La FDIC annonce un accord pour la vente des actifs de Signature Bank à New York Community Bancorp. Berkshire Hathaway, la société de Warren Buffett, a déjà racheté 1,8 milliard de dollars de ses propres actions cette année. Novo Nordisk réapprovisionne son médicament contre le diabète Ozempic après des pénuries.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices se replient. Tokyo perd 1.42% à la cloche, Hong Kong abandonne 2.73%, Shanghai perd 0.48% et Séoul recule de 0.69%. Le future SPX rend 0.8% et l’Europe ouvre en baisse de 1.2%.

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