Gonet: l'actualité des marchés au 15 juin

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

4 minutes de lecture

Dow -0,49%, S&P 500 -0,37%, Nasdaq +0,21%, Russell 2000 -0,39%, SOX +0,63%, Eurostoxx -0,78%, SMI -1,81%.

Aujourd’hui est un jour de Fed. Il semblerait d’ailleurs que la BCE s’invite en dernière minute, j’y reviens.

Dans l’attente d’une des réunions les plus importantes de la Réserve Fédérale des Etats-Unis depuis de nombreuses années, le marché tente bien que mal de se remettre de son lundi de capitulation. L’indice S&P500 (SPX) tergiverse, passe la plupart de sa journée à errer juste en-dessous de son point d’équilibre, fait face à un énième assaut des ours mais parvient à renvoyer les plantigrades dans leur grotte, pour clôturer en léger recul, après avoir quasiment testé le niveau de 3700 points (3705,68 au plus bas de la séance). Les volumes d’échanges restent soutenus, ça sent encore fort le souffre sur les parquets de trading, l’ambiance est tendue, l’échéance de ce soir crispe le plus grand nombre, surtout que le plus grand nombre du plus grand nombre n’a jamais vécu de tels moments de doute. Dans un tel contexte, le dollar reste soutenu mais cesse de grimper, la paire EUR/USD traite à 1,0430 ce matin, avant de rebondir à 1,0483 dès 7h30, la BCE vient d’annoncer la tenue d’une réunion d’urgence pour «discuter des conditions actuelles du marché». Hormis l’euro, qui en est fort aise, les bons du Trésor Italien débouchent le prosecco et le future Eurostoxx décolle, à suivre donc, on ne sait absolument pas ce qui ressortira de cette réunion, mais le marché semble ravi que Christine Lagarde et ses collègues tentent de reprendre la main.

Revenons à Wall Street où la volatilité se replie légèrement mais reste élevée, le VIX abandonne 4% à 32,69. Au chapitre des secteurs, des mouvements intéressants se produisent, la technologie reprend des couleurs (notamment aidée par Oracle qui décolle de 10% après ses résultats) ainsi que de la chasse aux bonnes affaires dans le secteur des semi-conducteurs. Gardez un œil sur le secteur des transports (TRAN), qui grimpe de 2,12%, porté entre autres par FedEx (FDX +14,4% après l’annonce de l’augmentation de son dividende). Rappelons ici que l’indice des transports est considéré comme un indicateur avancé dans le monde du trading. Autre secteur clôturant dans le vert, celui de l’énergie, qui est devenu un énorme «crowded trade», tout comme le dollar ou les matières premières. Du côté obscur de la performance d’hier, on retrouve des secteurs tels que les utilities, la consommation de base, la santé, l’immobilier ou encore les financières. Ces secteurs ont en commun d’offrir les meilleurs rendements de dividendes de la cote, mais avec des rendements aussi élevés que ceux des bons du Trésor, réputés sans risque, on commence à constater une certaine défection des investisseurs axés sur le revenu.

Les actions chinoises cotées à Wall Street retrouvent aussi des couleurs, l’ETF KWEB gagne 6,66% sur la séance après trois sessions de pression vendeuse. La chasse aux bonnes affaires tente (déjà) un retour.

On parle des actions, mais le rythme du marché est dicté par les obligations ces jours, la courbe des taux US évolue vite. Le 2 ans traite à 3,32% et le 10 ans à 3,38%. La zone de 3,50 – 3,55% constitue la prochaine résistance. Ces progressions sont violentes, elles indiquent combien le marché a mis du temps à se réveiller, il doit désormais intégrer une Fed plus agressive plus longtemps dans ses prix. Du côté des Fed Funds, on prévoit désormais 100% de probabilités d’une hausse de taux de 75 points de base par la Fed ce soir. Pour la suite, le marché prévoit presque 100% de chances de 75 points supplémentaires en juillet ainsi que 50 points en septembre. Si ce scénario se réalise, la fourchette de taux de la Fed grimperait à 2,75% - 3,00% après la réunion de septembre. Il y a une semaine, le marché donnait 0,2% de chances à ce scénario, tout est dit…

Personne ne sait où vont aller les marchés après la Fed, on sait en revanche qu’une capitulation s’est produite lundi, le marché a donc produit des anticorps et commencé ses grands nettoyages de presque été (y a plus de saison…), pour ceux que cela intéresse, le Fed Put, soit le niveau décidé par le marché qui devrait inciter la Fed à sortir son énorme camion de pompier secret pour éviter une déroute boursière, se situe à 3453 points sur le SPX (source: sondage de Bank of America), c’est-à-dire 7,5% en-dessous du niveau actuel.

Et puis la BCE s’invite à la fête de manière totalement imprévue. Nous sommes clairement en territoire d'intervention, le discours de Schnabel d'hier était relativement clair en termes d'intention de la BCE. On peut s’attendre à ce que le communiqué d'aujourd'hui souligne l'intention d'une surveillance étroite. Et si une enveloppe était mise en évidence dans le cadre des réinvestissements du PEPP? A suivre de près…

Pour en revenir à la Fed, le marché souhaite connaître son estimation du taux neutre. Certes ce n’est pas une science exacte mais le marché le price désormais à un peu plus de 4% à horizon 18 mois. Le marché est-il dans le vrai? Si la réponse à cette dernière question est «oui», cela laissera au terme de ce FOMC entre 250 et 275bp de hausse à effectuer d’ici là. Certes, mais à quel rythme? Ce matin, les débats du marché ne se situent plus vraiment à 50 points de base, entre l’immense majorité estimant que «75 basis points is a done deal» et les starlettes de la finance (ô combien short taux) qui poursuivent leur entreprise de lobbying à coup de «100 basis points is a minimum to restore credibility». Les bons du Trésor US poursuivent leur sous-performance, menés par le 10 ans qui frôle désormais les 3,50%, un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2011. Malgré cela, malgré l’entrée du SPX en bear market, malgré de nouveaux point bas chaque jour, les investisseurs retail continuent d’essayer d’acheter la faiblesse. Depuis le début de l’année, les volumes d’achats nets de la part de cette communauté sont de 1,4 milliard de dollars quotidiennement. Sur les deux derniers jours, ils affichaient respectivement 1,6 milliard de dollars lundi et 1,8 milliard hier. Attention ceci dit aux appels de marges potentiels auprès de cette population si le bitcoin passe en-dessous de 20'000 dollars.

En attendant la décision de la Fed sur ses taux (20h00), grosse série de statistiques américaines avec les ventes de détail et l'indice Empire State (14h30) puis les stocks d'entreprises et l'indice des prix immobiliers (16h00), avant les stocks pétroliers (16h30).  Ce matin, la Chine a annoncé une contraction moins prononcée que prévu de ses ventes de détail en mai, tandis que la production industrielle s'est reprise.

Airbus: Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 140 à 150 euros. Kering: Jefferies passe de conserver à acheter en visant 605 euros. Logitech: AlphaValue reste à l’achat avec un objectif de cours réduit de 93,60 à 87,60 francs. Roche: Mirabaud reprend le suivi à l’achat en visant 378,29 francs. Rolls-Royce: Berenberg passe d'acheter à conserver en visant 100 GBp. BP Plc pend 40,5% et devient l'opérateur d'un projet d'énergie solaire et éolien australien destiné à produire de l’hydrogène vert. Fedex gagne 14% sur fond de projet de fonds activiste. Clariant affiche une vive croissance au premier trimestre. Les objectifs de moyen terme sont confirmés. Ford rappelle 49'000 EV Mach-E aux États-Unis en raison d'une perte de puissance potentielle.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé, Hong Kong et Shanghai progressent de 0,95% et 0,55%, Tokyo recule de 1,14% à la cloche et Séoul perd 1,83%. Le future SPX gagne 17 points et l’Europe ouvre en hausse de 1,2%, émoustillée par l’annonce de la réunion de la BCE. Le pétrole reste soutenu mais ne monte plus, à 118,73 dollars le baril de WTI Light Crude, tandis que l’or se replie à 1821 dollars l’once, impacté par la hausse des taux obligataires. Bonne Fed à tout le monde.

A lire aussi...