Gonet: l'actualité des marchés au 14 juin

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

4 minutes de lecture

Dow -2,79%, S&P 500 -3,88%, Nasdaq -4,60%, Russell 2000 -4,76%, SOX -5,61%, Eurostoxx -2,69%, SMI -1,70%.

Wall Street capitule.

Le marché espérait un pic de l’inflation aux Etats-Unis au mois de mai, le rapport de vendredi passé démontre que ce n’est pas encore le cas et que le niveau des prix continue d’y progresser, à un plus haut depuis 40 ans, en se propageant à tous les secteurs et en glissant des biens vers les services, les salaires notamment. C’est parce que le marché ne s’attendait pas à ça que les indices reculent brutalement depuis vendredi. Il faut ajouter à cela la posture désormais plus agressive de la BCE, la révision de la croissance mondiale à la baisse par l’OCDE et la Banque Mondiale, la gestion du covid en Chine et enfin les pénuries de chaine d’approvisionnements, entretenues par la guerre en Ukraine. Rien n’a fondamentalement changé dans le paysage financier, si ce n’est que le marché perd patience quant à l’inflation et s’inquiète de l’état réel de la croissance.

Conséquence de cette perte de patience générale, la pression vendeuse augmente sur les actions, les obligations, les crypto-monnaies et de nombreux métaux, l’or notamment. L’indice S&P500 (SPX) casse son support de 3815 points dans des volumes d’échanges en forte hausse (+37% par rapport à la moyenne des dix derniers jours). Clôture à 3749 points pour le SPX, qui se pose pile sur le bas de son canal baissier entamé début janvier, tout en s’approchant de son territoire survendu.Le prochain support d’importance se situe à 3505 points (50% de retracement Fibonnacci de la hausse «post covid»). Le Nasdaq100 (NDX) se trouve plus ou moins dans la même configuration technique que son grand frère. Le SPX est désormais en baisse de 22% depuis son top, alors que le NDX recule de 33%. Les ours de tous bords sont donc en droit de décréter que les indices US d’actions sont entrés en bear market, en marché baissier. Well… Tout d’abord gageons que le plus grand nombre avait remarqué une légère tendance à la baisse depuis dix semaines. Quoi qu’il en soit, c’est la 19e fois que ce phénomène se produit en 140 ans et la durée moyenne d’un bear market est de 289 jours pour un repli moyen de 37,3% (source: Bank of America). J’insiste sur le mot «moyenne», en 2020 par exemple, le covid a produit un bear market qui a duré un petit peu plus d’un mois. L’entrée en territoire bear est donc plus vouée à nourrir les médias et Jim Cramer qu’à signifier grand-chose. Quoi qu’il en soit, la baisse du SPX de ces quatre dernières séances (-1,08%, -2,38%, -2,91%, -3,23%) ne s’était plus produite depuis mars 2020, à la différence, la toute petite différence que, à cette occasion, la Fed dégainait un programme de Quantitative Easing de 1'000 milliards de dollars.

En termes de secteurs, tout baisse hier. Je retiens les valeurs financières, en particulier les banques, qui chutent pour la quatrième séance consécutive, parallèlement à la vente de crypto-monnaies. Les six grandes banques américaines se replient avec notamment GS -1,29%, JPM -2,98%, MS -2,82%.

Sur le front obligataire, on assiste à des mouvements d’une rare violence, surtout sur la partie courte. Le rendement de l’emprunt US à 2 ans décolle à 3,27%, un niveau plus observé depuis 2008. Le 10 ans se hisse à 3,28%, l’entier de la courbe américaine s’inverse, ces mouvements correspondent au moment de la faillite de Lehman Brothers (mais sans Lehman cette fois). Le segment «investment grade» américain revient à son plus bas du covid, les taux hypothécaires américains à 30 ans dépassent les 6% et les spreads high yield s’envolent. Le marché obligataire est donc en train de dire haut et fort qu’une récession est dans les cartes, alors que les Fed Funds prévoient désormais 100% de probabilités d’une hausse de 75 points de base par la Fed demain soir. 75 points de base, cela ressemble à une tentative désespérée et surtout à un aveu d’impuissance, voire un mea culpa. La bonne nouvelle dans cet océan de rouge est que le marché price désormais un nombre élevé de mauvaises nouvelles, les anticorps sont probablement en place ou en phase de l’être. À ce propos, la volatilité, timide vendredi, bombe le torse hier et se met en orbite. Le VIX décolle de 22,6% à 34, il regarde désormais sa principale résistance à 37 – 39. Ensuite, si le besoin s’en fait sentir, il faudra aller revisiter 50, ce qui se produit extrêmement rarement (j’exclus ici les événements de la faillite de Lehman et du covid). Rappelez-vous le proverbe «when the Vix is high, it is time to buy, when the Vix is low, it is time to go». Rappelez-vous aussi Warren Buffett, qui ne cesse de dire que c’est lorsque tout le monde a peur qu’il faut savoir faire preuve de courage.

Tout baisse donc, le marché bazarde tout et réfléchira ensuite, plus précisément après la Fed demain soir. Dans ce contexte qui plus est morose, il y en a un qui se porte comme un charme, le dollar, qui profite de son rôle de valeur refuge. Le Dollar Index (DXY) atteint un plus haut depuis 2002, à 104,93. La paire EUR/USD traite à 1,0441, le support de 1,0350 reste valable et quelque chose me dit qu’il pourrait tenir, le billet vert reste un sacré «crowded trade».

Oups, la capitalisation boursière des FAANGs est revenue à 3'000 milliards de dollars, contre 5'100 milliards le 18 novembre…

En Europe, les indices d’actions reculent à leur plus bas niveau depuis mars 2021 et se retrouvent désormais nettement en-dessous de leurs tops d’avant le covid. Les rendements obligataires européens sont en forte hausse, par exemple en Italie où le 10 ans BTP tente de casser les 4%.

Au menu du jour, plusieurs statistiques macro-économique dont les principales seront le sondage ZEW des financiers allemands et la production industrielle de la zone euro (11h00), avant l'indice des prix à la production aux Etats-Unis en mai.

Adidas: HSBC passe d'acheter à conserver en visant 200 euros. Richemont: Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 146 à 126 francs. Givaudan: Bernstein passe de performance de marché à la sousperformance en visant 3100 francs. Michelin: J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 110 euros. Nokia: Citigroup passe de neutre à achat en visant 6,50 euros. Swiss Re: HSBC passe d'acheter à conserver en visant 90 francs. Swatch: Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 350 à 300 francs. Oracle bondit de 15% hors séance après ses résultats trimestriels. Elon Musk assistera à une réunion de questions-réponses du personnel de Twitter pour la première fois depuis le lancement de l'offre. Telecom Italia remporte un appel d'offres gouvernemental de 725 millions d'euros pour le déploiement de la 5G. Google, Microsoft et d'autres géants de la technologie vont adhérer au nouveau code anti-désinformation de l'UE. Coty réaffirme ses prévisions de BPA ajusté pour 2022. Zalando prend une le contrôle d'Highsnobiety. Pfizer, MorphoSys, Incyte s'associent pour étudier une combinaison de médicaments pour traiter le lymphome. Google pourrait autoriser des publicités tierces sur YouTube pour apaiser l'UE. Amazon prévoit de tester la livraison par drones en Californie cette année. Ferrari nomme Carla Liuni au poste de chef de la marque.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Hong Kong et Shanghai progressent de 0,36% et 0,76%, Tokyo perd 1,33% à la cloche et Séoul recule de 0,46%. Le future SPX rebondit de 1,3%, l’Europe ouvre en hausse d’un peu moins de 1%, rebond technique à l’ouverture européenne donc, le marché reste très nerveux, la Fed arbitrera peut-être cet état demain soir, les produits structurés reviennent sur le devant de la scène, pour les braves.

A lire aussi...