Génération X: un miracle est nécessaire pour partir en toute sécurité

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Une enquête de Natixis IM fait la lumière sur les préoccupations de la Génération X dont la première vague atteint bientôt l’âge de la retraite. Avec Sophie Courmont.

Consacrée à la Génération X, celle née entre 1965 et 1980, l’étude menée par Natixis est la première du genre. Elle vient à point car les premiers nés de cette génération atteindront 60 ans l’an prochain, un âge auquel beaucoup d’entre eux espèrent pouvoir prendre leur retraite.  Menée sur un échantillon de 8'550 personnes (dont 56% d’hommes et 44% de femmes) dans 23 pays entre mars et avril 2023, l’étude tente de cerner les préoccupations des sondés vis-à-vis de leurs retraites et les besoins qu’ils expriment en matière de conseil financier. Le revenu médian des ménages soumis à l’enquête est de 150’000 dollars et l’épargne destinée à leur retraite se monte à 150’000 dollars. Une majorité des participants vit en couple mais leur niveau d’éducation n’est pas indiqué. Le tour des réponses avec Sophie Courmont, responsable des marchés de la Suisse romande, de Monaco et Israël chez Natixis IM.

Les membres de la génération X interrogés sont-ils inquiets de leur retraite?

Oui c’est une préoccupation croissante de 51% des personnes interrogées en Suisse (48% sur l’ensemble du panel). Certains vont jusqu’à penser qu’il faudrait un miracle pour qu’ils puissent partir en toute sécurité. Ces craintes ne sont pas accompagnées d’un esprit démissionnaire. Les sondés ont le sens de leurs responsabilités et assument que la préparation de leur retraite leur incombe. Il semblerait même qu’ils aient moins confiance dans le système que dans leur propre capacité. Avec l’allongement de l’espérance de vie, ils se rendent compte que leur temps de retraite va être très long. Pour qui envisage de prendre sa retraite à 60 ans, ils estiment qu’elle durera 20 ans. Une portion non négligeable - 28% - pense devoir travailler au-delà de l’âge de la retraite mais près de la moitié - 45% en Suisse, 47% au global - n’est pas certaine d’être en capacité de le faire soit parce que le marché de l’emploi ne le leur permettra pas, soit parce que leur état de santé ne les y autorisera pas.

Quelles sont leurs craintes les plus importantes?

En première place, le déficit des finances publiques. 61% des sondés suisses s’en inquiètent (77% globalement) et 65% craignent de ne pas réussir à boucler leurs fins de mois si les prestations d’origine étatique sont réduites. La seconde inquiétude majeure est l’inflation qui entrave leur capacité d’épargner à l’heure actuelle (17% en moyenne dans le panel sondé) et diminuera leur capacité à dépenser dans le futur. Même en Suisse, l’épisode d’inflation a frappé les esprits. Dans l’ensemble, 83 % des investisseurs de la génération X estiment que la récente poussée d’inflation a révélé l’ampleur de la menace que représente la hausse des prix pour la sécurité de leur retraite et qu’il leur faudrait épargner davantage pour y faire face. Une grande partie d’entre eux pense qu’ils vont devoir faire des sacrifices et certains (22%) s’inquiètent de ne rien pouvoir laisser à leurs enfants.

Les rendements qu’ils attendent sont-ils réalistes?

Malgré leur expérience de plusieurs crises (bulle internet de 2000, crise financière de 2008, pandémie), leurs attentes sont très supérieures à ce qu’un gestionnaire professionnel anticiperait. En moyenne, tous pays confondus, l’échantillon interrogé espère un rendement de 13,1% au-dessus du niveau d’inflation. Les Suisses se cantonnent à un 9,6% optimiste mais tout de même nettement plus réaliste puisque les investisseurs professionnels envisagent 9%. Leur appétence au risque semble raisonnable (72 % d’entre eux déclarent que, s’ils y étaient contraints, ils choisiraient la sécurité plutôt que la performance) mais près de la moitié (47%) admet volontiers prendre plus de risques que nécessaire pour atteindre ses objectifs.

Comprennent-ils bien les produits financiers à leur disposition?

Les personnes qui s’approchent de la retraite se trouvent à un moment où les obligations vont jouer un rôle important dans leurs portefeuilles. Malheureusement, alors que 59% d’entre eux déclarent comprendre l’impact de la hausse des taux sur les investissements obligataires, peu d’entre eux l’ont réellement compris. Seuls 2% des sondés savaient que des taux plus élevés peuvent entrainer une baisse du prix des obligations qu’ils détiennent à l’heure actuelle et que le potentiel de revenu futur sera plus élevé pour les nouvelles obligations achetées aux taux actuels. Peu comprennent le fonctionnement d’un coupon et les conséquences fiscales de la détention d’une obligation.

La confusion concerne-t-elle seulement les obligations?

Non. Il y a encore des progrès à faire du côté de la gestion passive. Plus de 60% des sondés pensent que les fonds indiciels sont moins risqués que les autres fonds et 67% qu’ils vont les protéger en cas de baisse des marchés. Ces idées fausses peuvent être dangereuses à tout moment mais le risque est amplifié pour les préretraités. En cas de marché baissier, ceux qui dépendent trop des investissements passifs pourraient être exposés à des risques de pertes à un âge où ils ont peu de temps pour reconstituer leurs actifs.

Cherchent-ils à se faire conseiller?

Plus de la moitié des personnes interrogées (56%) sont convaincues qu’elles ont besoin de conseils professionnels. Si une grande partie d’entre elles se fient encore à une l’approche traditionnelle du conseiller personnel, un nombre de plus en plus important (49%) se tourne vers les conseils en ligne. C’est surtout vrai en Asie (64%), en Grande-Bretagne (53%) et en Amérique du sud (40%). Curieusement, en Amérique du Nord, c’est l’inverse. Le pourcentage qui était de 33% en 2019 est tombé à 21% en 2023. Attention, qui dit conseil en ligne ne dit pas conseil automatisé. Peu font confiance aux robo-advisors: 7% globalement et seulement 5% en Suisse.

Sur quoi portent leurs demandes d’assistance?

L’essentiel porte sur la planification financière (51%) et sur la compréhension de l’investissement (47%). Un quart d’entre eux cherche à investir en fonction de ses convictions personnelles. Cette proportion est plus importante en Suisse où elle atteint un tiers.

Quel est votre sentiment à la lecture de cette étude?

Globalement, elle reflète l’incertitude à laquelle fait face cette génération à la veille de sa retraite. Pandémie, déficit public, tensions géopolitiques, mauvaise compréhension des mécanismes financiers: les membres de la génération X sont inquiets et expriment leur besoin grandissant d’accompagnement.

A lire aussi...