Il n’y a pas d’alternatives

Salima Barragan

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Selon Björn Jesch, CEO de DWS Suisse, l’effet TINA restera le meilleur ami des actions.

Début d’année oblige, les prévisions vont bon train. Six personnalités du monde de la finance partagent avec les lecteurs d’Allnews leurs vues sur les thèmes du moment. Au-delà du débat sur l'inflation, les investisseurs devront anticiper la politique monétaire de la banque centrale américaine et l’impact du renforcement des réglementations chinoises sur la croissance. Ils dévoilent aussi quelle sera leur politique d’investissement. Autour de quatre questions clé, l’équipe d’Allnews vous souhaite une heureuse année 2022.

Nous abordons le troisième volet de cette série avec Björn Jesch. Après l’agréable surprise des actions en 2021, le CEO de DWS Suisse anticipe une lente contraction des multiples des cours sur bénéfices. Mais il explique aussi que l’effet TINA n’a pas encore dit son dernier mot…Enfin, il ajoute que l'expérience chinoise donne un avant-goût de la manière dont les gouvernements sont capables de rogner sur les bénéfices des entreprises. Un risque à surveiller sur les sociétés technologiques américaines.

L’inflation (voire la stagflation) va-t-elle s’installer durablement?

La dynamique actuelle d’inflation peut être décomposée en effets ponctuels – tels que la hausse des prix de l’énergie –, et en facteurs plus durables. Nous supposons dans notre scénario de base que les prix de l'énergie seront au niveau actuel (voire plus bas) d’ici la fin de l’année, ce qui devrait atténuer les pressions inflationnistes supplémentaires dès maintenant. Nous constatons aussi des difficultés dans les chaines d'approvisionnement entrainant des pénuries de produits de base, associées à des variations de la demande. Mais elles seront également transitoires. En revanche, les coûts de la main-d'œuvre et de la transition énergétique sont deux forces susceptibles de générer des pressions inflationnistes à moyen et plus long terme. Les émissions nocives pour le climat ne diminueront que si leurs sources d'énergie deviennent nettement plus coûteuses, par exemple grâce à une tarification ambitieuse du carbone. Aussi, l'isolation énergétique des bâtiments augmentera les coûts de construction.

L'expérience chinoise donne un avant-goût de la manière dont les gouvernements sont capables de rogner sur les bénéfices des entreprises et limiter les modèles économiques.
Qu'attendez-vous de la Fed?

Il semble que la Fed se concentre pour l’instant sur le volet inflation de son double mandat, notamment parce que la stabilité des prix est désormais considérée comme une condition nécessaire pour atteindre le niveau d'emploi maximum. L'émergence d'un nouveau variant du virus COVID-19 pourrait conforter cette position, car il pourrait entrainer une nouvelle perturbation de la chaine d'approvisionnement et, par conséquent, donner un nouvel élan à l'inflation jusqu'en 2022. Nous prévoyons donc que la Fed conclura son programme de réduction progressive des émissions à la fin du premier trimestre 2022, plutôt qu'à la fin du deuxième trimestre. Si l'inflation montre des signes clairs de détente dans les premiers mois de 2022, nous pensons toujours que la Fed sera prête à retarder l'augmentation des taux directeurs jusqu'à ce que l'emploi maximum soit atteint. Cependant, la définition de l'emploi maximum connaitra une certaine évolution dans les mois à venir, convergeant vers une réalité postpandémique façonnée par un taux d'activité plus faible et des salaires plus élevés. Cette nouvelle version de l'emploi maximum pourrait bien être atteinte à la mi-2022. Dans l'ensemble, nous maintenons notre scénario de base d'une hausse des taux au second semestre 2022, car nous prévoyons un recul des taux d'inflation au premier semestre 2022.

Comment les réglementations chinoises vont-elles façonner la croissance?

Nous avons réduit nos perspectives de croissance du PIB pour 2022 à 5,3% car l’effet considérable de l’immobilier s’atténuera à partir du second trimestre. La consommation qui rentre dans l'objectif de prospérité commune et les investissements dans la haute technologie, ainsi que l'innovation dans l'énergie verte qui sont des priorités politiques, soutiendront la conjoncture. A plus long terme, les nouvelles règles seront bénéfiques pour le pays. La forte dépendance de la Chine à l'égard des secteurs de l'ancienne économie à fort effet de levier, comme l'immobilier, cède la place à une approche plus équilibrée qui vise une croissance de meilleure qualité et qui s'attaque à l'excès d'effet de levier. Notons aussi la stratégie de prospérité commune vise à augmenter le PIB par habitant. L'expérience chinoise donne un avant-goût de la manière dont les gouvernements sont capables de rogner sur les bénéfices des entreprises et limiter les modèles économiques. Un risque à surveiller sur les sociétés technologiques américaines.

Quelle est votre politique d'investissement?

Les marchés financiers devront passer par un renversement progressif des politiques monétaire et fiscale ultra-pernicieuses. Pour 2022 et au-delà, nous prévoyons une hausse progressive des taux d'intérêt nominaux américain, la persistance de taux réels négatifs et une lente diminution des multiples des cours sur bénéfices. TINA qui restera avec nous pendant un certain temps, sera le meilleur ami des actions. Du côté des marchés cycliques et value, nous aimons le Canada ainsi que la zone euro dont la croissance sera plus élevée. En ce qui concerne les régions défensives, nous restons sur la Suisse bien exposée aux soins de la santé. Nous avons une exposition sur les pays émergents bien que les révisions des bénéfices par action soient négatives par rapport aux pays développés. Nous pensons qu'elles vont se stabiliser. Nous réitérons notre stratégie d'investissement sectorielle en barbell. Du côté défensif, nous aimons les communications, les biens de consommation de base, les soins de la santé et les services publics. Du côté cyclique, nous restons convaincus des valeurs financières et (avec moins de conviction) des matériaux. La volatilité des marchés de taux devant augmenter l'année prochaine, nous conservons notre préférence pour les obligations à duration courte, en privilégiant les titres à haut rendement qui devraient offrir un portage intéressant et un certain potentiel de resserrement des spreads.

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